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tres cubes d'eau d'égout sur les 260,000 mètres cubes qui vont se perdre dans la Seine, et ces 6,000 mètres cubes, répandus par des conduites et des rigoles dans 40 hectares de jardins, y entretiennent une fécondité sans doute merveilleuse, mais peu surprenante pourtant, si l'on compare le but atteint avec les moyens dont on dispose. Que sont en effet 40 hectares? Les essais devaient se poursuivre, et les ingénieurs de la ville, désireux de concilier les intérêts de la culture et ceux du service municipal, recueillaient les conseils et les critiques. Celles-ci d'ailleurs ne leur étaient pas épargnées. L'une des principales et des mieux fondées portait notamment sur ce que les matières fertilisantes que reçoivent les égouts de Paris y sont diluées, noyées dans une masse énorme d'eau des fontaines. Quoi qu'il en soit, la guerre a interrompu ces travaux, qui seront repris bientôt sans doute, et dont l'intérêt est si grand pour les cultivateurs voisins de Paris ou des grandes villes dotées d'un système semblable d'égouts. Évidemment il y a des progrès importans à réaliser pour l'utilisation agricole des eaux-vannes et de l'engrais humain. La question a du reste été fort étudiée déjà; elle préoccupait depuis longtemps les agronomes. Nous signalerons particulièrement deux mémoires publiés dans le cours de l'année dernière, à la suite d'un concours ouvert par la Société des agriculteurs de France. Dans l'un, MM. L. Renard et Frontault, qui se sont livrés à des recherches très exactes, discutent les deux méthodes en usage, celle de l'écoulement et celle de l'enlèvement des matières. La première confie à l'eau courante, à l'aide de canaux et d'égouts aboutissant à un collecteur commun, le soin d'entretenir la salubrité et de débarrasser les villes de leurs immondices. Le liquide ainsi chargé d'engrais est conduit sur des terres préparées ad hoc et employé en irrigations, c'est le sewage de Rugby, de Croydon, de Carlisle et d'Édimbourg; mais ce système n'est pas d'une pratique. générale, et coûte cher à établir. On devra donc préférer la méthode de l'enlèvement, par laquelle on recueille les matières aussi pures que possible, en s'appliquant à transporter un minimum de poids et de volume pour un maximum de principes fertilisans. Cette façon de procéder peut s'appliquer aux villages, aux hameaux, aux habitations isolées aussi bien qu'aux agglomérations des grandes villes. M. G. Nast, l'auteur du second mémoire, qui a peut-être insisté davantage sur la partie administrative du sujet, réclame pour toute la France une législation uniforme qui réglerait l'emmagasinage ou la décantation des eaux-vannes, la reconnaissance du droit de propriété et de la liberté de transaction en matière de vidanges, la propagation de notions sommaires sur les meilleurs modes de fumure et la distribution de primes honorifiques destinées à encou

rager l'usage de l'engrais humain en agriculture. Quant à l'application pratique de cet engrais, M. Nast indique divers procédés qu'il serait trop long de décrire ici; disons seulement que, dans quelques villages de l'arrondissement de Soissons, l'expérience a confirmé déjà l'efficacité qu'il leur attribue.

Pour peu que les particuliers y apportent quelque activité et les municipalités ou les administrations quelque bon vouloir, la mise en œuvre de tant de ressources négligées compensera vite une bonne partie du déficit dans la production des engrais de ferme, et plus tard, lorsqu'on aura pris l'habitude de nourrir la terre avec ces précieux composts, on continuera de les employer concurremment avec les fumiers de nos bergeries et de nos étables repeuplées. Réacquérir le nombre d'animaux des espèces bovine, ovine et chevaline qu'il est nécessaire d'entretenir en France soit pour la consommation des habitans, soit pour la bonne exploitation du sol, cela coûtera non pas seulement de l'argent, mais aussi du temps et de la peine, d'autant que nous étions déjà forcés, avant la guerre, de demander à l'importation un supplément considérable de bétail. Qu'on nous permette à ce sujet de rappeler ce que nous écrivions il y a quelques mois (1). C'est par-dessus tout à la production du fumier et à la production de la viande que nos éleveurs et nos engraisseurs devront s'attacher. Jusqu'à ce que les circonstances économiques aient changé, le produit que donnait jadis la vente des laines fines ne devra plus être regardé que comme tout à fait accessoire. On n'ouvrira donc ses bergeries qu'aux moutons à engraissement précoce, tels que les southdowns ou les dishleys. Par croisement ou par sélection, il faudra rapprocher de ces types les mérinos français, et plutôt les abandonner, si l'on ne peut réussir avec eux. Cela dit, nous ajouterons qu'une sage intervention du gouvernement devra exercer sur notre économie du bétail l'influence la plus heureuse et la plus utile. Bien loin d'accorder aux éleveurs tous les encouragemens désirables, certaines dispositions de nos lois leur imposent de nuisibles entraves. Le régime des eaux par exemple suscite des plaintes universelles, parce que le législateur a laissé s'accumuler les obstacles à la création, à l'irrigation des prairies. Ce que les cultivateurs demandent au nom de la justice et des intérêts agricoles, c'est que des propriétaires, soit isolés, soit associés en syndicats libres, aient le droit de faire des barrages et des irrigations d'après des règles fixées par la loi et non par l'administration, que ces mêmes propriétaires, dans le bassin d'un cours d'eau, aient le droit de se servir de l'eau qui ne serait pas

