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doit être chargé de chercher les moyens de faire des assignats libres.

M. Roederer. On peut faire à M. l'archevêque d'Aix la même réponse que celle que M. de la Rochefoucault a faite à M. Dupont. On a exposé, avec beaucoup de sagacité, les inconvéniens du papier-monnaie ; il ne s'agit pas d'un papier-monnaie, il s'agit comme on l'a déjà dit, de substituer au papier-monnaie, déjà employé et reconnu pour être désastreux, un autre papier avantageux à la circulation du numéraire et au commerce. Le papiermonnaie est un signe auquel le souverain attache une valeur ; c'est un effet dont le remboursement n'est pas fixé. Il s'agit ici de délégations, d'assignations, avec une véritable hypothèque; et en effet, les porteurs de la délégation et de l'assignation auront nonseulement une hypothèque de quatre cents millions, mais encore une garantie municipale qui assurera le remboursement; ils auront une époque déterminée d'extinction, fixée à deux années. La contribution patriotique, dans le cas où le produit des ventes ne suffirait pas pour rembourser, est destinée à ces remboursemens.

Le papier qu'on vous propose, fût-il un papier-monnaie, devrait être adopté, puisqu'il remplace un papier désastreux. Les billets de la caisse n'ont pas de gages physiques, n'ont pas d'intérêt, n'ont point d'époque de paiement déterminé. Le 1er de juillet est trop rapproché pour qu'on puisse espérer de voir à ce terme effectuer les paiemens. Les nouveaux billets auront une époque plus reculée, mais une époque évidemment certaine. Ce papier se répandra dans tout le royaume. D'ailleurs, et ce qui est décisif, c'est que l'opinion de la capitale et de plusieurs villes de manufactures est favorable à cette opération. Une autre considération importante, est que ce plan vous libère de plusieurs millions d'intérêt par exemple, vous ne vous liquiderez pas avec la caisse d'escompte, vous serez obligés de lui payer 3 pour 100. J'ajoute encore qu'en répandant pour 400 millions d'assignats, vous intéresserez un grand nombre de citoyens à la liquidation de la dette et à l'aliénation des biens du clergé.

J'adopte entièrement la conclusion de M. de la Rochefoucault.

M. l'abbé Maury. Avant de traiter l'importante question d'un papier-monnaie, je demande qu'il me soit permis d'offrir quelques observations rapides sur le dispositif du projet de décret. Quiconque vous avertira de votre puissance pour vous faire oublier d'être juste, sera l'ennemi de votre gloire. Daignez considérer que les créanciers du clergé, qui ne sont pas des agioteurs, mais des pères de famille respectables, ont tous prêté leur argent en achetant une hypothèque sûre, par la perte d'un cinquième d'intérêt. Jamais ces effets n'ont circulé sur la place; jamais un hasard perfide et méprisable n'a pu compenser la modicité de Jeur produit. Sans doute vous remplirez des engagemens que vous auriez bien su nous engager à remplir, si l'administration de nos biens nous fùt restée. Ce n'est pas notre cause que nous plaidons, c'est celle de nos créanciers; ce n'est pas à notre intérêt que nous cédons, c'est à notre devoir que nous sommes fidèles, c'est la morale politique que nous invoquons. Il est impossible de porter 'atteinte à l'hypothèque établie. L'hypothèque est une véritable propriété ; des biens ne peuvent changer de mains si l'hypothèque n'est purgée. Sans doute le corps législatif ne se croira pas exempt d'une loi qu'il impose à tous les citoyens. Vous voulez rétablir le crédit, vous le voulez dans une malheureuse circons tance. Quel crédit auriez-vous si vous violiez la loi générale? Il est de votre honneur, il est de l'intérêt du bien public, qu'une grande nation soit juste. Vous serez donc justes ; vous conserverez done l'hypothèque, qui doit être à vos yeux une propriété sacrée.

J'examinerai la question du papier-monnaie avec le saint respect qu'inspire une nation entière; car c'est du bonheur ou du malheur du peuple français qu'il s'agit. Qu'est-ce que créer un papier-monnaie? Un orateur distingué par son éloquence, donné une définition parfaite : c'est voler le sabre à la main. » Ce qu'a dit l'honorable membre, je vais le prouver. Je voudrais en ce moment que le royaume entier pût entendre ma voix; je voudrais appeler en témoignage de la pureté de mes intentions, le dernier homme du peuple. Je ne demande pas qu'on y croie, mais qu'on me juge.

Je vais d'abord faire un important aveu. Il faut moins examiner la théorie que la pratique; c'est l'expérience qu'il faut interroger je vous avoue que j'ai été singulièrement tenté de vous lire le plus beau mémoire qui ait été fait en faveur du papiermonnaie. Eh bien! ce chef-d'oeuvre, cet ouvrage si fortement raisonné, est celui que Law a lu à M. le régent. Mon respect profond pour cette assemblée m'a seul empêché d'en faire l'essai sur vos esprits. Quand vous l'aurez lu, il n'y aura plus de raisonnement qui puisse vous séduire, puisque tous ceux qu'il renferme, malgré tout ce qu'ils ont en apparence de juste et de convaincant, ont fait le malheur du royaume.

