cessif des principales époques célèbres dans l'histoire des lettres. La première partie de cet ouvrage contiendra une analyse morale et philosophique de la littérature grecque et latine; quelques réflexions sur les conséquences qui sont résultées, pour l'esprit humain, des invasions des peuples du nord, de l'établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres; un apperçu rapide des traits distinctifs de la littérature moderne, et des observations plus détaillées sur les chefs-d'œuvre de la langue italienne, anglaise, allemande et française, considérés selon le but général de cet ouvrage, c'est-à-dire, d'après les rapports qui existent entre l'état politique d'un pays et l'esprit dominant de la littérature. J'essayerai de montrer quel est le caractère que telle ou telle forme de gouvernement donne à l'éloquence, les idées de morale que telle ou telle croyance religieuse développe dans l'esprit humain, les effets d'imagination qui sont produits par la crédulité des peuples, les beautés poétiques qui appartiennent au climat, le degré de civilisation le plus favorable à la force ou à la perfection de la littérature, les differéns changemens qui se sont introduits dans les écrits comme dans les mœurs, par le mode d'existence des femmes avant et depuis l'établissement de la religion chrétienne, enfin le progrès universel des lumières par le simple effet de la succession des temps; tel est le sujet de la première partie. Dans la seconde, j'examinerai l'état des lumières et de la littérature en France, depuis la révolution; et je me permettrai des conjectures sur ce qu'elles devroient être, et sur ce qu'elles seront, si nous possédons un jour la morale et la liberté républicaine. Pour arriver à l'inconnu, je me sers de l'analogie du passé ; et rappelant ce que j'aurai observé dans la première partie sur l'influence qu'ont exercée telle religion, tel gouvernement ou telles mœurs, j'en tirerai quelques conséquences pour l'avenir que je suppose. Cette seconde partie montrera à-la-fois, et notre dégradation actuelle et notre amélioration possible. Ce sujet ramène nécessairement quelquefois à la situation politique de la France depuis dix ans ; mais je ne la considère que dans ses rapports avec la littérature et la philosophie, sans me livrer à aucun développement étranger à mon but. En parcourant les révolutions du monde et la succession des siècles, il est une idée première dont je ne détourne jamais mon attention; c'est la perfectibilité de l'espèce humaine. Je ne pense pas que ce grand œuvre de la nature morale ait jamais été abandonné; dans les périodes lumineuses, comme dans les siècles de ténèbres, la marche graduelle de l'esprit humain n'a point été interrompue. Ce systême est devenu odieux à quelques personnes, par les conséquences atroces qu'on en a tirées à quelques époques désastreuses de la révolution; mais rien cependant n'a moins de rapport avec de telles conséquences que ce noble systême. Comme la nature fait quelquefois servir des maux partiels au bien général, de stupides barbares se croyoient des législateurs suprêmes, en versant sur l'espèce humaine des infortunes sans nombre dont ils se promettoient de diriger les effets, et qui n'ont amené que le malheur et la destruction. La philosophie peut quelquefois considérer les malheurs passés comme des leçons utiles, comme des moyens réparateurs dans la main du temps; mais cette idée n'autorise point à s'écarter soi-même en aucune circonstance des loix positives de la justice. L'esprit humain ne pouvant jamais connoître l'avenir avec certitude, la vertu doit être sa divination. Les suites quelconques des actions <des hommes ne sauroient ni les rendre innocentes, ni les rendre coupables; l'homme a pour guide des devoirs fixes, et non des combinaisons arbitraires; et l'expérience même a prouvé qu'on n'atteint point au but moral qu'on se propose, lorsqu'on se permet des moyens coupables pour y parvenir. Mais parce que parce que des hommes cruels ont prostitué dans leur langage des expressions généreuses, s'ensuivroit-il qu'il n'est plus permis de se rallier à de sublimes pensées? Le scélérat pourroit ainsi ravir à l'homme de bien tous les objets de son culte; car c'est toujours au nom d'une vertu que se commettent les attentats politiques. raison des Non, rien ne peut détacher la idées fécondes en résultats heureux. Dans quel découragement l'esprit ne tomberoit-il pas, s'il cessoit d'espérer que chaque jour ajoute à la masse des lumières, que chaque jour des vérités philosophiques acquièrent un développement nouveau; pérsecutions, calomnies, douleurs, voilà le partage des penseurs courageux et des moralistes éclairés. Les ambitieux et les avides. tantôt cherchent à tourner en dérision la duperie de la conscience, tantôt s'efforcent de supposer d'indignes motifs à des actious généreuses: ils ne peuvent supporter que la morale subsiste encore; ils la poursuivent dans le cœur où elle se réfugie. L'envie des méchans s'attache à ce rayon lumineux qui brille encore sur la tête de l'homme moral. Cet éclat que leurs calomnies obscurcissent souvent aux yeux du monde, ne cesse jamais d'offusquer leurs propres regards. Que deviendroit l'être estimable que tant d'ennemis persécutent, si l'on vouloit encore lui ôter l'espérance la plus religieuse qui soit sur la terre, les progrès futurs de l'espèce humaine? J'adopte de toutes mes facultés cette croyance philosophique: un de ses principaux avantages, c'est d'inspirer un grand sentiment d'élévation; et je le demande à tous les esprits d'un certain ordre, y a-t-il au monde une plus pure jouissance que l'élévation de l'ame? C'est par elle qu'il existe encore des momens où tous ces hommes si bas, tous ces calculs si vils disparoissent à nos regards. L'avenir des idées, l'avenir de la vertu, l'avenir de la gloire, inspirent une force nouvelle ; des impressions vagues, des sentimens qu'on ne peut entièrement se définir, soulèvent le poids de la vie, et tout notre être moral s'enivre du bonheur et de l'orgueil de la wertu. Si tous les efforts devoient être inutiles, |