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pensée aux objets qui intéressent la gloire et le bonheur des sociétés.

Les erreurs de tout genre, en politique et en morale, ne peuvent à la longue subsister à côté de cette masse imposante de connoissances et de découvertes qui porte partout dans l'ordre physique la lumière de l'entendement; et les superstitions et les préjugés, et les abstractions fausses et les principes inapplicables, finiront par s'anéantir en présence de cette raison calme et positive qui ne se mêle point, il est vrai, des intérêts du monde moral, mais enseigne par son exemple comment il faut procéder à la recherche de la vérité.

En examinant l'état actuel des lumières,, l'on reconnoît aisément que nos véritables richesses ce sont les sciences. J'ai montré comment, en littérature, le goût a dû s'altérer; et dans la philosophie politique les événemens ayant devancé les idées, les idées rétrogradent par-delà leur point de départ. C'est un effet naturel des institutions précipitées, qui ne sont pas le résultat de l'instruction, et par conséquent du desir général.

Si l'imagination, justement frappée des crimes dont nous avons été témoins, les attribue à quel

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ques causes abstraites, on devient passionné contre des principes, comme on pourroit l'être contre des individus, et cette vaste prévention, dont un principe peut être l'objet, s'étend à toutes les pensées qui peuvent en dépendre par les rapports les plus éloignés. Si l'on jugeoit à ces signes de l'état des lumières, on croiroit l'esprit humain reculé de plus d'un siècle en ix années; mais il faut observer seulement la nature des argumens dont on se sert en faveur des préjugés, quels qu'ils soient.

C'est toujours par des idées générales, par des motifs tirés du bouheur des nations, par des raisonnemens fondés sur l'indépendance de l'esprit, que l'on juge tous les genres de servitude vers lesquels divers mouvemens peuvent rappeler. Quand l'esprit a pris une fois cette marche, soit que momentanément il avance ou rétrogade, ses progrès futurs sont assurés; il admet l'analyse; il ne sauroit long-temps défendre l'erreur. Dans la période où nous nous trouvons, nous n'avons pas encore conquis la connoissance des vérités politiques et morales; mais presque tous les partis, même les plus opposés, reconnoissent le raisonnement pour base de leurs discussions, et l'utilité publique

comme le seul droit et le seul but des institutions sociales.

Il est donc impossible que l'esprit humain ne recommence pas à parcourir sa carrière philosophique, lorsque tous les sentimens, tous les souvenirs qui doivent dominer maintenant les ames honnêtes ne jetteront plus de confusion dans les idées. Considérons donc quelle sera cette car+ rière, seul avenir qui soutienne encore la pensée prête à s'abîmer dans la douloureuse contempla tion du passé.

Il y avoit dans la philosophie des anciens, plus d'imagination et moins de méthode que dans la philosophie des modernes. Celle des anciens s'emparoit plus vivement de l'ame; mais elle pouvoit l'égarer beaucoup plus facilement par l'esprit de systême, et elle étoit bien moins susceptible de progrès certains et positifs.

L'analyse métaphysique n'avoit point encore établi un enchaînement de principes depuis l'origine des idées jusqu'à leur terme inconnu. Locke et Condillac ont beaucoup moins d'imagination que Platon; mais ils sont entrés dans la route de la démonstration géométrique ; et cette méthode présente seule des progrès réguliers et sans bornes.

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En parlant du style, j'examinerai s'il n'est pas possible, s'il n'est pas même nécessaire à la marche ultérieure de la raison de faire concorder ensemble ce qui frappe l'imagination et ce qui persuade l'entendement. Il s'agit seulement ici de considérer l'application possible et les résultats vraisemblables de la philosophie, comme science.

Descartes a trouvé une manière de faire servir l'algèbre à la solution des problêmes de la géométrie. Si l'on pouvoit découvrir un jour dans le calcul des probabilités, une méthode qui pût convenir aux objets purement moraux, ce seroit faire un pas immense dans la carrière de la raison. Ce pas a depuis un siècle été fait, à quelques égards, dans la métaphysique de l'entendement humain. L'on a employé les formes de la démonstration pour expliquer la théorie des facultés intellectuelles; c'est une conquête pour l'esprit philosophique. Si l'on suivoit la nême route dans les sciences morales, cette conquête auroit encore des effets bien plus utiles. Si les questions de politique, par exemple, pouvoient jamais arriver à un degré d'évidence tel, que la grande majorité des hommes y donnât son assentiment comme aux vérités de calcul,

combien le bonheur et le

n'y gagneroient-ils pas ?

repos du genre humain

Sans doute il sera difficile de soumettre au calcul, même à celui des probabilités, ce qui tient aux combinaisons morales. Dans les sciences exactes, toutes les bases sont invariables; dans les idées morales, tout dépend des circonstances: l'on ne peut se décider que par une multitude de considérations, parmi lesquelles il en est de si fugitives, qu'elles échappent souvent même à la parole, à plus forte raison au calcul. Néanmoins M. de Condorcet, dans son ouvrage sur les probabilités, a très-bien fait sentir comment il seroit possible de connoître à l'avance, avec une presque certitude, quelle seroit l'opinion d'une assemblée sur tel sujet. Le calcul des probabilités, quand il s'applique à un très-grand nombre de chances, présente un résultat moralement infallible; il sert de guide à tous les joueurs, quoique son objet, dans ce cas, paroisse livré à tous les caprices du hasard. Il pourroit de même avoir son application relativement à la multitude de faits dont se composent les sciences politiques.

La table des morts et des naissances présente des résultats certains et invariables, aussi long

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