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fiques, et la multitude d'ateliers où s'élabore quelque parcelle de la science, surtout lorsque l'on sait qu'il est impossible à un homme de posséder en même temps toutes ces spécialités, il semble que chaque partie fasse route à part; et l'on ne peut comprendre comment, à certains momens, les conclusions de chacune d'elles viennent se réunir harmoniquement sur un même point. Mais ce fait devient intelligible aussitôt que l'on a vu que chaque savant spécial travaille avec un esprit qui lu est commun avec tous les autres, qu'il étudie sous la direction d'un même principe. Nous n'entrerons pas dans de plus grands détails. L'axiome que nous avons avancé est d'une telle évidence, que le lecteur pourra la reconnaître à l'aide de la moindre observation.

Lorsque le principe social nouveau est ainsi devenu une force existante par elle-même, il tend à la réalisation; tous les hommes en veulent et en cherchent les conséquences; mais cette réalisation est chose difficile : il est donc besoin d'une série secondaire d'initiatives qui toutes doivent être conçues en vue du but définitif auquel tend la société, et qui toutes doivent proposer d'en convertir une partie en fait. Il est d'observation encore que le principe du pouvoir gouvernemental émane de la puissance même de l'initiative. Ponr être certain de cette loi, il suffit d'examiner ce qui s'est passé depuis un peu plus de deux cents ans, et de chercher à quel mérite les dynasties nouvelles de l'Europe ont dû leur origine et leur conservation. Voyez en Suède, dans le Brandebourg, en Angleterre, en Hollande; dans les trois premières contrées, la royauté, dans la dernière, le stathoudérat, sont nés et se sont maintenus par les services rendus au protestantisme national, etc.

Supposons maintenant que le gouvernement ne soit pas initiateur; il arrivera inévitablement que la conscience sociale d'un principe qui veut ses conséquences, même sans les connaître, s'irritera contre un pouvoir stérile; et, après lui avoir demandé en vain un aliment qui satisfasse le désir qu'elle éprouve, elle entrera enfin en guerre avec lui, et le ren

versera.

Ainsi, toutes les fois que l'initiative n'existe pas au pouvoir, c'est une sorte de fatalité qui conduit les choses. La société agit et pousse avec la certitude que l'on ne fait rien selon son esprit ; elle attaque le pouvoir avec sa conscience; et bien que ne sachant pas souvent elle-même le moyen de réalisation qui lui conviendra, elle ne peut se tromper quant à ce fait que le pouvoir se meut contre son but ou à côté. Une société, en effet, ne peut ainsi qu'un individu se résigner à attendre; heureuse

- ment il faut qu'elle agisse toujours; et elle ne peut agir que dans le sens

qui lui a été donné.

Examinons, avec l'aide de ces précédens, la position de l'Assemblée nationale, dont nous faisons en ce moment l'histoire.

La nation française était présente en masse avec son esprit de réalisation chrétienne, sa ferme certitude de la fraternité des hommes, sa ferme conscience que le droit émanait du devoir, que nul n'avait de droit s'il n'avait pas rempli un devoir corrélatif, qu'au plus grand devoir appartenait le plus grand droit; que la responsabilité n'existait qu'à condition de l'usage entier du libre arbitre, etc.; et, pour commencer dans la voie de ces croyances, elle demandait l'égalité, elle niaît à la noblesse, au clergé, au roi lui-même, un droit dont ils jouissaient sans devoir. Mais ce n'était là que le début du travail d'application que commandait, et qu'appelait la conscience nationale.

La révolution et l'Assemblée nationale débutèrent par ces négations; elles renversèrent l'aristocratie, en donnant à tous les mêmes droits. Mais, nous le répétons, ce n'était que commencer; il fallait aller au-delà. Il eût été besoin alors d'une initiative; nul doute que si elle eût paru, elle ne fût devenue aussitôt le souverain pouvoir. Mais comment l'initiative eût-elle été possible, alors que l'on ignorait le but où tendait l'humanité, alors que l'on ignorait qu'il existât une loi du progrès, alors que par haine contre le clergé on niait le principe dont il se prétendait l'administrateur, et que l'on voulait voir le fait d'un appétit naturel dans les tendances à la fraternité. Aussi, au lieu de chercher le moyen de marcher en avant, on s'occupa d'organiser la négation en système social. Les sophistes ne manquèrent pas à la question ; ils se trouvèrent même toujours dans les débats plus forts que ceux qui argumentaient seulement avec leur conscience. Ils avaient des syllogismes à leur service, des exemples à citer; les autres n'avaient à présenter que des raisons de sentiment; et, nous ne le savons que trop, elles peuvent suffire au peuple; mais elles ne signifient rien aux yeux des assemblées modernes. Reste à savoir, il est vrai, si elles ne valent pas mieux que le sophisme. Pour nous, nous le croyons; car nous avons remarqué que les plus belles actions de notre France ont été le pur fruit de notre conscience nationale et de notre enthousiasme ; et nous ignorons encore ce que le sophisme a produit.

