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point à de rigoureux châtiments: pour toute punition, il renvoie son esclave (L. XXXII et CXLV-144). Avec des dispositions naturellement si bienveillantes pour tous, on peut juger combien il chérit ses amis aussi sa correspondance avec eux abonde en témoignages de vive affection. « Synésius, tant qu'il vivra, se doit tout entier à ses amis, » dit-il lui-même (L. XLIV). Souvent il leur envoie des présents, tantôt des produits de ses champs (L. XCVII—96, CXXXIV-133), tantôt un cheval élevé par lui-même (L. XL), tantôt des animaux rares qu'il a pris à la chasse (L. CXXIX, CXXXIV-133) (1).

Rien ne devait troubler cette fête perpétuelle dans laquelle se passait la vie de Synésius (2), que le récit des injustices et des violences dont la Cyrénaïque paraît avoir été souvent le théâtre à cette époque. « Dans mes chagrins, écrivait-il >> plus tard lorsqu'il était retiré en Égypte, je m'estime en» core trop heureux d'être délivré d'amis et d'ennemis de » cette espèce. Je veux rester éloigné d'eux, n'avoir plus de >> rapports avec aucun d'eux (3). Je vivrai plutôt sur une » terre étrangère. J'étais séparé d'eux par le cœur avant de » l'être par les distances (4). Je pleure sur le sort de mon » pays: Cyrène, autrefois le séjour des Carnéade et des Aris» tippe, est livrée maintenant aux Jean, aux Julius, dans la » société desquels je ne puis vivre. J'ai bien fait de m'expa» trier. » (L. L.) Le dégoût que lui inspirait ce voisinage vint-il en effet l'arracher à sa retraite? Le désir de rejoindre à Alexandrie son frère Évoptius contribua-t-il à son départ?

(1) C'est ainsi qu'il leur envoie, comme objet de curiosité, des autruches apprivoisées comme des poules.

(2) ὥσπερ ἐν παρηγύρει σεμνῇ διεξάγων τὸν βίον. L. LVII.

(3) Le Jean dont il est question plus bas, et qui paraît avoir été, à une certaine époque, l'ami de Synésius, était même accusé d'avoir tué son propre frère, Emilius.

(4) Ο τρόπος πρὸ τοῦ τόπου ἡμᾶς διώκισεν, sorte de jeu de mots qu'affec tionne Synésius.

Quoi qu'il en soit, il quitta la Cyrénaïque, et vint s'établir en Egypte, sans doute vers le commencement de 403 (1).

Synésius retrouvait à Alexandrie, outre son frère, de fidèles amis et surtout Hypatie. Les leçons de la jeune païenne lui restaient toujours chères; mais à côté des séductions du néoplatonisme, il rencontra un autre enseignement sur lequel sans doute il n'avait pas compté. Théophile occupait alors le siége patriarcal d'Alexandrie. Animé d'une ardeur de prosélytisme qui allait souvent jusqu'à la violence, habile, adroit, éloquent, quand la passion ne l'emportait point, il ne put voir, je pense, sans un secret désir de le conquérir au christianisme, ce descendant d'une illustre famille, riche, considéré, célèbre par ses talents. Comment s'établirent les relations de Synésius avec Théophile? Nous l'ignorons; mais elles durent être assez intimes, à en juger par le respect et la reconnaissance que Synésius témoigne partout pour l'archevêque d'Alexandrie. Ce fut peut-être à la suite de ces entretiens que les premiers germes de la foi chrétienne furent déposés dans son âme;

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(1) Pour préciser assez exactement cette date, nous avons deux données certaines d'abord Synésius resta deux ans à Alexandrie, atpidi dè èπidŋμήσας ἀπὸ τῆς Αἰγύπτου, καὶ δυοῖν ἐνιαυτῶν ἐπιστολὰς ἅμα ἀνεγνωκώς (L. CXXIII); ensuite il était revenu lors du siége de Cyrène. Ce siége eut lieu l'année qui suivit le consulat d'Aristénète (L. CXXXIII-132), c'est-à-dire en 405, et commença cette période de sept ans de malheurs dont parle Synésius dans sa Catastase (p. 299, D), prononcée en 412. Or quand les barbares vinrent menacer Cyrène, il y avait peu de temps qu'il était de retour: en effet, aux premières alarmes que cause leur invasion, Synésius n'avait encore qu'un fils, tò naιdíov (L. CXXXII—131), le seul qui vint au monde en Égypte ; mais le second, qui naquit certainement dans la Cyrénaïque, allait naître; car c'est dans l'intervalle qui s'écoula entre la conception et la naissance de cet enfant que Synesius quitta Alexandrie, πόλεως ἐν ᾗ τοὺς παιδας ἐγεννησάpny (L. XVIII). Bientôt après il parle de ses enfants, Tv Taidov (L. CVIII), qu'il recommande à son frère. Puisqu'il revint vers la fin de 404 ou le commencement de 405, il avait été habiter Alexandrie à la fin de 402 ou dans les premiers mois de 403. - Voir, au surplus, notre Appendice sur l'ordre chronologique des lettres.

ses croyances platoniciennes allaient insensiblement faire place à des dogmes plus positifs, et dès lors sous le philosophe commença à apparaître le néophyte. A l'autorité de ses conseils, le patriarche ajouta un moyen de persuasion plus doux, mais non moins sûr : lui-même il maria Synésius (1). Lui donner une épouse chrétienne, n'était-ce pas déjà le gagner à moitié à la cause du christianisme? Sur une âme tendre et aimante, l'influence de la femme devait à la longue être irrésistible: c'était comme un apôtre attaché au foyer domestique.

