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Les échassiers sont de grands voyageurs; les grues, les cicognes, les hérons, la spatule, les courlis, les chevaliers, les pluviers, les vanneaux d'Europe, visitent la Chine septentrionale, et ils ne sont pas les seuls: l'ibis rose du Japon se montre dans quelques localités, par le temps le plus froid; une sorte de courlis qu'on savait exister à l'Himalaya (Ibidorhynchus Struthersii) fréquente les bords des ruisseaux solitaires des montagnes du nord de la Chine; un grand vanneau (Lobivanellus inornatus), qui niche dans les plaines humides de la Mongolie, vient quelquefois aux alentours de Pékin; à nos bécassines européennes se mêlent d'autres bécassines propres à l'Asie. Le cormoran n'est pas rare à Takou, et il s'avance jusque sur les eaux du Yuen-min-yuen, tout près de la capitale; le pélican frisé qu'on rencontre sur les rives de la Mer-Noire, vers l'embouchure du Danube, paraît assez régulièrement, soit à Tien-tsing, soit en d'autres endroits. Des mouettes, des cygnes, des canards, tous connus, soit dans nos pays, soit en Sibérie, passent chaque année sur les côtes ou sur les plaines du Pe-tche-li. Ainsi le gibier, au moins dans la saison d'automne et d'hiver, ne manque ni pour les habitans de Pékin, ni pour ceux des villes et des villages de la province.

Rien, semble-t-il, ne saurait donner meilleure idée du caractère de la faune du nord de la Chine que l'énumération des oiseaux observés par le père A. David et M. Swinhoe. Ici les types sont familiers à peu près de tout le monde, et chacun parviendra aisément à se figurer l'assemblage dont les plantes et les insectes ont déjà fourni des exemples. Pour les oiseaux du Pe-tche-li, l'association des formes européennes et des formes asiatiques où les premières l'emportent par le nombre est bien démontrée. Dans l'intérêt de la géographie physique, on devra remarquer que les formes sont représentées par des espèces bien connues d'ailleurs, et des espèces ou localisées dans la contrée ou répandues dans une région qui embrasse la Chine septentrionale, la Mongolie, la Tartarie et une portion de la Sibérie.

Les mammifères, sous les mêmes rapports que les plantes et les oiseaux, méritent d'être considérés. De même qu'il n'y a pas de perroquets dans le nord de la Chine, il n'y a point de singes. On trouve des chauves-souris dans la province de Pe-tche-li; mais jusqu'à présent l'étude de ces animaux reste inachevée. Plusieurs insectivores habitent le pays: le hérisson d'Europe se montre jusque dans la capitale; une taupe grise, répandant une odeur de musc très prononcée, un peu plus petite que notre taupe commune, et très différente par l'appareil dentaire, a été vue quelquefois (1).

(1) Cet animal a été décrit par M. Alphonse Milne Edwards sous le nom de Scaptochirus moschatus.

Les carnassiers sont nombreux dans les montagnes, surtout en dehors de la grande muraille l'ours du Thibet est assez commun, le blaireau n'est pas rare, le loup ordinaire est de tous côtés répandu à l'excès de l'avis des Chinois et des voyageurs; le renard ne vient que rarement dans la plaine; le renard à ventre noir est connu partout dans le pays, le petit renard jaune (Canis corsac), qui vit en Sibérie et dans la Mongolie, se montre dans les montagnes du Pe-tche-li; l'isatis (Canis lagopus), partout cité comme l'animal des plus froides régions de l'Europe et de l'Asie, descend de la Mantchourie dans les hivers rigoureux. Ce ne sont pas les plus redoutables carnassiers du nord de la Chine. Le tigre séjourne et se multiplie dans les forêts de la Mantchourie, et les visites de ce fauve sont toujours à craindre dans la province de Pe-tche-li. « Ces joursci, écrit le père David dans sa correspondance, il en parut six dans nos montagnes du nord, où ils ont exercé de grands ravages. Un de nos chrétiens qui leur donna l'éveil en tirant un coup de fusil a été dévoré. » La panthère et l'once viennent jusqu'à peu de distance de Pékin. Le putois de Sibérie est commun même dans les maisons de la ville, tandis que le putois ordinaire ne se trouve que vers la Mongolie. On voit encore par hasard la loutre du côté de Takou; l'espèce a été presque détruite par les Chinois: on sait qu'elle n'a guère été plus épargnée en Europe.