Quoi qu'il en soit, l'Assemblée nationale ayant choisi son rôle, et s'arrêtant à organiser en système la première négation, elle se trouva obligée de soutenir une double lutte; la première, déterminée, évi

dente, positive dans son but et ses actes; la seconde, ignorante de sa fin, se témoignant par un mécontentement sourd, mais puissant, profond et redoutable. La première était celle de tous les droits qu'elle venait effacer; et, la résistance augmentant, la force de la négation s'accrut. Ainsi, à la suppression des droits féodaux, succédera la suppression des titres; à la confiscation des biens ecclésiastiques, succédera la constitution civile du clergé ; à la suppression des parlemens, celle de la magistrature; au despotisme royal, celui de l'Assemblée, etc. Nous verrons ces conséquences se développer dans le volume qui va suivre. En même temps, nous verrons croître et grandir le système anti-populaire que nous avons déjà signalé. Les masses, en effet, n'avaient pas tardé à cesser de comprendre l'Assemblée; elle ne faisait plus rien de ce que leur esprit attendait, de ce que leur désir appelait; elles étaient pour la Constituante contre la noblesse et le roi, mais contre elle, avec ceux qui disaient, il nous faut davantage.

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C'est ainsi que des fatalités de diverses natures se trouvèrent mises en présence pour agir toutes vis-à-vis les unes des autres, et contradictoirement selon le but même de leur existence. L'initiative manquant, le mouvement révolutionnaire s'opéra par le froissement et l'écrasement de ces parties les unes contre les autres; il s'opéra par le mal. Parmi ces puissances rendues fatales, il en était une plus forte que ses adversaires réunis, qui devait les briser tous, c'était le sentiment national lui-même; mais il s'ignorait, et, à cause de cela, il fut un instrument qui servit à briser successivement tous les partis, même celui qui eût désiré être le sien.

Qu'on ne pense pas que la présence de l'initiative au milieu des faits révolutionnaires, que l'exposition du but n'eût pas diminué même les résistances: il y en avait qui étaient de bonne foi; et quant à celles qui étaient surtout intéressées, il ne faut pas douter que la faiblesse des argumens de leurs adversaires ne les encourageât. Les opposans ne voyaient chez les constitutionnels d'autre autorité que celle de la force; et, pour les combattre, ils avaient sans scrupule recours à tous les moyens de la chicane et de la ruse. Certainement ils eussent été moins confians, moins hardis, s'ils avaient cru au droit de leurs antagonistes. La vraie lumière confond et terrasse toujours le méchant; elle le tue dans son intelligence, car elle lui ôte la confiance qu'il a en lui-même. Il faut ajouter que l'unanimité et le consentement entier des masses ne leur eût pas permis l'espoir.

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Et faute d'avoir prévu jusqu'où il faudrait aller, que de forces, que

de temps dépensé; combien de dures secousses, et encore seulement pour poser la question!

Nous insistons de toute notre puissance sur la valeur de l'initiative, parce que nous croyons que l'enseignement qui ressort de l'étude de notre révolution, est utile surtout au pouvoir quel qu'il soit, où qu'il soit, présent ou à venir. Il n'est pas permis de se charger des destinées d'une nation, lorsque l'on ne connaît pas le but qu'il faut lui faire atteindre, et encore bien moins lorsqu'on ne lui reconnaît pas de but. Celui qui, avec une semblable ignorance, prend une telle tâche, est coupable an premier chef. Il répond, non-seulement de tout le mal qu'il commande lui-même, mais encore de toutes les souffrances dont sa présence là où il ne devrait pas être, sera l'occasion. Il n'est point permis à l'aveugle de se charger du rôle de clairvoyant ; et il n'est permis surtout à personne de gaspiller la destinée d'une nation, et de compromettre l'avenir d'un peuple.