(1) Voyez la Revue du 1er septembre 1870.

utilisée par les riverains, enfin que les usiniers, sauf les droits acquis, ne jouissent pas de priviléges refusés aux autres riverains. Ce sont là des vœux auxquels on attache une grande importance, et qu'il ne faudra pas légèrement rejeter. D'autre part, la liberté du commerce de la boucherie, bien que proclamée par un décret du 24 février 1858, existe en fait bien moins qu'en théorie. Des mesures complémentaires sont vivement réclamées; telles seraient l'abrogation de l'article 30 de la loi de 1791, qui laisse aux maires la faculté d'appliquer la taxe de la viande, — la levée de l'interdiction qui s'oppose au colportage de la viande, lequel n'offrirait certes pas plus d'inconvéniens dans la pratique que le colportage du poisson ou de telles autres denrées, - la restitution au commerce des halles et marchés du régime du droit commun, l'abolition du privilége du factorat, de la vente à la criée obligatoire, en un mot de toutes les dispositions qui ont pour objet d'empêcher les approvisionneurs d'adopter le mode de vente qu'ils préfèrent ou de recourir à des intermédiaires de leur choix. Il existe un terrible écart entre le prix des animaux vendus sur pied par le cultivateur et le prix de ces mêmes animaux dépecés dans les boucheries; par la seule vertu du commerce libre, il arrivera que le bénéfice du premier vendeur sera plus élevé, et que cependant le public, qui achète la viande au détail, loin de perdre à ce changement, aura des chances d'y gagner. Ces autres vœux, émis il y a plus de vingt ans par l'ancien congrès central d'agriculture et renouvelés dans le cours de la dernière enquête agricole, ont été repris au corps législatif, pendant la session de 1870, par quelques députés qui s'étaient voués surtout à l'étude des questions d'économie rurale; il est permis d'y faire droit sans commettre aucune imprudence. Parlerons-nous aussi des concours de boucherie ou d'animaux reproducteurs, qui, sous l'administration du second empire, n'ont guère excité que réclamations et que plaintes? L'agriculture y souhaite des réformes radicales, et, sans avoir pu se mettre bien d'accord sur ce qu'il conviendrait de substituer aux anciens programmes, les éleveurs sont unanimes à répéter que ces programmes étaient une ironie, et ces concours au moins une inutilité. Que l'on examine donc avec soin cette question des concours et des récompenses, et que l'on assemble une commission d'hommes compétens et choisis (leurs noms sont en quelque sorte indiqués d'avance) pour régler les programmes de 1871. Il semble que, si l'on veut répondre aux désirs du pays, on devra s'inspirer beaucoup de ce qui se fait en Angleterre et en Allemagne, où ces sortes de solennités exercent une influence et donnent des résultats inconnus chez nous.

II.

Ceux qui ont quelque temps habité la campagne ont pu observer quelle somme de travail et d'activité patiente absorbe la terre :

Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût;

Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.