Il existe un certain nombre de rongeurs dans le Pe-tche-li, et plusieurs de ces animaux diffèrent de ceux du même genre qu'on a observés en d'autres parties du monde. Dans la plaine, au voisinage même de Pékin, vivent des campagnols; dans les endroits sablonneux et sur les collines, des gerboises et des gerbilles (1). Des rongeurs d'une physionomie étrange, qui fouissent comme les taupes et qui sont aveugles comme elles, se rencontrent en Orient. Buffon a donné une longue description du rat-taupe répandu dans l'Europe méridionale et dans l'Asie-Mineure; des espèces particulières du même groupe creusent leurs galeries aux environs de la grande capitale chinoise et sur les pentes des montagnes du côté de la Mongolie.

Aux mêmes lieux établit sa demeure un petit animal à pelage fauve, appartenant au genre des spermophiles. Plusieurs sortes d'écureuils se trouvent dans les localités un peu boisées; notre espèce d'Europe se voit de temps à autre dans les massifs d'arbres verts de la sépulture impériale, et les individus vivans qui plaisent singulièrement aux Chinois se vendent à très haut prix dans la ville de Pékin; un écureuil d'un gris cendré avec le bout de la queue

(1) Les espèces inconnues avant les recherches du père Armand David ont été décrites par M. Alphonse Milne Edwards.

blanc (Sciurus davidianus) semble confiné dans les montagnes les plus rapprochées de la capitale. Une espèce rayée du même genre (Sciurus striatus) est abondante du côté de la Mongolie; enfin le joli petit écureuil volant, qui habite la Russie méridionale et la Sibérie, se montre dans les bois du nord, où il est toujours rare. Les rongeurs incommodes ne manquent pas dans la grande ville de Pékin; on y trouve à la fois notre gros rat ou le surmulot, le rat noir, la souris, le rat nain commun en Sibérie et en Mongolie, qu'on élève en captivité comme objet d'amusement.

De même qu'il existe de beaux gallinacés au nord de la Chine, il y a des ruminans fort remarquables. Outre l'élan qui habite encore les confins de la Tartarie, le chevreuil de Tartarie commun sur toutes les montagnes boisées, et l'argali de Sibérie, qu'on ne voit plus que sur les hauts plateaux en dehors de la grande muraille, on rencontre encore des cerfs et des antilopes propres au pays. Les Chinois nomment cerf-chameau (Cervus cameloides) un animal de grande taille dont le bois diffère de celui de toutes les espèces connues; mais jusqu'à présent les zoologistes le connaissent imparfaitement. Une antilope que les habitans de Pékin appellent la chèvre des montagnes, ayant le pelage d'un gris brunâtre avec la gorge jaune et portant une très longue queue (Antilope caudata), est commune sur toutes les montagnes rocheuses, et personne ne l'avait signalée avant le père Armand David. Une autre antilope dont il a été fait mention par Gmelin et Pallas (Antilope gutturosa) vit en grandes troupes dans la Mongolie, et quelquefois elle visite les provinces du nord-ouest de la province de Pe-tche-li. C'est la chèvre jaune des Chinois, citée au commencement du siècle dernier par le père Du Halde, dans le récit d'une chasse impériale. Ces animaux étant fort agiles et très sauvages, les chasseurs formaient un cercle de façon à entourer un troupeau souvent composé de quatre ou cinq cents individus, et, resserrant peu à peu l'espace, ils parvenaient à les cribler de flèches. En dehors de la grande muraille, on rencontre parfois l'hémione, dont chacun a vu dans les ménageries des individus amenés de l'Asie centrale. Le sanglier est assez abondant sur les montagnes boisées, et vraisemblablement dans la forêt de Jehol plus que partout ailleurs.

Tous nos animaux domestiques sont en usage chez les Chinois du nord le bouf, la chèvre et le mouton, le cheval et l'âne. Le porc domestique à gros ventre est très répandu, mais la souche n'est pas mieux connue que celle du porc d'Europe. Le chameau de Bactriane est également domestique dans les environs de Pékin. Il y a une multitude de chiens et de chats dans la grande capitale. Parmi les premiers, on ne distingue pas plus de quatre races vraiment caractérisées : le chien mongol, un lévrier assez semblable au

chien kurde, le carlin qui est, croyons-nous, très prisé dans le pays, enfin le chien de garde. On ne voit ni épagneuls, ni autres chiens de chasse. Le chat domestique ne diffère pas de celui d'Europe; seulement on entretient aussi dans beaucoup de maisons de Pékin des chats d'Angora à longs poils.

Maintenant, ne semble-t-il pas que nous voyons réellement la province où s'élève la fameuse capitale du céleste empire? Nous connaissons le climat, l'aspect du pays, les êtres qui trouvent l'existence sur cette terre peu favorisée de la nature. Nous pouvons apprécier les ressources de tout genre que les populations tirent du sol.

III.

