Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

a suffi de son propre génie et de ses méditations solitaires. Mais enfin si l'on voulait à toute force (car on aime à rattacher les noms à d'autres noms par une sorte de filiation littéraire) lui donner des ancêtres poétiques, ne serait-il pas juste de citer tout d'abord, parmi les pères de ce genre de poésie, l'écrivain grec qui, dès le quatrième siècle, composait des hymnes empreints d'une si profonde mysticité (1)?

(1) Voir, à la fin de cette étude, la note sur les ressemblances qu'offrent un certain nombre de passages de M. de Lamartine avec les Hymnes de Synésius.

[blocks in formation]

Ambassade de Synésius à Constantinople: il y prononce le discours Sur la Royauté. Caractère philosophique de ce discours; hardiesse de l'orateur.— OEuvres composées par Synésius après son élévation à l'épiscopat : Fragments d'homélies; Discours contre Andronicus (L. LVII); Catastases.

« L'année 397, » dit Lebeau après avoir raconté plusieurs prodiges qui effrayèrent Constantinople, « présente un » phénomène beaucoup plus étonnant à mon avis; un cen>> seur parlant hautement au milieu d'une cour corrompue, >> et un ministère tyrannique qui l'entend sans punir sa » vertueuse franchise.» Histoire du Bas-Empire, XXVI, 39. Bien que l'on puisse trouver un peu d'emphase dans ces expressions, il y a véritablement lieu d'être surpris lorsque, après avoir lu tant de fades panégyriques composés en l'honneur des empereurs, et de quels empereurs souvent! on arrive au discours qui va nous occuper. Le langage de Synésius contraste d'une étrange façon avec celui des orateurs et des poëtes qui l'ont ou précédé ou suivi. Il ne se contente pas seulement de refuser ces honteuses adulations que prodiguaient sur toutes choses, et avec tant de complaisance, les rhéteurs introduits devant le Prince : il n'élève la voix que pour faire entendre de sévères avertissements, de dures leçons, au monarque et à ceux qui l'en

tourent. Si la cour d'Arcadius n'avait mérité les plus rigoureux jugements de l'histoire, on serait tenté de croire que Synésius outre le blâme, comme d'autres exagéraient la louange. Il n'avait point eu de modèles à cet égard, il n'eut point d'imitateurs. Ce discours se recommande donc à notre attention par sa singularité même, et ce n'est point là du reste, nous le verrons bientôt, son unique mérite.

Nous savons déjà dans quelles circonstances Synésius fut député par ses concitoyens à Constantinople. (Voir plus haut, page 19). Nous avons dit qu'il y séjourna de 397 à 400, temps où régnait Arcadius. Évagrius le Scholiaste dit cependant (1,15) que ce fut devant Théodose que le discours fut prononcé; et Nicéphore ajoute (XIV, 55), devant Théodose le Jeune. Mais tous deux se trompent évidemment. Il n'y a point de doute sur l'époque où Synésius fit son voyage. D'ailleurs dans la harangue même nous trouvons la preuve que l'orateur s'adresse à Arcadius : « Songe à ton » père, lui dit-il : il a reçu l'empire comme le prix de sa >> vertu; ses exploits lui ont donné le trône; il a acquis sa >> haute fortune par ses fatigues: tu ne dois la tienne qu'au » hasard de la naissance. » Et un peu plus loin : « Il fit la >> guerre contre deux tyrans, les vainquit tous deux, et peu de > temps après avoir triomphé du second, il quitta la vie (1).» Ces traits ne peuvent évidemment s'appliquer qu'à Théodose le Grand, qui dut à son courage de se voir associer à l'empire par Gratien, et qui, déjà vainqueur de Maxime en 388, défit l'usurpateur Eugène vers la fin de 394, et mourut pour ainsi dire dans son triomphe au commencement de 395. Ajoutons encore une allusion aux deux héri

(1) Αναπέμπασαι δὲ τὸν πατέρα, καὶ ὄψει τὴν ἀρχὴν αὐτῷ μισθὸν ἀρετῆς δοθεῖσαν. Ρ. 4, D. Τῷ μὲν ἡ στρατεία βασιλείαν προυξένησε..... ὁ μὲν τὰ γαθὰ πόνοις ἐκτήσατο· σὺ δὲ αὐτὰ ἀπόνως ἐκληρονόμησας. Ρ. 5, Α. - Επί δύο τυράννους ἐλθὼν καὶ ἄμφω βαλών, ἐπὶ τῷ δευτέρῳ τροπαίῳ, καταλύει τὸν βίον. Ρ. 5, Β.

