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des brillantes peintures qu'avait données M. Cousin, et qu'on a pu soupçonner d'être en quelque mesure, grâce à l'imagination de l'auteur, de belles infidèles, les biographies de certaines dames du XVIIe siècle que M. Clément a soigneusement écrites subsisteront, soit à cause d'informations jusqu'alors inconnues sur des vies souvent extraordinaires et passionnées, soit pour l'excellence d'une critique toujours maîtresse d'elle-même, impartiale et délicate.

Par une vie de travail incessant, vouée à notre histoire financière, parculièrement à l'histoire administrative, civile, sociale du règne de Louis XIV, M. Clément a beaucoup contribué à nous faire mieux apprécier une époque dont nous connaissions imparfaitement, avant de telles études, l'infinie variété. On ne marche pas impunément sous les palmiers, dit le proverbe oriental. On ne vit pas non plus impunément dans l'intimité pénétrante d'une époque telle que notre xvIIe siècle. Cette intimité convenait aux goûts de M. Pierre Clément, à sa rectitude d'esprit, à sa dignité de caractère il s'y laissa gagner chaque jour davantage.

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Exclusivement occupé de ses chers travaux, pour lesquels il trouvait tout près de lui une aide et presque une collaboration anonyme, mais efficace, il ne s'en reposait que par le doux commerce d'une famille des plus distinguées ou de quelques amis. Il était l'homme des habitudes affectueuses et des longs entretiens. Les derniers, prolongés encore par l'absence du travail, que lui interdisait la maladie, furent profondément attristés en outre par la vue de nos malheurs publics. Des inquiétudes particulières s'y ajoutaient par la pensée de quatre ou cinq parens engagés sous les drapeaux, celui-ci à Metz, celui-là à Phalsbourg, un troisième aux avant-postes sous Paris. Il oubliait son propre mal pour songer à ces infortunes et à ces dangers, mais c'était sans trouver un allégement d'anxiété ou de souffrance. Il a été, lui aussi, une victime de ce siége qui déshonorera l'Allemagne et l'Europe du xixe siècle. Combien d'autres malades, à qui l'air des montagnes, le secours d'un ciel plus chaud, eussent été nécessaires, auront succombé, sans compter les soldats, dans une épouvantable guerre, n'ayant d'autre motif désormais que l'esprit de conquête! Que dire des aveugles qui ont déchaîné de telles tempêtes? Que dire de ces pasteurs de peuples qui, loin de savoir modérer de telles convoitises, les excitent et les partagent?

A. GEFFROY.

C. BuLoz.

L'ARTILLERIE

AVANT ET DEPUIS LA GUERRE

Une nation qui s'est endormie sur ses lauriers, s'estimant invincible, et qui est arrachée à ses rêves aussi brusquement que vient de l'être la nôtre, ne se résigne pas aisément à reconnaître les vraies causes de ses désastres. Elle se sent coupable, et il lui faut des victimes expiatoires. Dans un moment de surprise et de douleur, il a plu à l'opinion publique de faire du corps de l'artillerie un bouc émissaire. En attendant l'heure de la justice et de la vérité, il nous semble utile de faire un exposé de la situation de l'artillerie avant et depuis la guerre. Quelques esprits difficiles se méfieront, pensant que je suis artilleur. Cela est vrai, et je ne saurais qu'y faire... Ce qui me rassure et me décide, c'est que d'autres esprits, probablement en majorité, seront d'avis que ce n'est pas là un motif suffisant, et seront disposés à m'écouter avec la bienveillance et l'attention que l'on paraît quelquefois accorder aux personnes qui sont étrangères à la question qu'elles traitent.

Je n'ai nulle envie d'analyser les causes profondes et diverses qui ont déterminé cet état d'anémie dans lequel notre pays était tombé, et dont il se relèvera, grâce au stimulant du malheur. C'est aux philosophes et aux historiens qu'il appartiendra de faire plus tard cet examen; mais cet affaissement général s'était transmis à l'armée française, qui, plus que toute autre armée, reflète les vertus et les vices de la nation dont elle émane. C'est de l'armée seule qu'il s'agit ici.

TOME XCI.

