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par la culasse sur l'ancien mode de chargement par la bouche. La manœuvre du chargement est en outre facilitée et accélérée, surtout pour les canons de gros calibre; l'emploi de l'écouvillon après chaque coup n'est pas absolument nécessaire, l'âme de la pièce peut être visitée et réparée plus aisément, le danger d'une inflammation accidentelle de la poudre dans la chambre du canon est évité. Dans le tir par embrasures, les servans sont mieux à couvert pendant le chargement, enfin la fabrication elle-même des pièces est plus aisée, les rayures sont plus faciles à obtenir. Ajoutons que, si l'on est obligé de laisser une pièce entre les mains de l'ennemi, il n'est pas même besoin de l'enclouer, on n'a qu'à emporter le levier ou le coin qui ferme l'obturateur de la culasse, et la pièce est mise ainsi hors de service.

Les opposans au mode de chargement par la culasse objectent que ce système offre encore plus d'inconvéniens, à savoir: la complication introduite dans la construction de la pièce, la difficulté et souvent l'impossibilité de trouver en masses suffisantes un acier homogène, sans défauts, enfin la facilité avec laquelle la fermeture de la pièce peut être endommagée surtout par le tir de l'ennemi, et les dangers qui sont la conséquence d'un maniement vicieux de la fermeture. En somme, ils voient dans les nouveaux canons une arme délicate, sujette à une foule de détériorations et redoutable pour les servans. « Le chargement par la culasse, disent-ils, obligeant à se servir de projectiles forcés dans les rayures et augmentant par suite la pression des gaz sur le métal de la pièce, l'emploi d'un acier fondu de premier choix est indispensable, et cette qualité est presque impossible à obtenir. Si nos canons de marine en fonte de fer se chargent par la culasse (et l'on comprend dans l'entre-pont étroit d'un navire tous les avantages de ce système), c'est qu'ici la mobifité, la légèreté n'est plus le caractère essentiel des pièces, dont on ne craint pas d'augmenter le poids en leur donnant en même temps une très grande résistance au moyen de manchons d'acier qui les recouvrent extérieurement. »>

Bien que nous n'ayons pas qualité pour prononcer dans le débat, nous pensons qu'il faut voir dans le canon d'acier le véritable canon de l'avenir, comme aussi dans l'acier le véritable métal de la guerre moderne. Nul n'ignore qu'à toutes les époques, quand une invention s'est produite qui a dû changer quelquefois la face du monde, cette invention a eu du premier jour et ses détracteurs et ses prôneurs exagérés; puis tout est rentré peu à peu dans la juste mesure, et l'invention a fait naturellement son chemin. Pour ne parler que des choses de la guerre, ce qui a lieu aujourd'hui pour les canons et l'acier Krupp, si fortement attaqués par nombre d'artilleurs,

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si énergiquement soutenus par d'autres, a eu lieu quand les premiers fusils ont détrôné l'arbalète, quand le fusil à pierre a remplacé le fusil à mèche, la baïonnette la pique, le fusil à percussion le fusil à pierre. De quelles objections n'a-t-on pas même accueilli, il y a trois ans, notre chassepot, le modèle par excellence du fusil à tir rapide! Ici nous n'accusons personne; ce qui s'est vu dans les oppositions que l'on signale se reverra encore et toujours. C'est là un fait inhérent à la façon dont procède l'esprit humain, et tous les canons Krupp du monde n'y peuvent rien.

Une des raisons que mettent le plus volontiers en avan, ceux qui attaquent les canons d'acier se chargeant par la culasse, c'est, on l'a dit, la difficulté d'obtenir en masses et en qualités suffisantes cet acier lui-même pour la fonte des bouches à feu. Le moindre défaut, la moindre fissure, le moindre vide intérieur, ce que les hommes du métier appellent des pailles, des criques, des soufflures, et qu'on rencontre si souvent dans les masses de métaux fondus, ont ici un inconvénient des plus graves; ils diminuent, annulent presque la ténacité du métal, et la pièce peut éclater. Sans doute; mais ce que M. Krupp a si bien obtenu en Allemagne, c'est-à-dire des blocs énormes d'acier fondu qui depuis quinze ans et plus faisaient, dans toutes les expositions et sur tous les marchés, l'admiration des connaisseurs, l'administration française ne pouvait-elle l'obtenir elle-même, fût-ce au moyen de quelques encouragemens donnés à propos aux industriels? Dans les usines du Creusot et dans celles de Rive-de-Gier, pour n'en pas citer d'autres, on aurait pu, si le gouvernement avait poussé les métallurgistes dans cette voie, rivaliser avec les usines de M. Krupp. Nous avons pour cela les minerais, les combustibles, les fondans et les ouvriers convenables. Ne recevant aucune impulsion du côté de l'état, les industriels, qui de préférence travaillent pour les arts de la paix plutôt que pour ceux de la guerre, n'ont fait que des progrès lents dans leurs procédés de fabrication de l'acier, et ils ont fini par oublier leurs intérêts eux-mêmes. C'est ainsi que l'on a vu, à la dernière exposition de 1867, l'Angleterre et l'Allemagne nous devancer non-seulement dans la fabrication des canons, mais même dans celle des rails d'acier, qui offrent un si grand avantage sur les rails en fer. Le Creusot, notre plus grand établissement métallurgique, sentit la blessure, et il venait d'adopter deux des principaux procédés de fabrication en grand de l'acier fondu, celui de l'Anglais Bessemer et celui du Français Martin, quand la guerre avec la Prusse éclata.