[ocr errors]

tiers de Théodose : « Il vous a laissé (à Arcadius et à Honorius) un empire incontesté (1). »

On a cherché quelquefois à justifier l'assertion d'Évagrius et de Nicéphore à l'aide de Suidas, qui dit à l'article Syněsius qu'il avait composé des discours à l'Empereur (2). On a donc supposé l'existence de deux harangues, dont l'une serait perdue; mais que Synésius soit retourné une seconde fois à Constantinople, c'est ce que rien ne nous permet de croire. A quelle époque, dans quelles circonstances, aurait-il fait cet autre voyage? Ses écrits, si attentivement qu'on les interroge, restent muets à cet égard : et cependant avec ses œuvres, et surtout avec sa correspondance, nous suivons assez facilement sa vie à partir de 397. Ainsi il faut rejeter cette explication, bien que Fabricius soit disposé à l'admettre; et sans attacher autrement d'importance aux termes dont se sert Suidas, nous ne verrons dans les expressions d'Évagrius et de Nicéphore qu'une inexactitude.

Ainsi c'est devant Arcadius que le discours fut prononcé: sur ce point il n'y a vraiment aucun doute sérieux. Mais maintenant en quelle année fut-il prononcé? Est-ce au commencement ou vers la fin de la légation? Aucun texte formel ne résoud cette difficulté; on ne peut former que des conjectures plus ou moins probables. Le P. Pétau affirme, sans donner aucune preuve de ce qu'il avance, que Synésius parla devant l'Empereur l'année même de son arrivée : Fabricius, Tillemont, Lebeau, Gibbon et d'autres encore partagent la même opinion.

Pour nous, nous croyons plutôt qu'il convient de reculer d'un an ou deux la date de ce discours. Remarquons d'abord que dans plusieurs passages de ses écrits (Songes, p. 148, C. D. Hymne III, v. 430 et sqq.), Synésius se plaint

(1) Αδήριτον ὑμῖν τὴν βασιλείαν καταλιπών. P. 5, G. (2) λόγους βασιλικοὺς καὶ πανηγυρικούς.

des obstacles sans nombre qu'il rencontra à Constantinople dans l'accomplissement de sa mission. Ce n'était point une faveur qu'on obtint aisément de paraître et de porter la parole devant l'Empereur : au besoin, et sans autre témoignage, le discours même en ferait foi; car l'orateur blâthe énergiquement cette habitude du prince de se rendre invisible, comme s'il n'était pas un homme (p. 14 et 15). Ailleurs, quand au nom de la justice il demande, pour les députés des provinces éloignées, un accès prompt et facile (1), ne peut-on pas reconnaître dans son langage comme une plainte des longs retards qu'il a subis? Comment donc penser qu'il fut admis si vite en présence d'Arcadius? Ce fut plutôt, j'imagine, quand il se fut acquis des amis puissants, et les eut intéressés au succès de son ambassade, entre autres Aurélien, préfet du prétoire en 399, qu'il put pénétrer auprès de l'Empereur. Dans l'intervalle nous le voyons encore gagner la bienveillance d'un des officiers du palais, Pæonius, par le don d'une sphère céleste. La connaissance qu'il montra des mœurs de la cour et de la situation des affaires serait encore un indice d'un séjour déjà prolongé dans la capitale de l'empire.

La hardiesse qui éclate dans tout le discours s'explique sans doute en partie par la jeunesse et par le caractère de l'orateur. N'est-il pas permis cependant de conjecturer que, lorsqu'il se préparaît à parler avec tant de liberté, certaines circonstances favorables venaient de se produire, qui ôtaient à son entreprise ce qu'elle aurait eu de trop téméraire? Si Eutrope avait vécu, j'ai peine à croire qu'il eût supporté l'amertume de ce langage, dont presque tous les traits venaient directement l'atteindre. Lui, l'impérieux et vindicatif ministre, qui avait fait porter, pour punir les offenses

(1) Τὸ δὲ χρῆμα τῶν πρεσβειῶν ἄλλως τὸ ἱερὸν καὶ δεῦρο τοῦ παντὸς ἄξιον.... αἷς εὐπρόσοδος ἔστω καὶ πατὴρ ὡς ἤπιος, τοῦτο μὲν ἤδη καὶ γείτοσι καὶ μὴ γείτοσιν. Ρ. 27, Α, Β.

« ZurückWeiter »