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qui se range parmi les adversaires de l'octroi, en divise les produits en quatre parts égales. Pour couvrir la suppression du premier quart, il demande que l'état fasse aux communes l'abandon d'une portion équivalente du principal de l'impôt foncier; au second quart, il substitue des centimes additionnels à la contribution mobilière; au troisième quart, des centimes additionnels aux trois autres contributions directes; il démontre enfin que le dernier quart pourrait disparaître sans qu'on songeât à le remplacer, cela tout simplement par le fait de l'économie des frais de perception, c'est-à-dire de 12 pour 100, et par une diminution de 13 pour 100 au moins dans les dépenses communales, qui sont inconsidérément exagérées. Il est superflu de louer la compétence de M. de Lavergne dans les questions économiques. Voici maintenant un financier, M. Émile Pereire, qui, dans un Rapport au conseil-général de la Gironde sur la suppression des octrois (1), aborde le même sujet, et cette étude, remplie de tableaux et de chiffres, est d'un ton si net, si convaincu, qu'elle plaira même aux gens qui détestent l'arithmétique. M. Pereire estime qu'une taxe proportionnelle sur les loyers serait un poids accablant, s'il s'agissait d'en tirer l'unique ressource à substituer au produit de l'octroi. Il élève la même objection contre les centimes additionnels aux quatre contributions directes, il rejette comme insuffisant l'impôt des patentes, il ne croit pas qu'on puisse détourner de son affectation actuelle l'impôt sur les valeurs mobilières; mais il fait observer que, sur un budget général dont le total dépasse 2 milliards, payés sous des formes diverses par l'ensemble des contribuables de France, il doit être facile de trouver soit par des déplacemens de taxes, soit par l'accroissement des revenus indirects, des moyens de remplacer l'octroi. « Les budgets des communes, comme ceux des départemens, ne sont pas, dit-il, de nécessité absolue, complétement distincts des budgets de l'état... La ligne de démarcation qu'on veut tracer entre les ressources générales et les ressources locales n'existe pas d'une manière absolue. De quoi s'agit-il donc? De déplacer un peu cette ligne, de prélever sur l'ensemble du budget une partie des ressources dont les communes ont besoin, puisque les revenus des villes, comme ceux des départemens et de l'état, sont toujours puisés aux mêmes sources, sont toujours payés par les mêmes contribuables. » Partant de là, M. Pereire voudrait qu'on recourût, pour remplacer l'octroi, aux augmentations ordinaires des revenus indirects (de 35 à 45 millions par an), à la condition toutefois que de nouvelles dépenses ne fussent créées à mesure que ces revenus s'accroîtraient, pas au produit net des postes et des télégraphes, à une partie des taxes perçues

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(1) Bordeaux, 1870.

sur le sucre, le café et le cacao, à une partie des taxes supportées par les habitans des villes pour les patentes, les contributions personnelles et mobilières, les portes et fenêtres, au produit net de l'impôt du dixième sur les chemins de fer, etc. Nous ne nous arrê– terons à discuter ni ces deux systèmes ni tous ceux qu'a fait naître la polémique contre les octrois. Ce qui ressort à nos yeux des études auxquelles se sont livrés tant d'économistes, c'est que l'institution est en principe condamnée. Serait-il opportun d'insister en ce moment même pour une suppression générale et complète? Les circonstances ne permettent plus d'exprimer un avis radical sur la question comme il y a six mois, et nous reconnaissons que, pour un grand nombre de villes, la sagesse commandera des ménagemens qui comportent certains délais. L'essentiel est que ces délais ne traînent pas trop en longueur, et que l'assemblée nationale se prononce dès cette année sur le principe.

IV.

Outre des réformes fiscales, l'agriculture désire de bonnes lois et une représentation élective. On a pris l'habitude de lui répondre en ce qui concerne les lois : « Attendez le code rural qui se prépare et qui ne tardera pas à être promulgué. » Il est à craindre malheureusement que nous soyons loin d'assister à l'achèvement d'un édifice dont tant d'assemblées successives n'ont pu réussir à jeter les bases. En 1791, le jurisconsulte Merlin déclarait qu'il fallait renoncer à faire un code rural. En 1804, une tentative nouvelle fut suivie d'un nouvel insuccès. De même, en 1818 et en 1834, des commissions composées d'hommes politiques, de magistrats et d'agriculteurs, ne purent mettre au jour une rédaction satisfaisante. La commission de 1834 proposa, et fit sagement, de s'en tenir à des lois particulières qui seraient rendues au fur et à mesure des besoins; ainsi furent votées la loi de 1836 sur les chemins vicinaux, celle de 1838 sur les vices rédhibitoires, et quelques autres. Sous le second empire, le sénat et le conseil d'état se crurent capables de mener l'entreprise à bonne fin. De douze ans de travaux, il est sorti un premier livre présenté récemment à la sanction du corps législatif; une commission a été nommée dans les bureaux, puis survint la guerre, et tout est resté en suspens. Ce que l'on sait, c'est que la publication de cette première partie si laborieusement enfantée a donné lieu aux protestations les plus vives soit au sein des comices, soit dans la presse. Le projet semblait presque repoussé d'avance, et n'eût probablement pas survécu à la discussion publique. Aussi nombre de sociétés d'agriculture, et à leur tête la Société des agriulteurs de France, s'inspirant des idées qui avaient autrefois pré