II.

On counaît la forme ogivo-cylindrique des obus que nous ont envoyés des Prussiens. Ces projectiles éclatent au moyen de fusées dites perculantes. Au moment où l'obus frappe le sol, une petite tige métallique terminée en pointe ou percuteur agit sur une capsule fulminante vissée sur la tête de l'obus, et le feu est mis à la poudre. L'obus éclate, et les morceaux, au nombre d'une vingtaine et de grosseurs diverses, en sont projetés au loin, la plupart en avant, souvent à plusieurs centaines de mètres. La gerbe de projection affecte une forme d'éventail dont le centre est précisément le point qu'a touché l'obus. La chemise de plomb, bien que fortement laminée, striée, principalement sur la face qui s'appuyait sur la partie inférieure de l'âme du canon, est elle-mème violemment séparée de l'obus, du moins dans beaucoup de cas, et elle va en larges lamelles, parfois tordues et contournées de mille façons, accroître le nombre des dégâts produits par le déchirement de la fonte.

Quand la capsule ne part pas, ce qui a lieu si l'obus tombe sur une terre grasse, humide ou poreuse, le projectile ouvre dans le sol en y pénétrant une large ouverture, de 50 à 60 centimètres de diamètre à l'entrée et d'une profondeur variable, suivant la vitesse que conservait le projectile et la nature du sol traversé, mais qui peut atteindre 2 ou 3 mètres; on dirait la tanière d'une bête fauve. L'inclinaison du trou est celle qu'avait l'obus en arrivant, et la direction ce le du tir. Quelquefois l'obus éclate au fond de la chambre qu'il s'est faite, et alors la terre au-dessus est soulevée en dôme et fissurée jusqu'à la surface. Quand l'obus n'a pas éclaté, il serait très dangereux de l'aller chercher sans quelques précautions. Dans tous les cas, il convient de le plonger dans un seau d'eau, et de faire ensuite dévisser la capsule par un homme du métier. On vide alors lentement la poudre, et cet énorme pain de sucre de métal, revêtu sur toute la partie cylindrique d'une chemise de plomb intacte qui trahit çà et là les projections annulaires de la fonte, ou les vives rayures produites par le passage rapide du projectile dans l'âme du canon, forme une espèce d'objet d'art bien fait pour tenter les collectionneurs. La tête même du projectile, le dôme ogival, porte sur le côté qui est violemment entré dans le sol une série de stries convergentes qu'on dirait faites au burin, et qui proviennent du frottement de la pierre sur le métal animé d'une énorme vitesse. Vers l'œil ou partie ouverte de l'obus, taraudée intérieurement pour le vissage de la fusée percutante, est une sorte de canal incliné qui traverse la fante, allant du dehors au de

dans. C'est par là que passe une petite broche métallique interposee entre la capsule et le percuteur. Par le mouvement de rotation rapide que le projectile opère sur lui-même en sortant du canon, cette petite broche ne tarde pas à être projetée au loin en vertu de la force centrifuge, et au moment du choc le percuteur peut agir librement sur la tête de la capsule; jusque-là, l'intervention de la broche avait pour but de prévenir tout danger d'une inflammation anticipée.