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Il est d'autres et moins graves enseignemens à puiser dans l'histoire de l'Assemblée nationale. Jamais circonstances plus pressantes ne commandèrent des expériences plus fréquentes, et de ces expériences que l'on ne tente pas dans la vie ordinaire des nations. Ainsi, les affaires des finances étaient en quelque sorte désespérées, ou au moins le paraissaient. Ce n'était pas le fait de la crise révolutionnaire, puisque c'était en grande partie pour y mettre ordre que les États-généraux avaient été appelés; mais ce fut un embarras qui s'accrut en raison même de la secousse qu'éprouva le gouvernement. On eut recours, ainsi que nous l'avons vu plusieurs fois, à la caisse d'escompte pour des sommes très-considérables. Cette caisse secourut le pouvoir par la seule émission d'une masse de billets en rapport avec la somme qui lui était demandée; en d'autres termes, elle le secourut avec son seul crédit. Et cependant, bien qu'on sût qu'elle n'avait pas à sa disposition un capital suffisant pour répondre des valeurs émises, bien qu'elle n'escomptât pas ses effets à bureau ouvert, bien que les receveurs du gouvernement ne voulussent pas les recevoir, bien que le crédit général fût dans la plus grande souffrance, ses billets, un an après, ne perdaient au change contre de l'argent, que 4, 5 et 6 p. cent. Il n'en sera pas de même des assignals; et la raison en sera facile à voir. En effet, ces assignats sur la vente des biens du clergé, n'étaient en réalité que des bons sur le trésor, ou plutôt sur une spécialité du revenu. C'était l'État qui vendait les propriétés; et ses promesses offrirent, de jour en jour, d'autant moins de garanties, qu'on le vit entraîné dans des circonstances plus difficiles.

Il n'en eût pas été de même, si l'assignat eût représenté positivement une propriété ; si, en d'autres termes, il fût émané de la propriété ellemême.

Voici comment nous concevons que cette opération eût été possible. Une propriété de ville ou de campagne, une ferme par exemple, ayant une valeur déterminée d'après son revenu, eût été vendue à une compagnie. Celle-ci eût soldé l'État en billets payables dans un terme quelconque, soit en argent, soit en papier de banque. L'État eût mis ces billets en circulation, en les garantissant et en les convertissant par sa signature en assignations sur telle ou telle compagnie. Si cette dernière, à l'échéance, n'avait pas satisfait les porteurs, l'État les eût soldés; mais, en même temps, il eût repris la propriété pour la revendre à des preneurs plus solvables, et en conservant d'ailleurs son recours, pour toute espèce de répétition possible, sur la compagnie qui avait acheté en premier. Il est évident que, de cette manière, l'État eût rapidement converti des billets endossés d'abord par lui, en effets de commerce ordinaires.

L'opération eût été plus avantageuse encore, non pour satisfaire aux besoins présens, mais comme utilité d'avenir, si l'État, au lieu de faire lui-même ces opérations, les eût confiées à une caisse nationale du crédit public, surveillée par lui, mais administrée par des gérans indépendans de lui, élus par les députés de l'industrie. Il eût fallu, il est vrai, que cette caisse de crédit devînt le canal par lequel eussent passé les revenus des impôts. De cette manière, on eût créé une puissance financière, à l'aide de laquelle pas une des ressources des confiscations n'eût été amoindrie ou gaspillée, ainsi que cela fut. Au lieu d'enrichir des bandes noires, c'eût été l'État et le crédit qui eussent profité. Voyez, au reste, sur cette institution ce que nous avons écrit dans le journal l'Européen.

Mais, il y a plus, si l'on eût suivi la marche que nous indiquons, les centres de crédit se seraient nécessairement établis; ils se seraient formés comme des conséquences naturelles de l'opération elle-même. En effet pour administrer cette grande affaire, il eût fallu un bureau spécial, au moins, dans chaque département ; bureau qui eût été une vraie banque d'escompte.

C'est afin que les discussions financières soient lues avec l'attention que nous avons avons mise à les recueillir, que nous émettons ici ces quelques idées. Ces questions sont aussi opportunes que jamais, aujourd'hui que l'industrie réclame un centre d'ordre et de crédit, et lorsque bientôt le gaspillage quotidien des finances conclura à la nécessité

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