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de transport armée à si grands frais; les équipages furent débarqués et réun's aux marins disponibles dans les divisions. Avec ces élémens, que devait accroître plus tard l'arrivée des célibataires de vingt-cinq à trente-cinq ans, on avait pu former neuf bataillons d'e six compagnies chacun. Le bataillon-école des marins fusiliers de Lorient nous avait été envoyé en entier, et le vaisseau-école des canonniers, le Louis XIV, mis en première catégorie, avait fourni un onzième bataillon de plus de 1,000 hommes. Chaque bataillon était commandé par un capitaine de frégate, chaque compagnie par un lieutenant et un enseigne de vaisseau. Les compagnies étaient composées de 120 hommes, ce qui portait à 720 hommes environ l'effectif de chaque bataillon. En tenant compte du nombre d'hommes fourni par le Louis XIV, d'un ou deux contingens de charpentiers et de timoniers envoyés des ports, d'environ 200 engagemens volontaires contractés à Paris, l'effectif des marins appelés pour la défense a été en chiffre rond de 9,000. Comptons pour mémoire seulement 1,200 hommes d'artillerie de marine, lesquels, sauf quelques servans pour les mortiers des forts, furent mis à la disposition du ministre de la guerre, qui les employa pour la plupart aux batteries de campagne alors en cours d'organisation.

Il ne reste plus, pour achever cette énumération, qu'à y comprendre, comme élément auxiliaire, l'infanterie de marine. On a vu qu'au lendemain de nos premiers revers elle avait été incorporée dans l'armée active et dirigée sur le camp de Châlons, pour aller peu après tristement se dissoudre à Sedan, non sans avoir toutefois opposé à l'écrasement de la force de beaux élans de bravoure. De cette magnifique division, composée de deux brigades et de quatre régimens, il ne restait plus dans les ports que les dépôts: avec ces dépôts et tout ce que les nouvelles lois de recrutement y ajoutérent, l'on forma 4 bataillons de marche s'élevant à un total de 3,200 hommes, qui vinrent, vers la fin du mois d'août, rejoindre le bataillon des marins proprement dits et prendre part à leurs travaux. Tout compte fait et en additionnant ces diverses catégories, on a donc, entre fantassins de la marine et marins des équipages, un effectif de plus de 12,000 hommes qui ont pu être placés sous le même commandement.

Ce commandement a été confié dès le début du siége au vice amiral La Roncière Le Noury, qui y a joint plus tard comme affectation plus spéciale celui des forts de Saint-Denis et des ouvrages qui en dépendent. Des autres forts, trois dans l'est, Rosny, Noisy, Romainville, commandés chacun par un capitaine de frgate ou un capitaine de vaisseau, formèrent une division sous les ordres du contre-amiral Saisset; trois au sud, - - Ivry, Bicetre,

Montrouge, en composèrent une autre sous les ordres du contreamiral Pothuau. Deux batteries importantes, celle de Montmartre, depuis démembrée, et celle de Saint-Ouen, reçurent pour commandans deux capitaines de frégate, MM. Couderis et Lamothe-Tenet. Il est bon d'ajouter que les attributions de ces officiers supérieurs n'étaient pas exclusives ni inflexibles, et dépassaient très souvent l'enceinte du fort ou même le cercle de la division. C'est ainsi que les amiraux divisionnaires, parfois même des capitaines de vaisseau, ont eu la conduite d'opérations extérieures dont les marins ne composaient que l'un des élémens, et dans lesquelles les deux armes, devant agir en commun, relevaient d'une assimilation temporaire.

Au fond pourtant une règle domina, et on peut dire qu'elle a été le préservatif de la discipline, c'est qu'un fort devait être considéré comme un vaisseau et tenu comme tel. Rien de plus sage que l'arrêté du 13 août, qui a fait une réalité de ce qui ressemble à une analogie littéraire; les treize articles dont il se compose sont autant de garanties contre tout esprit et toute tentation de désordre. Ainsi les officiers doivent loger et tenir leur table dans les forts; aucune permission ne peut être accordée aux marins et aux officiers mariniers avant que le commandant en chef ait donné des ordres à ce sujet. Des officiers mariniers en petit nombre peuvent seuls en obtenir, s'ils démontrent que leurs parens habitent effectivement Paris, et dans tous les cas les permissionnaires doivent être rentrés dans les forts avant le coucher du soleil; même obligation pour ceux qui ont à faire des corvées au dehors des forts à raison des nécessités du service. Enfin, après le soleil couché, les portes rigoureusement fermées ne s'ouvrent plus que pour les officiers. Le fort, gouverné de la sorte, est bien un vaisseau; il impose à la garnison la même vie de séquestre, il est la meilleure école que l'on puisse avoir de bonnes habitudes et de bonnes mœurs, il assure en outre la prompte exécution des travaux.

