d'émulation et taut de gloire ? C'est ce que j'examinerai dans la deuxième partie de cet. ouvrage. Ici se terminent mes réflexions sur le passé. Je vais maintenant examiner l'esprit actuel, et présenter quelques conjectures sur l'avenir. Des intérêts plus animés, des passions encore vivantes jugeront ce nouvel ordre de recherches; mais je sens néanmoins que je puis analyser le présent avec autant d'impartialité que si le temps avoit depuis long-temps dévoré les années que nous par courons. De toutes les abstractions que permet la méditation solitaire, la plus facile, ce me semble, c'est de généraliser ses observations sur ce qu'on voit, comme celles que l'on feroit sur l'histoire des siècles précédens. L'exercice de la pensée, plus que tout autre acte de la vie, détache des passions personnelles. L'enchaînement des idées et la progression croissante des vérités philosophiques fixent l'attention de l'esprit bien plus que les rapports passagers, incohérens, et partiels qui peuvent exister entre nos circonstances particulières et les événemens de notre temps. FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE, SECONDE PARTIE. DE L'ÉTAT ACTUEL DES LUMIÈRES EN FRANCE, ET DE LEURS PROGRÈS FUTURS. ΑΙ CHAPITRE PREMIER. Idée générale de la Seconde Partic. J'AI Suivi l'histoire de l'esprit humain depuis Homère jusqu'en 1789. Dans mon orgueil national, je regardois l'époque de la révolution de France comme une ère nouvelle pour le monde intellectuel. Peut-être n'est-ce qu'un événement terrible!-peut-être l'empire d'anciennes habitudes ne permet-il pas que cet événement puisse amener de long-temps ni une institution féconde, ni un résultat philosophique. Quoi qu'il en soit, cette Seconde Partie contenant quelques idées générales sur les progrès de l'esprit humain, il peut être utile de développer ces idées, dussent-elles ne trouver leur application que dans un autre pays ou dans un autre siècle. Je crois donc toujours intéressant d'examiner quel devroit être le caractère de la littérature d'un grand peuple, d'un peuple éclairé, chez lequel seroient établies la liberté, l'égalité politique, et les mœurs qui s'accordent avec ses institutions. Il n'est qu'une nation dans l'univers à laquelle puissent convenir dès-à-présent quelques-unes de ces réflexions: ce sont les Américains. Ils n'ont point encore de littérature formée: mais quand leurs magistrats sont appelés à s'adresser, de quelque manière, à l'opinion publique, ils possèdent éminemment le don de remuer toutes les affections de l'ame, par l'expression des vérités simples et des sentimens purs; et c'est déjà connoître les plus utiles secrets du style. Qu'il soit donc admis que les considérations qu'on va lire, quoiqu'elles aient été composées pour la France en particulier, sont néanmoins susceptibles, sous divers rapports, d'une application plus générale. Toutes les fois que je parle des modifica tions et des améliorations que l'on peut espérer dans la littérature française, je suppose toujours l'existence et la durée de la liberté et de l'égalité politique. En faut-il conclure que je crois à la possibilité de cette liberté et de cette égalité? Je n'entreprends point de résoudre un tel problême. Je me décide encore moins à renoncer à un tel espoir. Mon but est de chercher à connoître quelle seroit l'influence qu'auroient sur les lumières et sur la littérature les institutions qu'exigent ces principes, et les mœurs que ces institutions améneroient. Il est impossible de séparer ces observations, lorsqu'elles ont la France pour objet, des effets déjà produits par la révolution même; ces effets, l'on doit en convenir, sont au détriment des mœurs, des lettres, et de la philosophie. Dans le cours de cet ouvrage, j'ai montré comment le mélange des peuples du nord et de ceux du midi avoit causé pendant un temps la barbarie, quoiqu'il en fût résulté, par la suite, de trèsgrands progrès pour les lumières et la civilisation. L'introduction d'une nouvelle classe dans le gouvernement de France, devoit produire un effet semblable. Cette révolution peut, à la longue, éclairer une plus grande masse d'hom mes; mais, pendant plusieurs années, la vulgarité du langage, des manières, des opinions, doit faire rétrograder, à beaucoup d'egards, le goût et la raison Personne ne conteste que la littérature ne soit tombée en décadence depuis que la terreur a moissonné, dans la France, les hommes, les caractères, les sentimens et les idées. Mais sans analyser les résultats de ce temps horrible, qu'il faut considérer comme tout-à-fait en dehors du cercle que parcourent les événemens de la vie, comme un phénomène monstrueux que rien n'explique et rien ne produit, il est dans la nature même de la révolution d'arrêter, pendant quelques années, les progrès des lumières, et de leur donner ensuite une impulsion nouvelle. Il faut donc examiner d'abord les deux principaux obstacles qui se sont opposés au développement des esprits, la perte de l'urbanité des mœurs, et celle de l'émulation que pouvoient exciter les récompenses de l'opinion. Quand j'aurai présenté les diverses idées qui tiennent à ce sujet, je considérerai de quelle perfectibilité la littérature et la philosophie sont susceptibles, si nous nous corrigeons des erreurs révolutionnaires, sans abjurer avec elles les vé |