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PASSION ET TRIOMPHE.

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les disciples croiront que c'en est fait de l'œuvre du Messie; qu'ils se détrompent : l'humiliation est le fondement de la gloire, et la mort, la condition de la vie.

« Jésus répondit donc et leur dit : Voici venue l'heure où le Fils de l'homme doit être glorifié. En vérité, en vérité, je vous « le dis, si le grain de blé qui tombe sur la terre ne meurt point, «< il reste seul; mais s'il meurt, il produit beaucoup de fruit. «< Celui qui aime sa vie, la perdra, et celui qui déteste sa vie << en ce monde, la garde pour la vie éternelle. Que celui qui est << mon serviteur me suive, et là où je suis, sera aussi mon ser<< viteur. Celui qui aura été mon serviteur, mon Père le traitera << avec honneur »>.

Le Sauveur << lui-même était ce grain qui devait mourir et se multiplier : mourir par l'infidélité des Juifs, se multiplier par la foi des peuples >>'; grain qui allait être broyé sous la meule sanglante de la Passion, pour être ensuite enseveli, sous forme de pain de vie, dans la terre féconde des âmes, et faire de chaque fidèle un autre Jésus Christ. Mais cette voie royale de la souffrance et de la mort volontaires, par où le Rédempteur va passer le premier, ses disciples devront la gravir à leur tour, sans souci de la vie éphémère du temps, s'ils veulent rejoindre leur Maître là où il est déjà par sa divinité, et recevoir les honneurs que le Père tient en réserve pour ceux qui auront servi son Fils bienaimé.

A la pensée des souffrances qui l'attendent et des persécutions qui accableront ses disciples, le cœur du Dieu fait homme s'émeut, et il s'écrie, comme il fera au soir de son agonie: «< En ce mo«<ment mon âme est troublée. Que dirai-je donc? Père, déli<< vrez-moi de cette heure-là. Mais c'est pour cette heure-là que « je suis venu. Père, glorifiez votre nom ». Cette heure de la Passion est effroyable pour la sainte Humanité du Sauveur, qui voudrait y échapper. Mais cette heure terrible est la raison d'être de toute sa vie; c'est d'elle que dépendent et le salut des hommes et surtout la gloire du Père. Fils obéissant et dévoué, Notre Sei

1. Saint Augustin, sur saint Jean, LI, 9.

gneur, par un sublime effort de sa volonté, appelle cette gloire inséparablement liée à ses tortures et à sa mort.

<«< Alors une voix vint du ciel : Je l'ai glorifié et je le glorifierai << encore. La foule qui était debout à écouter disait que c'était << un coup de tonnerre. D'autres disaient : Un ange lui a parlé. <«< Jésus prit la parole et dit : Ce n'est pas à cause de moi que <«< cette voix s'est fait entendre, mais à cause de vous. C'est <«< maintenant le jugement du monde; c'est maintenant que le << prince de ce monde va être jeté dehors. Et moi, quand j'aurai « été élevé de terre, j'attirerai tout à moi. Il parlait ainsi « pour signifier de quelle mort il allait mourir ».

La voix du Père retentit pour affermir la foi des disciples: leur maître va périr, mais le triomphe suivra l'humiliation, et celui qui a eu la gloire d'accomplir tant de miracles et de ressusciter Lazare, aura bientôt celle de se ressusciter lui-même et d'établir sur la terre le règne triomphant du Père. Écartant la pensée de ses incomparables douleurs, Notre Seigneur n'en voit plus maintenant que les deux grandes conséquences.

La première, c'est que le démon, prince de ce monde, va être dépossédé de son empire et jeté dehors, dans ces ténèbres extérieures qui constituent son vrai domaine. « Le démon possédait le genre humain, et il détenait à titre de pécheurs ceux qui méritaient le châtiment. Il régnait dans les cœurs des infidèles; il les trompait et les gardait en esclavage, afin de les entraîner à délaisser le Créateur pour adorer la créature. La foi du Christ, confirmée par sa mort et sa résurrection, son sang répandu pour la rémission des péchés, ont arraché à la domination du démon des milliers de croyants, pour unir au corps du Christ et faire vivre de son esprit les membres fidèles de ce grand et unique chef. C'est ce qu'il appelle le jugement, la séparation, l'expulsion du démon du milieu de ceux qu'il a rachetés » 1.

La seconde conséquence, c'est qu'élevé en croix le Rédempteur attirera tout à lui, pour tout remettre aux mains de son Père. L'usurpateur chassé, le vrai roi du monde recouvrera son empire, pour le bien de la créature et la gloire du Créateur.

