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d'autres fois, après de longs détours, elles revenaient aux mains de celui qui les avait écrites (1). Quelques-unes demeuraient en route des mois, des années entières (2), et arrivaient presque illisibles, à moitié rongées par les vers (3). C'est là ce qui nous explique en partie l'ignorance de Synésius à l'égard du monde romain : dans ses lettres, vous ne trouvez jamais la moindre allusion aux événements qui agitaient l'empire d'Occident: il a l'air de les ignorer. En 405, il sait qu'Aristénète a été consul d'Orient pour l'année précédente (L. CXXXIII—132) : mais quel a été le consul de Rome? Il n'en sait rien. Et cependant ce consul n'est rien moins que l'empereur Honorius lui-même. La Cyrénaïque ne voyait plus arriver, dans ses ports jadis si fréquentés, que quelques rares vaisseaux venus de Grèce, d'Égypte et de Syrie; il semble que le reste du monde n'avait plus de relations avec cette partie de l'Afrique, et qu'on aurait pu dire d'elle, au v° siècle, ce qu'au temps d'Auguste un poëte disait de la Bretagne, qu'elle était séparée de l'univers (4). Dans les lettres de Synésius, pas une ligne, pas un mot ne laisse croire qu'il connaisse rien de ce qui se passe en dehors de l'Orient; et cependant, en moins de quinze ans, de 400 à 413, que de révolutions s'accomplissent en Italie! L'empire romain s'écroule sous les efforts des barbares qui fondent de tous côtés; Stilicon, dont le génie retarde un moment la ruine de l'empire, périt victime d'une intrigue; Alaric prend d'assaut la ville éternelle; les Goths montent

(1) Οὐκ ἄξιον ποιεῖσθαι κατάλογον τῶν πεμφθέντων μὲν, ὥστε Πυλαιμένη λαβεῖν, ἐν Αλεξανδρέιᾳ δὲ ἐκτεθέντων (L. CXXIX). - Μάτην στείλας τὰς ἐπιστο λὰς, τῷ πάλιν αὐτὰς εἰς τὰς ἐμὰς χεῖρας ἀνακομισθῆναι (Ib.).

(2) Ηρινὰς ἀπὸ Θρᾴκης ἐπιστολὰς κομισάμενος (L. LXXXVIII-87). · Δυοῖν ἐνιαυτῶν ἐπιστολὰς ἅμα ἀνεγνωκώς (L. CXXIII).

(3) Τεκμαίρομαι δὲ αὐτὴν (τὴν ἐπιστολὴν) εἶναι παμπάλαιον, τῷ τε θριπηδεστάτην γεγονέναι, καὶ τῷ συγκεχῦσθαι τὰ πλείονα τῶν γραμμάτων (L. CXXXIII132). Συμβαίνει τὸ μηδὲ νεαροῖς, ἀλλ ̓ ἕωλοις αὐτοῖς (τοῖς γράμμασι) περιτυγχάνειν (Ι.).

(4) Et penitus toto divisos orbe Britannos. (Virgile.)

en triomphe au Capitole : ces grandes catastrophes, qui vont troubler saint Jérôme jusque dans sa grotte de Béthléem, ne semblent point frapper les oreilles de Synésius. Notre imagination s'émeut encore, au bout de quinze siècles, à la seule pensée de ce monde romain qui disparaît : lui, ce contemporain de tant de revers, il n'entend rien, il ne voit rien. Sa foi même ne l'arrache point à ses exclusives préoccupations d'hellène : vainement vient-il de se consacrer à la religion qui porte le beau titre d'universelle; ses regards et sa pensée ne franchissent point les étroites limites dans lesquelles il s'est emprisonné jusqu'ici. Élevé en dignité dans la hiérarchie chrétienne, tous ses hommages vont au patriarche grec d'Alexandrie: mais pour le prince des évêques, pour le pontife qui protége à Rome, contre les barbares, les tombeaux des saints apôtres, pas un souvenir. Sur cette même côte d'Afrique, non loin de Cyrène, aux confins du monde grec, l'Église latine soutient de glorieuses luttes: les déserts mêmes sont pleins du nom de ses docteurs et du bruit de ses triomphes; c'est le temps où agit, écrit et parle saint Augustin. Eh bien! cherchez attentivement dans les lettres de Synésius cette voix puissante n'y trouve pas le moindre écho. Cette absence de toute indication sur le monde romain ne s'explique pas seulement par la rareté des rapports que la Cyrénaïque entretenait avec les provinces d'Orient. Synésius ignorait la langue latine, cette langue que les Grecs, fiers de posséder le plus bel idiome qui fut jamais, avaient souvent dédaignée comme à demibarbare; et de même que nulle part, dans les œuvres de sa jeunesse, un souvenir de Virgile ou de Cicéron ne se mêle aux citations d'Homère, de Démosthènes ou de Platon, de même plus tard rien ne révèle aucun commerce d'idées entre l'évêque de Ptolémaïs et l'orateur sacré d'Hippone (1).