valu dans la commission de 4834, ont-elles demandé que, si l'achèvement de ce nouveau code doit subir encore des lenteurs, il soit du moins pourvu par des lois spéciales aux nécessités les plus urgentes. Le rapporteur de la Société des agriculteurs, M. Léonce de Lavergne, exprimait aussi les deux vœux suivans, qui furent également adoptés que dans la rédaction de ces lois rurales on maintint les principes généraux du code civil, mais sans trop s'assujettir dans les détails aux prescriptions de ce code, et que surtout les commissions chargées d'élaborer de pareilles lois consultassent préalablement les sociétés et les comices. Ce dernier point est en effet celui qui tient le plus à cœur à l'agriculture; elle estime que ses intérêts sont méconnus, et qu'on en tient un compte trop médiocre tant dans les assemblées que dans le gouvernement. C'est pour cela qu'elle demande un ministre spécial, assisté d'un conseil supérieur, qui ne subordonnerait pas les questions agricoles aux questions d'industrie, de commerce ou de travaux publics; c'est aussi pour cela qu'elle réclame une représentation élective qui lui soit propre.

Personne n'ignore quel puissant appui est prêté par les chambres de commerce aux intérêts des industriels et des commerçans. L'agriculture n'a pas cette ressource. L'empire a bien institué des simulacres de chambres consultatives d'arrondissement; mais les personnes qui en faisaient partie étaient à la nomination des préfets, et ceux-ci convoquaient les chambres ou plutôt avaient le droit de les convoquer. Ils n'en abusaient pas. Toutefois pendant quelques mois on avait connu un autre régime. La loi du 20 mars 1851, brusquement abrogée en 1852, avait organisé les comices et créé dans tous les départemens une chambre d'agriculture à laquelle chaque comice envoyait un membre par canton. Ces chambres départementales devaient tenir une session annuelle d'un mois, et déléguaient elles-mêmes un de leurs membres au conseil supérieur de l'agriculture, qui se trouvait ainsi composé de quatre-vingt-six membres issus de l'élection à deux degrés. Cette institution n'était point parfaite; elle se ressentait de l'esprit qui gâtait souvent les meilleures inspirations de l'assemblée législative. L'élection dominait en principe; mais quels étaient les électeurs? Si vous parcourez au hasard la liste des souscripteurs d'un comice quelconque, vous y trouverez, à côté d'un certain nombre de cultivateurs, tous les châtelains de l'arrondissement, puis les bourgeois de la sous-préfecture, avoués, médecins, marchands, notaires, heureux de rencontrer parfois l'occasion de rompre pour une journée le désœuvrement de la vie de petite ville. La grande erreur consistait donc à faire des comices où les cultivateurs n'étaient pas toujours en majorité les assemblées primaires de l'agriculture française. Néanmoins, dans l'état où l'on a vécu sous l'empire, cette loi de

1851 parut si belle que les souhaits les plus hardis l'ont d'abord rappelée sans aller au-delà. L'année dernière seulement, M. Ernest Picard, s'inspirant des idées d'un agriculteur bien connu du Morbihan, déposa un projet de loi beaucoup plus libéral que ne l'était da loi de 1851. Comme tant d'autres projets, celui-ci est resté dans les dossiers de l'ancien corps législatif. C'est bien encore da représentation élective et permanente de l'agriculture que M..Picard se propose d'organiser; mais cette fois des électeurs ne sont plus seulement les membres des comices, ce sont les oultivateurs mêmes, propriétaires, fermiers et ouvriers ruraux, dont la liste est dressée dans chaque commune par les soins du conseil municipal. Les autres dispositions sont, à peu de chose près, semblables à celles de la loi de 1851. Quelle différence cependant entre les deux lois! Ici, le droit de suffrage est universel et complet; là, il était subordonné à la nécessité de s'affilier à une association locale, et de payer à titre de cotisation une taxe amuelle plus ou moins importante.