Le père Armand David paraissait avoir tout examiné dans le Pe-tche-li et dans les montagnes voisines, lorsque son attention fut éveillée par certains récits. A quelques pas au sud de la ville de Pékin, il existe un parc impérial entouré de murs qui n'a pas moins d'une douzaine de lieues de circonférence. Là vivent dans une paix profonde et se multiplient de temps immémorial des antilopes à goitre, les chèvres jaunes de Mongolie, et surtout des cerfs d'une espèce singulière. On avait entretenu notre missionnaire de ces animaux, qu'on ne voit nulle part ailleurs, de façon à bien tenter sa curiosité. Les Chinois les désignent souvent par un nom exprimant l'idée d'une réunion de caractères disparates, et ils disent que l'espèce tient du cerf par les bois, de la vache par les pieds, du chameau par le cou, du mulet ou de l'âne par la queue; mais l'accès du parc où l'on entretient ces bêtes curieuses est interdit aux étrangers, et obtenir la permission de le visiter eût été une chimère, on sait si les autorités chinoises tiennent aux règlemens établis. Par bonheur, on se souvient toujours un peu des moyens de surprendre un secret. Un jour, l'instant paraît propice, le révérend père grimpe sur le mur, et, à sa grande joie mêlée de surprise, il distingue au loin un troupeau de plus d'une centaine de cerfs à longue queue. En voyant la magnifique et étrange ramure des mâles, il les prend pour des élans ou des rennes gigantesques; mais il ne doute pas que l'espèce ne soit absolument inconnue des naturalistes, et la découverte d'un nouveau mammifère de grande taille est un événement rare à l'époque actuelle. Une semblable découverte paraît même vraiment extraordinaire, s'il s'agit d'un animal fort différent de tous les types déjà observés.

L'abbé David cherche aussitôt à se procurer la dépouille de quelques individus du fameux cerf à longue queue; des tentatives répétées demeurent sans succès. Il met son espoir dans les bons

offices de la légation de France à Pékin; la légation n'attend aucun résultat favorable de démarches qui pourraient être faites auprès du gouvernement chinois. Le savant lazariste ne perd jamais courage. «Heureusement, écrit-il dans une de ses lettres, je connais des soldats tartares qui vont faire la garde dans ce parc, et je sais que, moyennant une somme plus ou moins ronde, j'obtiendrai avant l'hiver quelques peaux. » Il est bon, même en Chine, d'avoir. des relations de tout genre. Cependant il y eut encore des difficultés à vaincre, car, dans une nouvelle lettre, notre missionnaire, revenant sur les particularités du beau cerf du parc impérial, ajoute : « Jusqu'à présent, je me donne des peines incroyables pour en avoir des dépouilles; mais j'espère en obtenir deux ces jours-ci. En effet, au mois de janvier 1866, il pouvait annoncer la réalisation de son désir. D'un autre côté, notre chargé d'affaires, M. Bellonet, un ami de la science, plus heureux près des ministres de l'empire qu'il n'aurait supposé, venait de recevoir à titre gracieux un beau couple d'individus vivans du fameux cerf auquel les Chinois donnent le nom de Mi-lou. Il s'agissait de faire parvenir ces superbes animaux en France, où ils eussent vivement excité la curiosité; mais ils moururent pendant le voyage.

Bientôt on reconnut à Paris que le mi-lou est un mammifère tout particulier de la famille des cerfs (1). Par la forme générale, par le pelage, l'allure lourde, la manière dont le mâle porte ses bois, l'espèce ressemble au renne, dont elle s'éloigne par des caractères plus essentiels. Le mâle adulte mesure au garrot 1,20 et environ 2,20 de l'extrémité du museau à l'origine de la queue. Le mi-lou en réalité est long et bas sur pattes. La couleur du pelage est un mélange de gris et de fauve pâle distribués d'une manière assez uniforme, qui se rembrunit en certains endroits et devient plus clair sous le ventre. La tête ne diffère pas notablement de celle des cerfs ordinaires, et seuls les bois présentent des caractères remarquables. Très grands et robustes, couchés en arrière et assez écartés l'un de l'autre, ils n'offrent pas d'andouiller basilaire comme chez le renne ou notre cerf. Le merrain est gros, et, à une certaine distance audessus de la meule, il s'en détache une longue branche qui se dirige en arrière et descend jusqu'aux épaules lorsque l'animal tient la tête élevée; cette branche porte, disposés sur le bord externe, plusieurs andouillers formant une sorte de palmure qui rappelle celle de l'andouiller basilaire des vieux rennes. Enfin la perche, très sinueuse et terminée par une fourche, est pourvue de deux grands andouillers qui vont en arrière et un peu en dedans. Tous les ama

(1) L'espèce a été très bien étudiée par M. Alphonse Milne Edwards; elle porte aujourd'hui dans la science le nom d'Elaphurus davidianus.

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