(1) Quoiqu'il puisse paraître singulier qu'un esprit curieux et versé dans les connaissances humaines de son temps, comme l'était Synésius, ait

L'absence de relations suivies et fréquentes entre la Pentapole et les pays environnants, dut certainement influer sur la manière d'écrire de Synésius. Comment en effet la lenteur des communications aurait-elle permis aux sentiments de se produire dans toute leur vivacité? Les lettres n'étaient plus un rapide échange de pensées: faute de pouvoir converser, trop souvent on discourait. La dissertation remplaçait le dialogue.

ignoré la langue latine, je crois cependant qu'il serait difficile d'avoir à cet égard le moindre doute. Synésius laisse voir assez volontiers qu'il n'est resté étranger à aucune science : mathématiques, physique, astronomie, musique, théurgie, divination, il a tout étudié, jusqu'à la balistique; érudit en littérature, il est plein de citations tirées des orateurs, des poētes, des philosophes. Mais que l'on regarde bien, je ne dis pas seulement dans ses lettres, mais dans toutes ses œuvres, jamais une seule allusion à un auteur latin. Cette preuve unique peut suffire. Quelques mots, qui se trouvent dans ses écrits, traduits du latin en grec, ne changent rien à notre opinion: ce sont de ces termes qui n'appartiennent pas à Synésius, mais qui étaient passés, par voie d'emprunt, dans la langue grecque. En usant de l'un de ces mots, Barxavti6o, Synésius a soin de faire observer qu'il emploie l'expression ordinaire, quoiqu'un peu barbare. t; σuvnlestépas tỷ roditeíz pwvňę (L. LXVII). Ailleurs (L. CXLV -144) il n'est pas bien sûr de la signification du mot covéadlovýx (en latin, subadjuva); il essaye de l'expliquer, et ajoute: « Je crois qu'en voilà le sens, τοῦτο ἑρμηνεύειν πιστέυεται. »

CHAPITRE II.

LES HYMNES.

Les Hymnes.

Goût de Synésius pour la poésie. - Les Cynégétiques. Caractère philosophique des Hymnes. - Date de leur composition. Leurs mérites et leurs défauts.

La poésie avait de bonne heure charmé les loisirs de Synésius. Il semble toutefois qu'au moins dans sa jeunesse il y cherchait un amusement plutôt qu'une occupation réelle. Nous savons déjà avec quelle complaisance il raconte dans le Dion (p. 61 et 62) comment il imitait les auteurs les plus divers: il reproduisait, dit-il, si fidèlement leur manière, que l'auditoire pouvait s'y méprendre. Esprit ingénieux et souple, ces exercices n'étaient pour lui qu'un jeu et une sorte de passe-temps; les succès ne lui avaient point manqué. Mais malgré le témoignage qu'il se rend à lui-même si volontiers, admettrons-nous facilement qu'il ait été l'égal de tous les poëtes qu'il imitait? Ces improvisations littéraires, qu'on accueillait avec tant d'applaudissements, si elles nous étaient parvenues, auraient-elles servi beaucoup sa réputation? Il est au moins permis d'en douter. On a beau déployer de l'habileté et du savoir-faire à calquer des idées et des expressions sur un modèle qu'on s'est donné, ce n'est guère par là qu'on arrive à la gloire.

Bien que Synésius affecte quelque part un peu d'indifférence pour les succès qu'on obtient avec des œuvres médi

tées à loisir (1), il aspira cependant à laisser de son talent poétique des monuments plus durables que ces inspirations fugitives; il parle dans plusieurs lettres (CI-100 et CLIV -152) de ses Cynégétiques. L'ouvrage n'est pas arrivé jusqu'à nous. Mais à en juger par le titre et par les goûts de Synésius, c'était un poëme sur la chasse: composition légère, car ses envieux en concluaient qu'il n'était point né pour des sujets d'une nature sérieuse et relevée. Mais il eut pour lui le suffrage des jeunes gens qui admiraient beaucoup les grâces un peu étudiées d'un style imité sans doute des anciens poëtes. Synésius du moins semble le reconnaître luimême, tout en ajoutant qu'on peut dire de quelques parties de son œuvre ce qu'on dit de certaines statues, qu'elles ont tout le fini d'un antique (2). A l'en croire, c'est malgré lui que la publicité avait été donnée à son poëme. Mais on sait bien à quoi s'en tenir sur ces protestations d'un auteur. Synésius avait composé les Cynégétiques dans sa jeunesse; car il en parle comme d'un ouvrage écrit déjà depuis assez longtemps, au moment où il envoie à Hypatie son Dion et le Traité des Songes qu'il vient d'achever.

Citons, pour être exact, quelques vers disséminés çà et là : une inscription dont nous avons déjà parlé, en l'honneur de Stratonice, et qui est tirée d'une de ses lettres (L. LXXV) ; une autre épigramme en un vers, assez insignifiante, et que l'anthologie nous a conservée (3); quelques distiques qui se trouvent à la fin du discours à Pæonius : c'est, en dehors des Hymnes, tout ce qui nous reste des poésies de Synésius. Les Hymnes, voilà son véritable titre comme poëte. Bien que l'inspiration qui les a dictés ne soit peut-être pas aussi ori

(1) Πολλάκις οὐδὲ περιμένειν ἀξιῶ τοῦ βιβλίου τὴν συμφοράν, ἵν ̓ ἀγαθόν τί μοι γινήται. Dion, p. 61, D.

(2) Παραδεικνύντα τι τῆς ἀρχαίας χειρὸς, ὅπερ ἐπὶ τῶν ἀνδριάντων λέγειν Eilaμev. L. CLIV-153.

(3) Οι τρείς Τυνδαρίδαι, Κάστωρ, Ελένη, Πολυδευκης,

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