Entre le projet de M. Picard et un retour pur et simple à la loi de 1854, il semble qu'on ne puisse hésiter sur le choix à faire; toutefois nous ne cacherons pas que de nouveau projet a été vu d'un ceil inquiet, soupçonneux, par un grand nombre d'associations agricoles, dont quelques-unes même ont combattu en termes assez âpres l'exposé des motifs du député de l'opposition. Leur idéal était précisément cette loi de 1851, d'ailleurs plus ou moins amendée dans les détails, qui paraissait devoir restaurer leur influence, tandis qu'elles craignaient que l'institution proposée par M. Picard ne produisît un effet tout contraire. A nos yeux, cette crainte est vaine, et, si déjà la plupart des huit cents comices ou sociétés d'agriculture que comptent nos départemens ne vivent plus que d'une vie factice, cela tient d'une part à ce que l'administration impériale avait pris à tâche de les énerver, d'autre part à ce que ces associations elles-mêmes ont rarement bien compris leur rôle. En cherchant avec soin, c'est tout au plus si l'on en trouverait cinquante qui aient un titre sérieux à la reconnaissance des populations rurales, qui servent autre chose que de petites vanités d'arrondissement ou de canton. Leurs séances sont rares, et la direction de leurs affaires était jusqu'ici complétement abandonnée à un bureau présidé de droit par le préfet ou le sous-préfet. Quant aux ressources, elles se composent des cotisations annuelles, dont le maximum dépasse rarement 10 francs pour chaque membre, et qui sont perçues avec une peine et avec des retards infinis. Une partie, parfois la moitié, en est consacrée à payer des frais de poste, de bureau, et l'impression d'un bulletin qui généralement n'est lu par personne. Ces dépenses prélevées, on consacre l'argent qui reste à faire tous les ans ou tous les deux ans un concours pour lequel il est d'usage que le

département accorde une subvention de quelques centaines de francs. Le député, les futurs candidats, diverses notabilités du pays, y ajoutent d'ordinaire quelques médailles d'argent ou de vermeil destinées à récompenser le plus beau lot de volailles, de légumes, ou bien à primer la vertu des anciens serviteurs de ferme. Cette munificence peu coûteuse produit de médiocres résultats, et l'on ne peut guère prendre au sérieux de semblables solennités. C'est toujours en effet la même chose : pour les membres de l'association, tout se résume en rapports, discours, lectures de prose ou de vers sur l'estrade, rosettes à la boutonnière et toasts récités au banquet; pour la foule, elle vient là comme à la foire ou à la fête, bâille aux discours, gouaille les lauréats, traite parfois quelques menues affaires, et ne perd pas l'occasion de boire. Si les sociétés de province voulaient renoncer à ces concours qui leur sont chers, ou plutôt les rendre plus sérieux et moins fréquens, si elles voulaient surtout descendre au terre-à-terre de la vraie pratique agricole, leurs services leur acquerraient vite l'autorité dont elles sont jalouses. A côté des chambres d'agriculture électives, dont la principale mission serait d'intervenir, lorsque les intérêts ruraux l'exigeraient, auprès du préfet, du ministre, de l'assemblée législative, les associations conserveraient le rôle très enviable de stimuler par tous les moyens possibles le progrès dans les cultures du pays, de venir en aide aux cultivateurs selon les circonstances et les besoins, de patronner les publications utiles, de propager les procédés recommandables, de se livrer elles-mêmes, ainsi que le font les Allemands dans leurs stations agronomiques, à des études et à des essais sur les engrais, les instrumens, les appareils, dont elles se proposeraient d'introduire l'usage dans les exploitations de la province. Elles seraient ainsi à la fois des sociétés savantes et des sociétés d'encouragement et de secours. Elles régleraient l'emploi de leurs fonds sur les nécessités particulières de chaque année. Après la sécheresse du mois de juin 1870, le comité d'agriculture de la ville de Beaune employa l'argent dont il put disposer à l'acquisition de graines de fourrages tardifs qu'il distribua gratuitement, tandis qu'il était temps encore, aux cultivateurs de l'arrondissement de Beaune. Au mois d'août suivant, lorsque les mobiles et les soldats de la réserve furent appelés soudain sous les drapeaux, le comice de Tarare déclara qu'il se chargerait de faire labourer et ensemencer les champs des absens. Voilà des exemples de ce qu'on peut faire. Au-dessus des sociétés locales, quelques grandes associations qui embrassent toute une province, comme l'Association normande, ou même le pays entier, comme la Société des agriculteurs de France, rendront des services d'autant plus précieux que leurs ressources sont plus importantes. La Société des agriculteurs de France notamment, fondée en 1868 par la

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