Les difficultés de ces travaux étaient considérables; elles provenaient en grande partie de ce qu'à l'époque où nos ouvrages de défense avaient été construits, les ingénieurs ne pouvaient prévoir les grandes portées qu'atteindraient de nos jours l'artillerie de position et l'artillerie de campagne. Le temps manquait pour y remédier absolument tout au plus pouvait-on suppléer aux lacunes les plus manifestes par des redoutes auxiliaires ou des batteries volantes, comme on l'a fait avant et après l'investissement; mais dans les forts mêmes que d'œuvres supplémentaires, que de remaniemens indispensables, que de soins à donner au détail et à l'ensemble après un si long abandon! A les voir ainsi, on se pre

noit à douter de la possibilité de les défendre. Dans les esprits comme dans les choses rien ne paraissait prêt. Point de personnel spécial pour l'artillerie et partout un matériel insuffisant, point d'armement et à peine quelques dispositions pour la guerre. Les plates-formes pour les canons restaient à établir, les affùts à monter, les embrasures à ouvrir, les pièces à mettre en place, les projectiles à compléter et à approvisionner, les gargousses également étaient à faire. Dans les travaux du génie, même vide, même négligence, même défaut d'entretien; ces services étaient si mal dotés! Pas une traverse sur les bastions, pas un masque devant les portes, pas un pare-éclat dans les cours, pas une palissade, pas un gabion, pas un saucisson. On voyait là un témoignage de plus de cette présomptueuse confiance qui nous a livrés désarmés à des insultes et à des déprédations sans bornes. Dans Paris comme ailleurs, nous n'avions que les apparences de la force. Pour compléter l'instrument de la défense, il y avait à remuer d'énormes masses de terre, à débiter des quantités considérables de bois, sans compter les installations accessoires. Toute minute comptait, et les premiers ouvriers embauchés dissipaient de longues heures dans des stations au cabaret par une trahison inconsciente des besoins de la défense: c'est ainsi que les ouvrages de Montretout, de Châtillon et de Sèvres, inachevés, sont tombés entre les mains de l'ennemi. Qui ne se souvient de ces scènes et qui n'en a gémi? Que de gens et des meilleurs, des plus sincères, ont craint que ces services en souffrance ne pussent pas être suppléés à temps et ne nous laissassent à découvert au moment critique!

Le grand mérite de la marine est d'avoir, au milieu du vertige général, gardé un sang-froid exemplaire, d'être restée ferme dans son devoir quand tant de gens oubliaient le leur. On lui avait confié les forts de Paris, elle prit à cœur de les mettre en bon état de défense; ailleurs on menait mollement les travaux, elle conduisit avec la plus grande vigueur ceux dont elle était chargée. Cette tâche l'absorbait, et elle y avait pris goût; les émotions, les incidens du dehors, n'avaient pas la puissance de l'en détourner. Pourtant, au dedans des remparts, des tableaux étranges se succédaient, manifestations patriotiques sur la place de la Concorde, manifestations révolutionnaires devant l'Hôtel de Ville, défilés de corps nouveaux qui depuis sont devenus sous nos yeux une solide armée, et qui alors n'étaient que des ébauches : mobiles de Paris et des provinces, bataillons de marche sans cohésion suffisante et composés en partie d'échappés de Sedan, fractions de deux contingens et recrues des levée extraordinaires, enfin garde nationale formant ses détachemens de guerre pour aller combattre hors de l'enceinte. Que d'oc

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casions de s'associer aux impressions et aux passions de la foule! La marine s'en est constamment défendue; elle avait un meilleur exemple à donner, et elle n'y a pas manqué, celui de montrer et de maintenir dans Paris, au milieu de corps turbulens et disparates, un corps vraiment organisé et discipliné, plein de séve et d'entrain, ne sacrifiant la règle ni à un besoin d'agitation, ni à un instinct de curiosité. Du premier au dernier jour, elle a gardé ce rôle et contribué ainsi pour sa part à donner aux cœurs plus de trempe, à l'esprit public un ton plus ferme.