Dans les lettres qui nous sont restées de Synésius, il est rarement question de sa femme; nous ne savons même pas son nom. Nous voyons seulement qu'il ressentit pour elle une vive et durable affection. Tout lui souriait; un mariage suivant ses goûts, l'amitié que lui portaient les hommes les plus distingués, parmi lesquels Pentadius, préfet d'Égypte; les succès littéraires (c'est à cette époque qu'il compose Dion et le Traité des Songes): la naissance d'un fils vint ajouter à son bonheur.

Après deux ans de séjour à Alexandrie, vers la fin de 404 ou le commencement de 405, Synésius retourna dans la Cyrénaïque, où son frère l'avait précédé. A peu près à la même époque sans doute arrivait, comme gouverneur de la Pentapole, Céréalius, homme cupide et lâche, dont la honteuse administration livra de nouveau la province à toutes les horreurs de la guerre. Uniquement occupé du soin de s'enrichir, Céréalius dispensait du service militaire les indi

Basnage commet

(1) Η ἱερὰ Θεοφίλου χεὶρ γυναῖκα ἐπιδέδωκε (L. CV). une erreur évidente; il prend ce Théophile, non point pour le patriarche, mais pour un habitant d'Alexandrie, beau-père de Synésius: «Socerum vi» rum nobilem habuit, nomine Theophilum, cujus filiam duxerat (Annales politico-ecclesiastici, t. III, cap. x, p. 240). » Les mariages entre gentils et chrétiens étaient assez fréquents; ils servaient même à propager le christianisme. Voyez ce que dit S. Augustin de sa mère Monique, qui avait épousé un païen.

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gènes qui lui donnaient de l'argent; ceux qui n'avaient pu acheter leur congé lui servaient à rançonner le pays : il les envoyait tenir garnison, non point dans les endroits les plus exposés aux attaques de l'ennemi, mais parmi les populations les plus riches. Pour s'affranchir des charges qu'entraînait pour elles le séjour trop prolongé de ces troupes presque indisciplinées, les villes s'empressaient d'offrir de l'or au gouverneur. Ainsi le peu de soldats qui restaient servaient moins à défendre la contrée qu'à l'opprimer. En agissant de la sorte, Céréalius semblait conspirer pour les barbares aussi dès qu'ils apprirent l'état de faiblesse où se trouvait réduite la Cyrénaïque, les Macètes se hâtèrent d'accourir avec d'autres peuplades sauvages (L. CXXX—129 bis) . Les chevaux et les chameaux qu'ils enlevèrent de tous côtés ne suffisaient pas pour emporter leur butin; ils emmenèrent en esclavage un grand nombre de femmes et d'enfants (L. CXXV). Maîtres de la campagne, ils menacèrent bientôt les villes et les places fortifiées où s'étaient retirés tous ceux qui avaient pu échapper. Cyrène fut assiégée. Au lieu de faire face aux périls qu'il avait provoqués lui-même, Céréalius se réfugia sur un vaisseau, après avoir eu soin toutefois d'y faire transporter ses richesses: de là, tranquille spectateur de cette guerre, comme s'il eût voulu que tout le monde l'imitât dans sa lâcheté, il faisait passer aux Cyrénéens l'ordre de n'engager aucun combat. Mais on ne tint point compte de ces prescriptions; la nécessité d'ailleurs forçait les habitants à tenter des sorties. On manquait d'eau dans la ville. Synésius prit une part active aux fatigues et aux travaux des assiégés: tantôt, accablé de sommeil, il veille sur les remparts, observe les signaux des forteresses voisines, allume lui-même des feux (L. CXXX-129 bis); tantôt il fait construire des machines pour lancer de grosses pierres (L. CXXXIII — 132); tantôt enfin, quand l'ennemi commence à s'éloigner, avec quelques jeunes gens choisis, et à la tête d'une troupe de soldats Balagrites, devenus

d'excellents archers depuis que Céréalius leur a ôté leurs chevaux, il parcourt les collines qui environnent Cyrène, et va reconnaître la campagne (L. CXXXII—131).

Cyrène fut délivrée; mais la guerre continua encore pendant quelques années, avec des chances diverses. Il est difficile d'en suivre bien exactement toutes les vicissitudes : l'histoire de la Pentapole, pendant ces quatre années (de 405 à 409), est assez confuse. Seulement nous voyons que dès qu'il s'agit de combattre contre les barbares, Synésius est toujours prêt : il réunit des laboureurs autour de lui; ils n'ont que des massues, que des haches il fait fabriquer pour eux des lances, des flèches, des épées tranchantes (L. CVIII). Et comme son frère, moins hardi que lui, à ce qu'il paraît (car Synésius lui reproche quelque part sa timidité), objecte qu'une loi interdit aux particuliers de se défendre eux-mêmes et de fabriquer des armes (1), Synésius montre autant d'indépendance à l'égard d'une loi déraisonnable que de courage contre l'ennemi : « Vraiment tu plai» santes, répond-il à Evoptius, de vouloir nous empêcher de

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fabriquer des armes, tandis que l'ennemi ravage la con» trée, égorge chaque jour des populations entières, et que » nous n'avons pas un soldat pour nous défendre. Quoi! dans » cette extrémité, tu viendras encore soutenir que de simples » particuliers ne peuvent prendre les armes! Si c'est un crime d'essayer de nous sauver, nous pourrons mourir » pour apaiser le courroux de la loi. Eh bien! alors même » j'emporterai du moins la satisfaction de ne céder qu'à la » loi, et non à d'infâmes brigands. De quel prix n'achèterai» je point le bonheur de voir la paix refleurir, le peuple s'empresser autour des tribunaux, d'entendre le héraut > ordonner le silence! Oui, je veux bien mourir dès que > ma patrie aura recouvré sa tranquillité passée. (L. CVII.) »

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(1) V. Code Théodosien, L. XV, tit, xv.

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