d'une mesure révolutionnairé nouvelle. Aussi l'expérience des temps dont nous recueillons les actes, reviendra à l'ordre du jour dans une époque qui n'est peut-être pas éloignée. Il en est de même de la question d'organisation judiciaire que nous avons vu poser dans le volume précédent, et qui sera achevée dans celui-ci. Plusieurs méthodes furent proposées; on verra que l'on accepta les jurés au criminel seulement, lorsqu'ils avaient été proposés en même temps pour juger au civil. Encore, on reconnaîtra que le but de l'institution décrétée fut uniquement d'établir une garantie contre l'influence du pouvoir dans les causes politiques. Or, il y aurait à examiner si, dans l'état actuel des choses, il ne serait pas plus convenable de renverser la question, c'est-à-dire de confier le jugement des crimes et délits moraux à des juges élus par le peuple, et le jugement des affaires civiles à des jurés élus par le sort, d'assises en assises. Au reste, sauf cette dernière méthode, on trouvera dans les débats de l'Assemblée nationale plusieurs projets tout-à-fait différens, et qui méritent d'être étudiés. Dans cette grave question, nous ne nous sommes pas bornés à emprunter au Moniteur, ainsi que nous le faisons ordinairement, le compte rendu des séances. Nous avons dû les compléter, soit en réimprimant intégralement des discours dont il ne présentait que des extraits, soit en ajoutant des discours qui ne furent point lus à la tribune, mais seulement imprimés et distribués, et dont ce journal ne faisait pas mention. Nous ne croyons avoir rien inséré de superflu, et cependant avoir collecté tout ce qui était utile. La crainte que nous avons de dépasser le nombre de volumes que nous nous sommes fixés, ne cesse d'être présente à notre pensée; mais elle ne pourra cependant nous déterminer à sacrifier aucun des matériaux importans que nous devons recueillir dans l'intérêt des diverses spécialités de lecteurs auxquels cet ouvrage est adressé. Nous avons, au reste, sous les yeux un exemple qui nous sert à mesurer l'étendue de notre publication : c'est le Choix d'opinions, rapports, discours, etc., en vingt volumes, et dont la Constituante seule comprend sept. Et néanmoins cet ouvrage ne rend pas compte des débats de l'Assemblée; il ne parle pas non plus des événemens extérieurs, des faits de la place publique, des discussions de la presse, etc.; ainsi nous n'avons pas encore à nous reprocher trop de prolixité. Qui ne nous en voudrait, d'ailleurs, si nous hésitions à faire un complet usage des belles collections de matériaux que l'on a mises à notre disposition. Ceux mêmes auxquels nous devons ces utiles com munications, nous accuseraient plus que d'autres à juste titre; car ils ont droit d'attendre pour prix de leur bienveillance, que nous fassions profiter le public des richesses qu'ils nous livrent si libéralement. Nous avons pensé qu'il serait utile et agréable à nos lecteurs de trouver à la fin de chaque volume une table des matières. Il y en aura donc une à la fin de celui-ci; et incessamment nous adresserons à nos souscripteurs celles des précédens volumes, sans préjudice d'une table générale et analytique qui sera publiée à la fin de l'ouvrage. En ce moment, on travaille à la confection des cartes des guerres de la révolution, qui doivent être jointes à cet ouvrage. Cette addition, toute gratuite de la part de notre éditeur, prouve qu'il ne reculera devant aucun sacrifice pour faire de notre ouvrage l'histoire classique de notre révolution. DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE. SUITE DU MOIS DE MARS 1790. Finances. SÉANCE DU 7 MARS. M. Rabaud de Saint-Etienne. Le moment est venu où la réforme dont la nation vous a imposé le devoir, doit soulever tous ceux qui croient payer trop cher la liberté par les avantages qu'ils retiraient des abus; mais qu'est-ce pour vous qu'un péril de plus? Vous avez couru bien des dangers pendant six mois entiers, votre courage s'en est accru, et vous avez marché froidement vers le but glorieux auquel vous tendiez. Un grand nombre de moyens sont employés pour rendre vos travaux inutiles; on cherche à tromper le peuple; on veut lui faire regretter le temps des lois et des impôts arbitraires, comme s'il en avait perdu le souvenir; on cherche à diviser les provinces, et à établir un mouvement général dans le royaume, en excitant des mouvemens dans les villes. On dit que vous avez surpassé vos pouvoirs, comme si la nation pouvait trouver que vous avez trop fait pour elle, et qu'elle ne méritait ni tant de soins, ni tant de courage. On appelle une nouvelle législature, parce qu'on espère que dans l'intervalle nécessaire, l'anarchie naîtra, et