Cependant ses travaux réguliers suivaient leur cours. Le génie, comme maître de la maison, y avait naturellement sa place, et en temps ordinaire les conflits d'attributions s'en fussent mêlés. Cette fois le concert fut facile. Pour la marine, le fort était et restait un vaisseau; les hommes, une fois embarqués, s'appliquaient à le mettre en état et à l'approprier en tout au service, comme au début d'une campagne. Dans les premiers jours seulement, le génie, l'artillerie et les auxiliaires de ces corps, en nombre presque insignifiant, donnaient leurs instructions, et tout s'exécutait en conformité, rapidement et exactement. Le pli une fois pris, tout alla de soi; la règle était sauve, les qualités des parties étaient reconnues. L'exécution restait dès lors largement à la marine; elle eut ses coudées franches, elle en usa. Les hommes et les officiers furent répartis sur les bastions et les courtines comme dans les batteries d'un vaissean, les canonniers aux pièces, les fusiliers et les fantassins aux postes de mousqueterie. Chaque chef de batterie tint à hom eur d'avoir le bastion le mieux tenu, le plus vite prêt; chaque matelot y mit son amour-propre. Tous ces travaux furent à la lettre enlevės; parfois les marins trouvèrent des auxiliaires inattendus, notamment au fort de Bicêtre. Penlant six semaines, M. Milne Edwards, malgré son âge, mit la main aux terrassemens avec soixante travailleurs volontaires employés au Muséum et au Collége de Franc. Il faut avoir assisté à la transformation rapide et com→ plète des divers forts pour s'en faire une idée. A Ivry, un réseau de cheminemens drainés et sablés offrait une promenade à l'abri de toute atteinte. D'un bastion à l'autre, les dispositions variaient; ici on s'en tenait à l'utile, là on sacrifiait à l'agrément; dans quelques-uns, des massifs de fleurs figuraient près des canons, ailleurs c'étaient des corbeilles, des bancs, des observatoires. Et au milieu de ces soins, pas un exercice n'était négligé : partout la moitié des marins était à la manœuvre pendant que l'autre moitié était au travail. Dans l'histoire du siége, ce fait reste acquis à la marine, ses forts ont été les premiers prêts, les mieux armés et les plus proprement tenus. Commandans en chef, officiers d'état-major, renché

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LA MARINE AU SIÈGE DE PARIS.

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rissaient à l'envi sur tous ces arrangemens; comme des gens qui ont devant eux un long bail, c'était à qui assainirait et embellirait le mieux sa résidence.

Dès la chute du jour, on voyait nos matelots par bandes regagner leurs forts sans que le club ni le cabaret les en pussent détourner. Dans les forts mêmes, combien ils étaient ingénieux, que de ressources d'imagination, que d'esprit d'invention! Les postes des bastions sont surtout construits avec un art infini. On s'y arrête avec curiosité. Il y a pour les officiers et pour les marins des installations et des décorations variées. Au fond, ce ne sont guère que des terriers dont il a fallu soutenir les voûtes et les côtés par des rondins qui leur servent de garnitures et de supports. Ces ron lins, réguliers autant que possible et coupés par tranches, sont disposés avec un goût que le treillageur le plus habile ne désavouerait pas; ils contribuent en outre à défendre le terrain supérieur contre les projectiles et les éboulemens. L'ensemble forme de véritables casemates. L'officier de quart a un lit ou ce qu'on nomme en marine un cadre, et tout auprès une table chargée de quelques papiers relatifs au service. Dans le poste des marins, les cadres, au nombre de huit, sont superposés l'un à l'autre sur les deux côtés : les cadres supérieurs touchent le plafond, les cadres inférieurs reposent sur le sol. Dans tous les postes, il y a une lampe qui brûle en permanence. Tous également ont des ornemens appropriés, des tentures tirées on ne sait d'où, quelquefois des pavillons qui, dans cette pénombre et assortis du mieux possible, produisent un certain effet. Outre ces réduits, il règne à mi-hauteur, dans le pourtour des bastions, quelques promenoirs en maçonnerie pour les hommes de corvée. Çà et là, de petites poudrières s'ouvrent également à portée des batteries pour loger les gargousses qui doivent être le plus prochainement employées. Naturellement ces magasins de dépôt sont fortement maçonnés et construits de manière à être à l'abri de tout accident.

Un curieux local à voir, c'est l'observatoire, presque toujours divisé en deux parties. La première s'ouvre dans les combles du bâtiment principal, de celui qui domine les autres. Après avoir franchi un escalier de quelques marches, on soulève une trappe qui aboutit sur le toit, disposé en plate-forme. Des forts du sud, c'est un vaste panorama que l'on découvre au pied même des forts s'étendent en demi-cercle la ville et ses édifices, et dans l'autre demicercle qui se déploie, les lignes des collines qui enveloppent Paris. Il ne s'agit plus ici ni du paysage ni de ses beautés naturelles. Avec le spectacle a changé d'intérêt. Sur ses premiers plans, voici à Cachan et à Arcueil les ouvrages de campagne de la vallée

la

guerre,

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