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Quoique le titre d'arts de premiere néceffité foit reftreint par l'ufage aux arts méchaniques, parce que leur néceffité vient d'un befoin plus preffant & plus importun, rien n'empêcheroit cependant qu'on ne qualifia de néceffaires les arts moraux, d'où dépendent les progrès de la vie d'intelligence, tels que font la Logique & la Morale. On pourroit y joindre ceux qui font indispensables pour la perfection de ceux-là, & pour le développement des facultés de l'ame humaine, tels que ceux qui font relatifs aux fignes de la pensée, le langage, l'écriture, la grammaire, &c.

Sous le nom d'arts de feconde néceffité, on comprendroit ceux qui ont beaucoup influé fur la civilisation de l'efpece humaine, comme les Mathématiques, l'Aftronomie, la Chronologie, la Politique, la Rhétorique, & même les arts libéraux, qui, quoique phyfiques quant à leur objet, peuvent être confidérés comme arts moraux, entant qu'ils font du reffort du fentiment & du goût, qu'ils peuvent influer fur la perfection de l'ame, & en l'amufant, l'éclairer & l'émouvoir.

Telle a été la distribution de la connoiffance humaine en divers corps de sciences féparés, & dont les principes généraux ont

été présentés fuivant la marché appellée Synthefe, qui defcend toujours du général au particulier. Il eft aifé de comprendre, comme nous l'avons déja dit, combien cette diftribution & cette marche ont été utiles pour réduire les connoiffances de détail à des précis abrégés, pour lier ceux-ci entr'eux, & les préfenter en bon ordre, pour en faciliter la réminiscence au befoin, & l'application lorsqu'il s'agit de defcendre par le raisonnement des principes aux conféquences, & d'expliquer les chofes à mesure qu'elles fe préfentent, en les rapportant aux vérités ou loix générales dont elles relevent. Mais il eft de la derniere importance, pour l'intérêt de la vérité, de confidérer ces fciences fous leur véritable point de vue, & de les apprécier à leur jufte valeur ; c'est le but des réflexions que nous allons faire dans le chapitre fuivant.

CHAPITRE IV.

Réflexions fur les fciences exposées par la Synthefe, & leur infuffifance pour l'inftruction des jeunes gens qui font encore fans expérience.

PREMIERE RÉFLEXION.

On pourroit ignorer la distribution & la

N

marche fynthétique que les hommes ont fui-> vie dans l'expofition des diverses sciences, on pourroit n'avoir jamais lu d'ouvrage fyftématique, & pofféder cependant une science expérimentale, qui peut être acquife fans le fecours de l'étude proprement dite, quoiqu'elle foit toujours le fruit d'une expérience journaliere & habituelle. Ceux qui poffedent cette science se figurent fouvent, à la vérité, qu'elle leur eft naturelle, & en quelque forte innée: mais c'est-là une erreur, & cette erreur chez eux vient de ce qu'ils l'ont acquife infenfiblement & prefque fans s'en être apperçu, d'où vient qu'ils ne peuvent se rendre compte à eux-mêmes ni du temps, ni de la maniere dont ils font parvenus à l'acquérir. Cette fcience expérimentale eft le partage des

est

efprits juftes qui obéiffent aux loix de la Logique, fans y penfer & fans le favoir. Développée par une étude réglée & approfondie, c'eft elle qui conftitue le vrai favant, le vrai philosophe. Le vrai favant ou philofophe n'eft pas en effet celui qui eft borné à la feule connoiffance des fciences, telles que les hommes les ont diftribuées & expofées dans leurs écrits; c'eft celui qui poffede l'efprit philofophique, cet efprit qui faifit en tout le vrai & l'utile, qui apprécie tout, qui démêle les rapports les plus éloignés, & ramene chaque chofe à fes vrais principes.

SECONDE RÉFLEXION.

Ce qui a donné lieu à la distribution des connoiffances humaines en divers corps de fciences féparées, ce n'eft point, à proprement parler, la diftinction ou féparation réelle de ces connoiffances relativement à leurs objets, ou à leur entrée dans l'ame.

Nous diftinguons bien trois genres de connoiffances; connoiffance des faits acquife par l'observation & l'expérience; connoiffance des vérités générales extraites des faits par analogie & induction; connoiffance des raifons des faits déduite de la précédente par la voie du raisonnement. Mais dans le vrai,

ces connoiffances font inféparables, & ne fauroient être acquifes indépendamment les unes des autres. Lorfque nous obfervons des faits, nous ne pouvons nous difpenfer de les rapprocher, comparer, & de raisonner pour en établir les rapports; & lorsque nous voulons raisonner, il nous faut des principes, & nous fommes forcés de remonter aux faits dont ils font le réfultat.

Ces sciences mêmes, que nous féparons & diftinguons par différens noms, font tou tes tellement liées les unes aux autres, qu'en traitant l'une, nous ne pouvons éviter d'entrer dans les autres, d'en rappeller les principes, & qu'il eft même comme impoffible d'en approfondir aucune, & d'en tirer quelque parti, fans une certaine connoiffance des autres. Toutes les fciences pratiques tirent leurs principes des théorétiques; la morale tient à la phyfique, à la pfycologie; tout est soumis à la métaphyfique ou aux mathématiques. Toutes les fciences théorétiques doivent être rapportées à la morale, à la politique, aux arts, par-là même qu'elles doivent être dirigées au plus grand bien de l'homme.

Ce font donc uniquement les bornes de notre esprit qui ne nous permettent pas de tout embraffer dans un feul ensemble, &

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