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Pour nous, nous n'y verrons qu'une de ces pieuses fictions dont l'antiquité naïve aimait à entourer ses hommes et ses croyances (1). L'Église, qui avait conquis Synésius, l'avait perdu trop tôt pour le compter parmi ses gloires; à défaut des ouvrages qu'on avait pu se promettre de son génie, on supposa des miracles; de l'évêque presque ignoré de Ptolémaïs, on se plut à faire un apôtre (2).

(1) Basnage n'admet point le miracle, cela va sans dire; mais la manière dont il réfute le récit de Moschus est assez singulière : « Comme si on rendait de l'argent dans l'autre vie; dit-il » (Moschus ne rapporte point que la dette ait été payée en pièces d'or) « ou comme si l'âme, sortie du corps, »pouvait écrire! Avec quelle plume, avec quelle encre, l'àme d'Évagrius » aurait-elle tracé ces mots? Quasi vero et pecunia in altera vita redderetur, ➤ el mentes corpore solutæ scribendi facultate pollerent. Quo calamo aut » atramento chartis memorata verba Evagrii Spiritus illevisset? » T. III, p. 241, ch XII.

(2) Le savant Bellarmin donne à Synésius le titre de saint. Il se trompe : le Synésius qui a été canonisé par l'Église subit le martyre sous Diocletien.

SECONDE PARTIE.

ÉTUDES

SUR LES

ŒUVRES DE SYNÉSIUS.

CHAPITRE I.

LETTRES.

Caractère général des lettres de Synésius.-Lettres écrites avant son épiscopat; lettres écrites après son épiscopat. Curieux détails de mœurs.- Comment s'envoyaient les lettres.

Nous avons de Synésius cent cinquante-six lettres (1) écrites dans un espace d'environ seize ans (de 396 à 413). Les écrivains anciens n'ont laissé sur notre auteur que fort peu de détails; c'est donc dans ses propres ouvrages, et surtout dans cette correspondance, qu'il faut puiser pour faire sa biographie. Mais cette recherche offre assez de difficultés. Dans la décadence de la littérature grecque, les lettres de Synésius, beaucoup lues, obtinrent plus de succès que tous ses autres écrits: on en fit de nombreuses copies; il s'y glissa des fautes qui altérèrent le texte et en rendirent l'intelligence souvent pénible. Une autre cause d'obscurité, c'est l'absence d'un ordre chronologique (2). Les lettres nous sont parvenues, jetées pêle-mêle au hasard. On est donc forcé, pour se reconnaître dans cette confusion et mettre de la suite dans les faits, d'interroger souvent les plus minces détails; quelquefois même les indications manquent absolument pour cette œuvre de restitution.

(1) Plusieurs erreurs se sont glissées dans les deux éditions du P. Pétau. V. la note 1, p. 7.

(2) V. l'Appendice, où nous avons essayé de rétablir l'ordre chronologique de ces lettres.

Il est assez facile, cependant, de distinguer deux classes de lettres, écrites les unes par le philosophe, les autres par l'évêque : celles-ci beaucoup moins nombreuses. Nous allons parler d'abord des premières.

Nous voyons, par le témoignage de Photius, d'Évagrius et de Suidas (1), que les Grecs professaient une singulière estime, pour cette correspondance; aucune critique ne se mêle à l'éloge. A les entendre, les lettres sont excellentes, admirables. Sans partager cette espèce d'enthousiasme, on peut le comprendre cependant. Chez les modernes on retrouve quelquefois la même admiration. Ces lettres, dit Ellies du Pin dans sa Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques (article Synésius), « sont écrites avec une » élégance, une pureté, une adresse inimitables, et sont » remplies de traits d'histoire, de pensées sublimes, de rail>>leries fines, de réflexions morales et de sentiments de » piété. » Nous ne souscrirons pas entièrement à cet éloge, mais nous reconnaîtrons aisément que les lettres de Syné→ sius se recommandent par plus d'un mérite. Les défauts mêmes expliqueront en partie le succès qu'elles obtenaient chez les Grecs; car il est de ces défauts qui deviennent des qualités aux époques où le goût s'altère et se corrompt.

Si la faveur qu'on accorde à lécrivain doit se mesurer sur l'affection qu'inspire l'homme, assurément il est peu d'auteurs chez les Grecs dont les lettres doivent être préférées à celles de Synésius. Partout, en effet, se révèle un caractère humain, officieux, sincère, une nature douce et aimante dont les faiblesses mêmes nous intéressent, un esprit indépendant qui préfère aux richesses la littérature et la philosophie, aux honneurs son repos, tout prêt à le sacrifier pourtant si l'intérêt d'un ami ou du pays l'exige.

(1) Χάριτος καὶ ἡδονῆς ἀποστάζουσαι, μετὰ τῆς ἐν τοῖς νοήμασιν ἰσχύος καὶ TUXVÓτητos. Photius, Cod. XXVI. Δι κομψῶς καὶ λογίως πεποιημέναι έπισ τολαί. Evagrius, I, 15. — Τὰς θαυμαζομένας ἐπιστολάς. Suidas.

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