Il n'y a pas de grandes différences entre les assignats et le papier-monnaie; mais ne pensez pas que ces précautions qu'on vous propose doivent rassurer votre patriotisme. Je ne trouve pas dans les assignats les mêmes principes de mort; mais j'en trouve d'autres ni moins prompts ni moins infaillibles. Je com mence d'abord par écarter une observation: on a dit qu'il ne s'agissait pas d'une première émission de billets, mais seulement d'un remplacement d'effets désastreux. Je vous prierai de considérer, je ne dis pas toutes les fautes, je ne veux accuser personne, mais tous les malheurs dont cette phrase retrace l'idée. Les assignats ont été présentés deux fois, deux fois ils ont été rejetés ; ils reparaissent aujourd'hui avec aussi peu d'avantage. Je vais lire des observations que j'ai écrites pour simplifier mes idées, ensuite je mettrai pour ainsi dire le papier-monnaie hors de cette assemblée ; je le ferai circuler dans la société; nous le suivrons dans sa marche.

On a beaucoup parlé de l'établissement du papier-monnaie ; mais jamais on ne l'a envisagé sous les grands rapports de l'administration. Un billet de caisse ne peut entrer en circulation que comme signe représentatif d'un dépôt ou d'une dette; c'est pour cela qu'il est remboursable à volonté. Le papier-monnaie, au contraire, entre en circulation comme paiement d'une dette contractée. On prétend que le papier-monnaie n'ayant aucune valeur intrinsèque, doit être payé à présentation et établi avec gages.

Lamonnaie n'est pas représentative des valeurs, mais signe représentatif des valeurs.... Le papier-monnaie à intérêt est l'idée la plus contradictoire qui soit entrée dans la tête d'un calculateur. Le papiermonnaie circule essentiellement; s'il portait intérêt, il resterait en stagnation. Le papier-monnaie n'est point un emprunt ; s'il en était un, ce serait le plus désastreux de tous; ce serait l'opération la plus fiscale que l'on ait jamais proposée. Il est indispensable de chercher à ramener tous les effets publics à une valeur égale. Si le papier-monnaie porte intérêt, il éprouvera une perte, précisément parce qu'il portera intérêt. Si cette valeur change, la monnaie n'existe plus; car son attribut est d'avoir une valeur constante: ainsi, il est contre l'essence du papier-monnaie de porter intérêt.

Le papier-monnaie est utile, si c'est un supplément pour nos besoins existans; mais aussi il doit cesser à l'instant où le numéraire est revenu Si le papier ne disparaît pas, le numéraire disparaîtra de nouveau. Le papier-monnaie, dit Hume, peut enrichir un Etat riche; mais il ruinera un État pauvre. La richesse d'un État ne peut être que momentanée, Quand la confiance n'existe pas, le papier-monnaie, qui paraît être le remède à tous les maux, en est le comble. Il ne peut être un moyen de circulation ou d'échange, mais il peut payer les intérêts et servir de moyen pour le remplacement et le déplacement des capitaux. Voilà les principes généraux sur cette matière.

Suivons maintenant ce papier. Allons dans la société où nous l'avons répandu. Qui nous le demande? Les marchands d'argent, les agens de change, la caisse d'escompte et quelques marchands de province. Sont ce là de grands intérêts auxquels il faille sacrifier la France entière? La caisse d'escompte le désire; parce qu'il deviendra dans ses mains un moyen d'avoir de l'argent. Les agens de change n'ont que du papier, auquel ils voudraient que vous donnassiez la vie. Eh! la vie qu'il aurait reçue serait la mort pour les provinces et pour les campagnes, qui ne savent pas même le nom de nos opérations. Les villes de provinces le demandent ̧ parce qu'elles ne peuvent avoir de l'argent. Eh bien ! quel effet y

produira-t-il? Plaçons-le entre le débiteur et le créancier, entre le fabricant et l'ouvrier, entre le consommateur et le propriétaire, vous allez voir les ravages qu'il va produire sous ces différens rapports.

Voici la plus belle question de morale publique qu'il soit possible d'avoir à discuter. Je demande qu'on ne s'arrête pas à quelque expression; qu'on ne me désapprouve point que je n'aie entièrement expliqué ma pensée. Si l'on venait à vous, à vous généreux représentans de la plus loyale des nations; si l'on vous proposait la banqueroute, vous frémiriez d'horreur. Eh bien! c'est pire encore, c'est la mort publique qu'on vous propose. Donnerez-vous un intérêt au papier-monnaie? S'il perd un pour cent, ce sera une banqueroute d'un vingtième. Il perdra ; il sera frappé d'un perte inévitable dès le premier jour de sa création. Il peut par la suite éprouver une perte incalculable qui le réduise à rien. Le débiteur sera donc autorisé à faire banqueroute à tous ses créanciers? Tout homme en France qui ne doit rien, et à qui tout est dû, est un homme ruiné par le papier-monnaie.

Avons-nous le droit de ruiner un seul de nos concitoyens? Non cette immoralité n'est pas dans vos principes; mais ce citoyen se servira de son papier pour faire des acquisitions. Prenezy garde; ici la question change beaucoup de nature. Le papier qui arrive déshonoré par des pertes entre les mains des créanciers, et que vos décrets ordonnent de recevoir, n'a plus que cette valeur déshonorée. Mais alors d'autres auront mis un prix en argent à ces biens. Le propriétaire de papier-monnaie sera donc obligé de proportionner le prix qu'il donnera au discrédit de son papier. Eh! de quel droit forcerions-nous un papier qui perdrait vingt pour cent? qu'arriverait-il? Il est dans les principes élémentaires de la raison, que la société n'obéisse qu'à la justice, et l'opinion repoussera, malgré la loi, et la loi, et le papier, et l'injustice qu'elle ne peut consacrer. Voilà ce qui aura lieu entre le créancier et le débiteur.

Voyons entre le manufacturier et l'ouvrier. L'argent ne peut

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