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que Madame de Staël sollicita une audience ticulière, dans laquelle elle parla au Premier Consul des beaux moyens que sa place lui offroit de faire le bonheur de la France, et développa avec éloquence des vues particulières qu'elle croyoit propres à ce but. Buonaparté eut l'airde l'écouter avec attention: mais quand elle eut fini de parler, il lui demanda sèchement : Qui est ce qui élève vos enfans, Madame?" C'est principalement en Suisse que Madame de Staël écrivit son roman de Delphine, dont la première édition fut imprimée à Genève en 1802. Le but moral de ce roman a été également méconnu en France, en Angleterre, et en Allemagne; et néanmoins il a été lu par-tout avec une égale avidité. Il en est à la quatrième ou cinquième édition en France, et il a été traduit en Anglois et en Allemand, tandis que l'Anti-Delphine d'une jeune dame augloise de beaucoup d'esprit, qui a fait verser de douces larmes à des femmes sensibles, n'a trouvé que peu de lecteurs en Angleterre, où l'ouvrage de Madame de Staël a été hautement condamné.

Ces critiques sévères lancées de tous les pointsde l'Europe coutre un livre écrit avec une chaleur de style séduisante, ont arraché à son au

teur une défense ingénieuse.

"Dans la plupart

"des romans qui ont un but moral," dit Ma"dame de Staël, " on peint d'un côté des per

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sonnages parfaits, et de l'autre des person

nages complètement odieux; il me semble "que de tels écrits ne font aucune impression "sur la seule classe susceptible de s'améliorer, "celle qui est tout à la fois foible et bonne.

Ce qui est vraiment utile, c'est d'inspirer de "la terreur pour les fautes commises par des " êtres naturellement honnêtes, délicats, et "sensibles; c'est à eux seulement que les con"seils peuvent profiter, c'est eux qu'un funeste exemple peut épouvanter. Les êtres vicieux "ont une nature si étrangère à la nôtre, que

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les écrits, quels qu'ils soient, ne pénètrent

'jamais jusqu'à leur conviction; le langage, "les sentimens, les espérances, les craintes, "tout est différent, et rien ne peut faire effet "sur eux que les évènemens de leur propre vie. "Je n'ai pas besoin, je pense, de dire qu'un au"teurdramatique n'approuve pas les personnages "qu'il représente, et qu'il n'en est pas moins un "moraliste sévère, soit qu'il peigne l'enchaîne"ment des fautes et leurs conséquences funestes, "soit qu'il montre la suite des bonnes actions

"et leur récompense. On a presque honte, aux yeux de l'Europe littéraire, de répéter "des idées qui sont reconnues par-tout jusqu'au "point d'être entièrement superflues."

M. Necker, dans une conversation avec sa fille sur ce roman de Delphine tant critiqué, soutint un jour que les seules affections domestiques pouvoient amener, aussi naturellement qu'un autre amour, les situations les plus tragiques; et pour le prouver, il composa une nouvelle intitulée Les Suites Funestes d'une seule Faute, que Madame de Staël a insérée dans les Manuscrits de son père, publiés à Genève en 1804.

Cependant Madame de Staël ne pouvoit s'accoutumer à vivre dans un pays qui n'étoit pas le sien, et où les sciences sont infiniment plus cultivées que la littérature. Son père s'apperçut de ses combats entre ses goûts pour les sociétés brillantes de Paris, et la peine qu'elle avoit de le quitter. Quoiqu'en père éclairé, il eût dû désapprouver dans une veuve, mère de trois enfans, ce penchant funeste à ne trouver de bonheur que dans les réunions nombreuses du grand monde, où l'on applaudit aux saillies du faux bel-esprit comme aux éclairs du génie, pour

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être applaudi à son tour, M. Necker, qui n'étoit pas encore guéri de la même maladie, encouragea son penchant pour la France. Il aimoit les souvenirs qu'il y avoit laissés, et cherchoit de toute sa puissance à conserver cette patrie à sa famille. Tourmentée peut-être d'un desir secret de briller à la cour du Premier Consul, ou du moins de recueillir dans la capitale de la République Françoise l'encens flatteur des louanges dues à ses derniers succès littéraires, Madame de Staël céda facilement aux instances de son père, et reprit la route de Paris en 1803. Mais son séjour n'y fut pas de longue durée. Soit que l'on y craignît l'active surveillance de la supériorité de son génie, ou qu'elle eût hazardé des observations trop piquantes sur les événemens du jour, ou soit que le Premier Consul ait eu assez peu de générosité pour se venger sur la fille de l'ouvrage publié par le père contre le Gouvernement Consulaire, Buonaparte lui signifia bientot l'arrêt de son exil à quarante lieues de Paris, et on a rapporté que Madame de Staël eut la noble fermeté de lui dire: " Vous 65 me donnez une cruelle illustration; je tiendrai "une ligne dans votre histoire."

Madame de Staël se retira d'abord à Auxerre: mais n'y trouvant point la société qui lui convenoit, elle crut pouvoir s'établir à Rouen, et comme cette ville n'est qu'à trente-deux lieues de Paris, Madame de Staël imagina qu'elle pouvoit même s'approcher davantage de la capitale. Elle vint fixer sa demeure dans la vallée de Montmorency: mais le gouvernement lui ordonna de se retirer à la distance fixée dans son arrêt. Alors, accompagnée de sa fille aînée et de l'extribun Benjamin Constant, son fidèle protecteur, Madame de Staël se rendit à Francfort, et de là au milieu des horreurs de l'hiver dans les états du Roi de Prusse, où elle forma des plans d'ouvrages destinés à faire connoître l'Allemagne littéraire à la France. Au printems de l'année 1804, elle se trouvoit heureuse à Berlin, dont la société lui plaisoit beaucoup, lorsque le matin du 18 Avril un ami lui porta des lettres qui lui annonçoient la maladie de son père. Elle partit à l'instant même: mais jusqu'à Weimar l'idée qu'on l'avoit trompée, l'idée que son père n'existoit plus, n'approcha pas de son esprit. M. Necker cependant étoit mort à Genève le 9 Avril 1804, après une maladie courte mais

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