15 JANVIER 1871.

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I.

Il y a trois ans, un officier-général, plus préoccupé du sort de Rome que de celui de César, alarmé comme tant d'autres du terrible orage qu'il voyait se former à l'horizon, dévoilait dans un livre célèbre la décadence de l'esprit de discipline chez nos soldats et celle de l'esprit de responsabilité chez les officiers de tous grades, jusqu'aux plus élevés. Il dénonçait la tendance du gouvernement à favoriser les officiers agréables aux dépens des officiers fiers et instruits, à préférer le brillant au solide, ce qui conduisait en peu de temps à n'avoir au premier rang que des têtes infatuées et absolument vides, et au second rang que des cœurs jaloux ou insoucians. Il y a trois ans aussi, un habile ministre laissait entrevoir, avec les précautions que sa situation politique exigeait, la nécessité de prendre de promptes mesures de défense. Il démontrait l'insuffisance de nos cadres et de nos effectifs généraux, cherchait par l'institution de la garde nationale mobile à combler l'effrayant écart qui existait entre notre puissance militaire et celle de notre ennemi probable, et voulait par-dessus tout relever le niveau moral des défenseurs du pays, descendu aussi bas que possible, par un mode de recrutement qui n'amenait dans les rangs de l'armée que les fils des familles les plus misérables, les plus indifférentes à la sécurité et à l'honneur de la France. Dans le même temps, un homme d'état, auquel personne ne conteste la clairvoyance et l'ardent amour de la patrie, se séparait nettement de ses alliés politiques toutes les fois qu'il s'agissait de l'armée; il affirmait qu'en vue de la crise ménagée à l'Europe par l'ambition prussienne, notre pays ne pouvait pas faire un plus utile et plus prudent emploi de son argent qu'en le consacrant à développer l'organisation de ses forces et à en compléter le matériel. Le général Trochu, le maréchal Niel et M. Thiers ont parlé à des sourds.

Pendant que la monarchie prussienne, mécontente du lot qui lui était échu en 1815, irritée du contre-coup humiliant que la révolution de 1848 lui avait fait subir à Berlin, travaillait sourdement et avec persévérance à perfectionner ses institutions militaires, à enseigner à ses troupes l'art de combattre les Français, à élever son peuple dans une haine farouche pour la France, pendant que la Prusse préludait à l'exécution de ses desseins par l'écrasement du Danemark, puis par la ruine de l'Autriche, suivie de l'absorption violente des petits états du nord de l'Allemagne et de l'absorption moins brutale, mais tout aussi impérieuse, des états du sud,

pendant que la Prusse triplait en six ans le nombre de ses soldats et nous dénonçait effrontément à l'Europe comme des ambitieux insatiables, il y avait en France des gens, trop honnêtes pour admettre l'idée du mal, trop sincères pour n'être pas convaincus de la valeur de leurs idées et de l'efficacité de leurs théories, qui prêchaient incessamment à la tribune, dans les journaux et dans les réunions, le retour aux mœurs innocentes des temps primitifs, la fraternité universelle, l'abolition de la guerre, et comme point de départ celle de l'armée permanente.

La guerre est assurément une affreuse chose, et l'armée coûte cher. Les argumens irrésistibles ne leur manquaient certes point pour porter dans les esprits la conviction qui les animait. L'entretien de l'armée absorbait le plus clair du revenu de la France. L'armée enlevait au vieux père son appui, à la mère sa consolation, à la jeune fille son fiancé. L'armée était la vraie, l'unique cause de l'arrêt de développement remarqué dans la population de la France. L'armée, et non pas l'industrie, dépeuplait les campagnes et menaçait de compromettre l'essor de notre agriculture. L'armée était une école de fainéantise, d'ignorance, d'abrutissement et de mauvaises mœurs. L'armée était une perpétuelle menace à la liberté. Toutes ces belles choses, commentées, accentuées, envenimées dans les cafés et les cabarets, ont naturellement produit peu à peu l'effe qu'on pouvait attendre, et cet effet a certainement dépassé les espérances des philanthropes naïfs qui ont commencé l'agitation contre l'armée. Ils ne voulaient pas que la France devînt une caserne. Ils doivent aujourd'hui reconnaître qu'ils ont admirablement réussi.

