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philosophiques fondent leur force sur leurs pareils.

Après avoir examiné les divers principes de l'émulation parmi les hommes, je crois utile de considérer quelle influence les femmes peuvent avoir sur les lumières. Ce sera l'objet du chapitre suivant.

"

CHAPITRE IV.

Des Femmes qui cultivent les Lettres.

Le malheur est comme la montagne noire de Bember, "aux extrémités du royaume brûlant de Lahor. Tant

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que vous la montez, vous ne voyez devant vous que "de stériles rochers; mais quand vous êtes au sommet, "le ciel est sur votre tête, et à vos pieds le royaume de Cachemire."

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La Chaumière Indienne, par BERNARDIN DE
SAINT-PIERRE.

L'EXISTENCE des femmes en société est encore incertaine sous beaucoup de rapports. Le desir de plaire excite leur esprit; la raison leur conseille l'obscurité; et tout est arbitraire dans leurs succès comme dans leurs revers.

Il arrivera, je le crois, une époque quelconque, dans laquelle des législateurs philosophes donneront une attention sérieuse à l'éducation que les femmes doivent recevoir, aux loix civiles qui les protègent, aux devoirs qu'il faut leur imposer, au bonheur qui peut leur être garanti;

mais, dans l'état actuel, elles ne sont, pour la plupart, ni dans l'ordre de la nature, ni dans l'ordre de la société. Ce qui réussit aux unes perd les autres; les qualités leur nuisent quelquefois, quelquefois les défauts leur servent ; tantôt elles sont tout, tantôt elles ne sont rien. Leur destinée ressemble, à quelques égards, à celle des affranchis chez les empereurs; si elles ont du pouvoir, on leur rappelle qu'elles sont nées esclaves; si elles restent esclaves, on opprime leur destinée.

Certainement il vaut beaucoup mieux, en général, que les femmes se consacrent uniquement aux vertus domestiques; mais ce qu'il y a de bizarre dans les jugemens des hommes à leur égard, c'est qu'ils leur pardonnent plutôt de manquer à leurs devoirs que d'attirer l'attention par des talens distingués. Ils tolèrent en elles la dégradation du cœur en faveur de la médiocrité de l'esprit; tandis que l'honnêteté la plus parfaite pourroit à peine obtenir grace pour une supériorité véritable.

Je développerai les diverses causes de cette singularité. Je commence d'abord par examiner quel est le sort des femmes qui cultivent les lettres dans les monarchies, et quel est aussi

leur sort dans les républiques. Je m'attache à caractériser les principales différences que ces deux situations politiques doivent produire dans la destinée des femmes qui aspirent à la célébrité littéraire, et je considère ensuite d'une manière générale quel bonheur la gloire peut promettre aux femmes qui veulent y prétendre.

Dans les monarchies, elles ont à craindre le ridicule, et dans les républiques la haine.

Il est dans la nature des choses que, dans une monarchie où le tact des convenances est si finement saisi, toute action extraordinaire, tout mouvement pour sortir de sa place, paroisse d'abord ridicule. Ce que vous êtes forcé de faire par votre état, par votre position, trouve mille approbateurs; ce que vous nvent ez sans nécessité, sans obligation, est d'avance jugé sévèrement. La jalousie naturelle à tous les hommes ne s'appaise que si vous pouvez vous excuser, pour ainsi dire, d'un succès par un devoir; mais si vous ne couvrez pas du prétexte de votre situation et de votre intérêt la gloire même, si l'on vous croit pour unique motif le besoin de vous distinguer, vous importunerez ceux que l'ambition amène sur la même route que vous.

En effet, les hommes peuvent toujours cacher leur amour-propre et le desir qu'ils ont d'être applaudis sous l'apparence ou la réalité de passions plus fortes et plus nobles; mais quand les femmes écrivent, comme on leur suppose en général pour premier motif le desir de montrer de l'esprit, le public leur accorde difficilement son suffrage. Il sent qu'elles ne peuvent s'en passer, et cette idée fait naître en lui la tentation de le refuser. Dans toutes les situations de la vie, l'on peut remarquer que dès qu'un homme s'apperçoit que vous avez éminemment besoin de lui, presque toujours il se refroidit pour vous. Quand une femme publie un livre, eile se met tellement dans la dépendance do l'opinion, que les dispensateurs de cette opinion lui font sentir durement leur empire.

A ces causes générales, qui agissent presque également dans tous les pays, se joignoient diverses circonstances particulières à la monarchie française. L'esprit de chevalerie qui subsistoit encore s'opposoit, sous quelques rapports, à ce que les hommes mêmes cultivassent trop assiduement les lettres. Ce même esprit devoit inspirer plus d'éloignement encore pour les femmes qui s'occupoient trop exclusivement

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