les abus pourront reparaître. On dit que vous marchez trop vite, et que vous marchez trop lentement, que vous avez trop fait, et que vous n'avez pas fait assez. Les ennemis du peuple répandent que les impôts sont augmentés, tandis que vous n'avez encore touché 1 T. V. l'impôt que pour accorder aux contribuables un premier bienfait ils sont soulagés du quart, du tiers, de la moitié même de leurs impositions, par votre décret relatif à la contribution des ci-devant privilégiés. Détruire votre ouvrage, voilà le but des ennemis de la liberté ; vous calomnier, voilà leurs moyens. Voyez des libelles infâmes se répandre jusqu'aux portes de cette assemblée: ce sont des hommages à la liberté de la presse; ce sont des enfans ingrats et captifs qui, délivrés de leurs fers, s'élèvent contre leurs libérateurs; on calomnie le ministre des finances, dans l'espoir d'occasionner le désordre dans les finances; on calomnie le peuple armé, afin qu'il ne protège plus la paix publique; on calomnie votre roi, pour vous faire un crime de ses vertus. On a écrit dans les provinces que la banqueroute est inévitable. La banqueroute! mot horrible, qui ne peut être proféré que par les ennemis de la nation, du roi et de la liberté : vaines terreurs, qu'ils espèrent de réaliser à force de les répandre : elle est impossible; elle serait inévitable, si vous vous sépariez. La banqueroute est impossible, vous avez un revenu foncier immense; les impositions des privilégiés, la réforme des abus, l'économie dans les dépenses, dans toutes les parties de l'administration, et le patriotisme, qui ne se lasse point, parce qu'il est soutenu par les plus justes espérances. Vous avez devant vous l'avenir, les siècles, la liberté, l'industrie, et tout ce qui naîtra de votre constitution. Une puissance voisine a plus de dettes que vous et bien moins de ressources : elle est florissante, parce que tous les citoyens sont amis de l'ordre, de la justice et de la liberté ; et nous croirions l'État perdu, à cause que l'or et l'argent dont la France abonde sont un moment resserrés. La banqueroute est impossible; elle serait funeste à ces capitalistes mêmes, qui, sous le règne des abus, se sont enrichis des dépouilles du peuple; elle serait funeste à cet égoïste qui resserre son or. La banqueroute est impossible, parce que vous êtes ici, et que pour la faire, il n'est qu'un seul moyen: c'est de vous séparer. Les impôts, dit-on, ne se perçoivent pas : ils se perçoivent, j'en atteste votre correspondance (presque toute l'assemblée affirme cette assertion. Beaucoup de membres se lèvent, et disent que dans leurs provinces, la recette n'est pas diminuée d'un denier). La perception de quelques impôts indirects est troublée; cela est vrai : mais ces impôts sont odieux; mais le peuple en demande le remplacement; mais il offre avec empressement de les payer; mais il les paiera. Peuple vraiment digne de la liberté, on vous opprimait quand vous baissiez la tête; on vous calomnie quand vous osez la relever. Mais n'y a-t-il donc aucun mal? Il y en a un très-certain; il faut y remédier : c'est la rareté des espèces. La cause de cette rareté n'est autre chose que la trop grande quantité de papiers. Vous connaissez donc cette cause; vous connaissez donc le remède : il faut donner la prépondérance aux espèces; il faut présenter un avantage réel à les répandre : alors elles reparaîtront, n'en doutez pas. Je vous engage, pour l'intérêt commun, du roi, du peuple, des citoyens de la capitale et des provinces, à prendre en considération le mémoire des ministres et l'adresse de la commune de Paris. Je demande qu'il soit décrété que, pour rendre au travail sur les finances le jour qui lui a été enlevé la semaine dernière, on s'occupe de cet objet jeudi, vendredi et samedi, et qu'il soit ordonné au comité de rendre compte jeudi prochain du mémoire du premier ministre des finances et de l'adresse de la commune de Paris. Une très-grande partie de l'assemblée applaudit à ce discours, et en demande l'impression et l'envoi dans les provinces. M. de Cazalès. S'il était nécessaire de me justifier contre les allégations au moins incertaines qui ont été faites par le préopinant contre l'intention que je puis avoir eue dans la demande du renouvellement de l'assemblée, je dirais qu'on a interverti mes: phrases; qu'on en a altéré le sens, et que j'ai demandé, non la dissolution, mais le renouvellement de l'assemblée. Je persiste à croire que c'est le seul moyen qu'on puisse employer avec confiance pour le salut public; je persiste à croire qu'il est impossible d'établir dans cette assemblée une concorde franche et loyale. Je demande si l'on ne voit pas la résistance |