Ainsi parlait le laboureur de La Fontaine, et les docteurs de l'agriculture moderne appuient encore plus énergiquement sur ces préceptes. Saturez la terre, disent-ils, de travail autant que d'engrais. En aucun temps (et c'est un des réels progrès de notre siècle), plus d'instrumens divers n'ont été inventés pour tourmenter le sol, pour récolter et manipuler ses produits. On sait que la terre est ingrate envers qui ne la force point. Aussi s'explique-t-on que le gros souci des chefs de culture, ce soit la dépopulation des campagnes qui, dans ces dernières années, a toujours été en augmentant. Propriétaires et fermiers se plaignent donc amèrement du manque de bras. Cependant les ouvriers ruraux, chassés, affirment-ils, par l'insuffisance des salaires et par la crainte de la misère qui les attend dans les vieux jours, émigrent vers les villes en grandes masses. Souvent nous avons rencontré et interrogé de ces fugitifs; il est rare qu'ils partent sans esprit de retour. Leur idée fixe est de faire fortune, c'est-à-dire d'amasser en un certain nombre d'années la somme suffisante pour acheter un lopin de terre qu'ils reviendront cultiver au pays natal. Souvent la réalité trompe leur espoir; mais ils ont l'amour du clocher, et s'ils étaient assurés d'y gagner leur vie, ils resteraient volontiers attachés au village aussi solidement que le lierre s'attache aux vieux murs. Faire en agriculture ce qui a été fait dans l'industrie, accomplir un progrès assez considérable pour que le chef d'exploitation augmente à la fois son propre bénéfice et le salaire de ses agens, c'est presque l'unique remède que la réflexion suggère; autrement il arrivera toujours que la concurrence des villes, en offrant au travail des conditions plus avantageuses, continuera d'enlever aux campagnes une bonne partie des ouvriers ruraux. Sans doute une élévation même légère des salaires serait maintenant dans la plupart des fermes une condition impossible à remplir; mais il faudra du moins se résoudre aux plus grands efforts pour ne pas abaisser la rétribution déjà minime des journées de travail. Agir autrement, ce serait commettre une désastreuse imprudence. Le premier but à se proposer, c'est donc de procurer quelque

compensation matérielle au dur labeur des ouvriers des champs, de leur rendre, si l'on ose employer cette expression, la campagne plus habitable. Que les départemens et les communes se hâtent d'ouvrir, autant que le permettront leurs ressources, des établissemens hospitaliers pour la vieillesse, d'assurer à la maladie, aux infirmités, à la misère, les secours les plus indispensables. Il est encore une institution que les municipalités ou même les particuliers influens peuvent aisément propager: ce sont les sociétés de secours mutuels entre les habitans d'un même canton ou d'un même village. Il suffirait que tous les membres d'une agglomération rurale apportassent chaque année à un fonds commun une cotisation individuelle de 2 ou 3 francs pour que l'on pût combattre avec cet argent bien des maux. Nous avons vu fonctionner en Bourgogne quelques-unes de ces associations qui s'intitulent sociétés vigneronnes et qui ont réussi à chasser presque entièrement de plusieurs villages les tourmens de la pauvreté. Souhaitons aussi qu'un changement longtemps désiré se produise dans les mœurs des classes élevées, et que la plupart des grands propriétaires cessent d'encourir le reproche d'absentéisme. Enfin rappelons en passant qu'il y a urgence, à ce point de vue non moins qu'au point de vue militaire, à refondre nos lois sur le recrutement de l'armée. L'agriculture attribue volontiers à l'ancien système de conscription une influence qui est réelle, et dont le législateur tiendra certainement compte dans les réformes prochaines.

A la main-d'œuvre humaine doit s'ajouter le concours des machines. Les Américains, les Anglais surtout, qui sont en fait de génie rural devenus nos maîtres, ont fini par nous convertir à leurs idées. Leurs constructeurs les plus célèbres ont chez nous des représentans qui, depuis le traité commercial de 1860, réalisent un chiffre élevé d'affaires. Un certain nombre d'ingénieurs français, montant à leur tour des ateliers et des usines, leur font une concurrence honorable et avantageuse. Notre matériel de ferme s'est donc en partie renouvelé: les charrues à labour profond, les scarificateurs, les herses et les rouleaux perfectionnés sont presque devenus d'un commun usage; il n'est plus d'exploitation un peu importante où l'on n'emploie la machine à battre, le coupe-racines, le hachepaille; on apprécie de plus en plus les avantages du semoir mécanique, et de nouveaux modèles en sont exposés chaque année; les faucheuses, les faneuses, les râteleuses, commencent à se voir en juin dans les prairies; la moissonneuse même, bien que d'introduction plus récente, a déjà coupé dans le nord bien des hectares de céréales; il n'est pas jusqu'au labourage à vapeur, l'une des importations anglaises les plus intéressantes, qui n'ait été adopté dans

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