Les idées du maréchal Niel sur le recrutement de l'armée et sur l'institution de la garde mobile ayant échoué contre les théories humanitaires et économiques des amis de la paix, par l'égoïsme de la masse des représentans du pays, uniquement préoccupés de leur popularité et de leur situation électorale, nous sommes entrés en campagne avec 240,000 combattans, chiffre net d'un effectif général de sept classes de 100,000 hommes, réduites par les exemptions légales et le service de la flotte à 530,000 hommes, par les nonvaleurs organiques, états-majors des places et des établissemens, gendarmes, cavaliers de remonte, vétérans, soldats d'administration, compagnies de discipline, à 450,000, par les garnisons d'Afrique et d'Italie, à moins de 400,000, enfin, par les dépôts nécessaires des régimens et par le déchet produit en sept ans sur l'ensemble des inscrits, au chiffre de 270,000, dont 30,000 au moins étaient encore en route au moment de nos premiers et irréparables revers à Reischofen et Forbach. Et ces 240,000 hommes étaient disséminés depuis Lyon jusqu'à Thionville! La garde impériale, les

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2o, 3o, 4° et 5 corps occupaient le long département de la Moselle de Longwy à Bitche. Le 1er corps était à Strasbourg, le 7o avait deux divisions dans le Haut-Rhin et la 3e à Lyon; le 6o corps tout entier était à 50 lieues en arrière, au camp de Châlons. Pour obtenir ces 240,000 hommes en quinze jours, temps que l'on se plaisait à croire nécessaire aux Prussiens pour être prêts eux-mêmes, il avait fallu appeler 96 régimens d'infanterie sur 115, 20 bataillons de chasseurs sur 21, 55 régimens de cavalerie sur 63, et toutes les batteries montées et à cheval de l'artillerie, moins 7 restées en Afrique et à Civita-Vecchia, 157 batteries sur 164. Ces 157 batteries, avec les 942 bouches à feu qu'elles servaient, formaient une imposante artillerie pour une armée de 240,000 hommes et même de 270,000. C'était sensiblement la proportion de quatre bouches à feu par 1,000 hommes, proportion égale à celle usitée en Prusse, et supérieure à la proportion admise parmi les petits états alliés.

L'armée du Rhin, forte de 240,000 hommes, avec 942 bouches à feu, 8 parcs, 7 équipages de ponts et 2 équipages de siége, était donc une armée bien constituée et bien pourvue. En tant qu'armée, elle n'avait qu'un défaut, c'était d'être trop petite pour défendre 100 lieues de frontières vulnérables contre l'avalanche de 700,000 Allemands qui tombait sur elle, et ce défaut d'être trop petite était sans remède. Il n'y avait plus de cadres organisés derrière elle, plus d'autre ressource que l'improvisation des troupes de marche.

En se ménageant par les moyens diplomatiques un mois ou six semaines de répit, on eût pu, par la rentrée de tous les hommes de la réserve, par les engagemens volontaires et par l'incorporation de la classe de 1870, porter à 400,000 le chiffre des combattans, mais ce chiffre eût été encore très inférieur à celui de l'armée allemande, et il eût fait ressortir d'une manière plus sensible l'insuffisance des cadres de l'artillerie.

Il eût fallu faire d'avance ces calculs, savoir dévorer un affront, dissimuler jusqu'au moment où la nation, éclairée sur le danger terrible dont elle était menacée, eût compris que son premier intérêt, son plus sérieux devoir vis-à-vis d'elle-même était, sauf à régler plus tard ses comptes et venger ses griefs, de répondre à l'armement intégral des Allemands par l'armement intégral des Français. Le gouvernement impérial ne pouvait pas compter dans un avenir prochain sur un pareil concours, et la Prusse avait habilement étudié le défaut de la cuirasse. Elle s'était dit en décochant la flèche Ou l'homme laissera passer la candidature du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne, et il sera déshonoré aux yeux d'un peuple chatouilleux, ou bien il relèvera le gant, et nous écraserons une nation qui nous gêne, qui, depuis trois quarts de siècle,

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