On connaît les dégâts que produit un obus en tombant sur un édifice. D'al ord il y fait une large brèche, il l'ébranle sur sa base, et, en éclatant à l'intérieur, continue ses effets de démolition. L'expansion subite des gaz dus à la combustion de la poudre ajoute ses terribles effets à ceux de la projection violente des nombreux et lourds éclats de l'obus; mais il est rare qu'un commencement d'incendie soit provoqué par tous ces phénomènes. Pour mettre le feu aux édifices, on se sert spécialement de bombes et d'obus incendiaires du genre de ceux qu'on appelle carcasses, et présentant trois ou quatre trous ou évens. Ceux-ci donnent issue à la flamme provenant d'une composition chimique fusante introduite à l'intérieur. Les substances surtout employées sont des sels et des liquides explosibles. Ces derniers temps, le pétrole a joué un grand rôle dans ces compositions, et l'on sait quel abus les Prussiens ont fait de cette huile minérale pour leurs projectiles incendiaires au bombardement de Strasbourg. Disons enfin un mot des obus à balles. Ces obus portent sur leur culot, au centre, une ouverture fermée par une forte vis d'acier, et par où l'on introduit un nombre variable, suivant le calibre de la pièce, de 200 à 500 balles, entre lesquelles on coule du soufre. Ces obus doivent éclater en l'air, à temps, c'est-à-dire à un moment calculé, en avant du point que l'on vise. On se figure les effets meurtriers de ces projectiles tombant sur les hommes d'une batterie. Les Prussiens s'en sont peu servis contre

nous.

Autrefois le feu était mis aux bombes et même aux obus ordinaires par un artifice fusant qui continuait à brûler assez longtemps en arrivant à terre. C'était alors, dit la légende, que de courageux soldats se dévouaient à une mort presque certaine pour aller couper la mèche d'un coup de sabre et même l'arracher à la main; au siége de Sébastopol, on citait des actions de ce genre. Tout cela n'est que de la fable; il n'y a jamais eu de mèches à couper, et les procédés scientifiques mis en usage pour l'ignition d'un obus ne vous laissent d'autre moyen de préservation que de vous coucher à terre, à plat ventre, si vous pouvez ou si vous osez, en entendant le cri traditionnel: gare la bombe! ou le silllement du projectile, qui en annonce la venue d'assez loin. Les mauvais plaisans appellent

cette manière de faire saluer l'obus. Dans un fort, le long des remparts, on a comme protecteurs les hauts talus de terre ou traverses, et les amas de gabions sur lesquels vient mourir le projectile; on a aussi les parapets, les assises de sacs à terre, enfin les casemates et les abris blindés aux formes capricieuses établis sur tant de points de nos fortifications. Surpris, loin de tout abri protecteur, à défaut de la position horizontale, qui convient si peu à des militaires, surtout à des officiers, et qui souvent ne préserve guère, on peut s'appuyer contre les talus, contre les levées de terre, qui règnent partout le long des courtines et en quelques endroits des bastions. L'immense espace resté vide au milieu de ceux-ci est cependant un point très dangereux à traverser, c'est pourquoi on y a quelquefois établi des espèces de murs en terre verticaux alternant entre eux, et le long desquels on peut, comme on dit, se défiler, d'où le nom de défilemens que l'on donne à ces sortes d'ouvrages.

S'il est impossible de prévenir l'éclatement d'un obus, il n'en est pas de même de celui des bombes incendiaires. Un seau d'eau ou mieux de sable, une couverture mouillée, jetés à la hâte sur celles-ci, quand elles continuent encore à brûler et lancent la flamme par leurs évens, sullisent généralement à les rendre impuissantes. Il en est de même pour les boulets rouges, qui ne sont plus employés aujourd'hui, et dont il etait très facile d'éteindre les incendies au début. Dans une maison, dans un édifice, on peut du reste atténuer beaucoup les effets des projectiles explosifs ou inflammables en répandant un lit de sacs à terre ou une couche de sable sur les planchers, en blindant les façades à la base, en calfeutrant soigneusement toutes les ouvertures, car il est à remarquer que les obus entrent volontiers par les fenêtres. Les caves, quand elles sont bien construites, sont un abri à peu près sûr, pourvu encore qu'on en ait soigneusement bouché les soupiraux. A vrai dire, il n'y a pas d'étage qui soit à l'abri des obus. On croit d'ordinaire que les étages supérieurs sont les seuls véritablement exposés. Le bombardement de Paris a démontré que le fait était inexact, et les projectiles lancés de Châtillon, à la distance de plus de 7 kilomètres, sont venus tomber sur non.bre de maisons de la rive gauche, dans les cours, les rez-de-chaussée, les entre-sols, et jusque dans les caves.

On a vu que l'obus en chemin se trahit par une sorte de sifement particulier. Cette vibration de harpe éolienne, ceux qui l'ont entendue une fois ne l'oublient jamais. Ce silllement provient du fouettement de l'air au passage du projectile, auimé d'une très grande vitesse, de 300 à 400 mètres environ par seconde. Comme la vitesse diminue à mesure que l'obus s'avance, l'intensité du sifflement diminue aussi; mais le bruit s'entend de très loin, souvent pendant

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