1. Saint Augustin, sur saint Jean, LII, 6.

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Le sens de ces paroles : « être élevé de terre », n'était obscur pour personne; chacun savait que Notre Seigneur faisait allusion au supplice de la croix. Aussi « la foule lui répondit: Nous << avons appris par la loi que le Christ demeure éternellement. << Comment dites-vous donc : Il faut que le Fils de l'homme soit « élevé? Quel est ce Fils de l'homme? Jésus leur dit donc La <«<lumière est encore parmi vous pour un peu de temps. Mar<< chez pendant que vous avez la lumière, afin que les ténèbres << ne vous saisissent pas; car celui qui marche dans les ténèbres << ne sait où aller. Pendant que vous avez la lumière, croyez à «< la lumière, pour que vous soyez les fils de la lumière ».

Le Sauveur ne juge pas à propos de donner à la foule de plus amples explications sur le mystère de sa mort et de sa glorification. L'important pour le moment est de profiter de la lumière qui luit encore pour quelque temps, et de croire à la parole du divin Maître. Les mystères s'éclairciront par la suite, et les âmes humbles et dociles saisiront le parfait accord qui existe entre les prophéties et la réalité, entre les nécessités de la rédemption et les humiliations du Fils de l'homme, entre la gloire promise au Messie et le prix auquel il doit l'acheter.

« Après avoir ainsi parlé, Jésus s'en alla et se déroba à leur << vue » 1.

1. S. Jean, XII, 20-36.

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Le tribut à César. La résurrection des corps et l'immortalité des âmes.
Le plus grand commandement de la loi. Le Christ, fils de David. Le
Sauveur envoyé par le Père. Malédictions contre les scribes et les phari-
siens. L'aumône de la pauvre veuve.

La mort du Sauveur était résolue par le sanhédrin; les circonstances seules, particulièrement la présence à Jérusalem de très nombreux pèlerins favorables à Jésus, obligeaient de surseoir à l'exécution. Comme Notre Seigneur n'hésitait pas à se rendre chaque jour au temple, ses ennemis décidèrent qu'il fallait en profiter pour le discréditer publiquement, en mettant sa science et sa sagesse en défaut devant ses partisans eux-mêmes. Quand ils le peuvent, les méchants aiment à donner l'apparence de la justice aux arrêts dictés par la passion, et c'est pour eux un besoin de déshonorer leur victime avant de la frapper.

Les sectaires, qui avaient l'autorité dans le temple, étaient trop jaloux et trop orgueilleux pour se refuser cette satisfaction vis-à-vis du Sauveur. « Les pharisiens s'en allèrent donc tenir «< conseil sur les moyens de le prendre en défaut dans ses paro«les, afin de le livrer ensuite aux princes des prêtres et au tri<«<bunal du procurateur. Après y avoir réfléchi, ils lui envoyè<< rent des espions, qui devaient se donner les apparences << d'hommes justes. C'étaient quelques-uns des pharisiens et des

LE TRIBUT A CÉSAR.

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« hérodiens. Ceux-ci vinrent à lui et lui posèrent cette question: << Maître, nous savons que vous dites la vérité, sans souci de << personne; car vous n'avez de partialité pour aucun homme, et << vous enseignez en toute vérité la voie de Dieu. Dites-nous << donc ce que vous en pensez est-il permis de payer le tribut « à César, ou faut-il le refuser? ».

La question n'était pas moins insidieuse que celle qu'on avait posée naguère au Sauveur, à propos de la femme adultère; mais elle se compliquait de conséquences politiques qui préoccupaient vivement l'opinion populaire. Répondre qu'il fallait payer le tribut, c'était prendre ouvertement parti pour la domination. étrangère, et se donner l'odieux de heurter de front le patriotisme si susceptible des Juifs. Décider qu'il ne fallait pas payer, c'était entrer en révolte contre l'autorité romaine, et combler les perfides désirs de ceux qui ne rougiront pas de produire cette calomnie au prétoire de Pilate : « Nous «<l'avons trouvé qui défendait de payer le tribut à César »'. Mais que peut l'astuce des méchants contre la sagesse divine? Notre Seigneur, selon son habitude, les mit en demeure de fournir eux-mêmes les éléments de la réponse.

u Jésus connaissait bien leur malice. Pourquoi me tentez-vous, << hypocrites? leur dit-il. Faites-moi voir la monnaie du tribut? << Ils lui présentèrent un denier. Jésus leur dit : De qui est cette image et cette inscription? - De César, lui dirent-ils. Jésus << reprit Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce (( qui est à Dieu.

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<< En entendant cette réponse, ils furent dans l'étonnement et << ne purent lui adresser aucun reproche devant le peuple. Ils « se turent, le laissèrent et s'en allèrent » 2.

La domination romaine en Palestine était un fait incontestable. Tout en gardant leurs aspirations à l'indépendance nationale, les Juifs avaient accepté le fait accompli. Ils jouissaient fort volontiers des privilèges que l'empereur leur octroyait dans les différents pays, et ils n'hésiteront pas à reconnaître leur assujettissement quand ils feront entendre à Pilate ce cri significatif:

1. S. Luc, XXIII, 2.

2. S. Matthieu, xx11, 15-22; S. Marc, x11, 13-17; S. Luc, xx, 20-26.

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