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vrai, c'est que l'égalité politique, principe inhérent à toute constitution philosophique, ne peut subsister, que si vous classez les différences d'éducation, avec encore plus de soin que la féodalité n'en mettoit dans ses distinctions arbitraires. La pureté du langage, la noblesse des expressions, images de la fierté de l'ame, sont nécessaires sur-tout dans un état fondé sur les bases démocratiques. Ailleurs de certaines barrières factices empêchent la confusion totale des diverses éducations; mais lorsque le pouvoir ne repose que sur la supposition du mérite personnel, quel intérêt ne doit-on pas mettre à conserver à ce mérite tous ses caractères extérieurs!

Dans un état démocratique, il faut craindre sans cesse que le desir de la popularité n'entraîne à l'imitation des mœurs vulgaires ; bientôt on se persuaderoit qu'il est inutile, et presque nuisible, d'avoir une supériorité trop marquée sur la multitude qu'on veut captiver. Le peuple s'accoutumeroit à choisir des magistrats ignorans et grossiers; ces magistrats étoufferoient les lumières; et, par un cercle inévitable, la perte des lumières ramèneroit l'asservissement du peuple.

Il est impossible que, dans un état libre, l'autorité publique se passe du consentement véritable des citoyens qu'elle gouverne. Le raisonnement et l'éloquence sont les liens naturels d'une association républicaine. Que pouvez-vous sur la volonté libre des hommes, si vous n'avez pas cette force, cette vérité de langage qui pénètre les ames, et leur inspire ce qu'elle exprime? Si les hommes appelés à diriger l'état n'ont point le secret de persuader les esprits, la nation ne s'éclaire point, et les individus conservent, sur toutes les affaires publiques, l'opinion que le hasard a fait naitre dans leur tête. Un des principaux motifs pour regretter l'éloquence, c'est qu'une telle perte isoleroit les hommes entr'eux, en les livrant uniquement à leurs impressions personnelles. Il faut opprimer lorsqu'on ne sait pas convaincre; dans toutes les relations politiques des gouvernans et des gouvernés, une qualité de moins exige une usurpation de plus.

Des institutions nouvelles doivent former un esprit nouveau dans les pays qu'on veut rendre libres. Mais comment pouvez-vous rien fonder dans l'opinion, sans le secours des écrivains distingués? Il faut faire naître le desir, au lieu

de commander l'obéissance; et lors même qu'avec raison le gouvernement souhaite que telles institutions soient établies, il doit ménager assez 1 opinion publique, pour avoir l'air d'accorder ce qu'il desire. Il n'y a que des écrits bien faits qui puissent à la longue diriger et modifier de certaines habitudes nationales. L'homme a, dans le secret de sa pensée, un asyle de liberté impénétrable à l'action de la force; les conquérans ont souvent pris les mœurs des vaincus la conviction a seule changé les anciennes coutumes. C'est par les progrès de la littérature qu'on peut combattre efficacement les vieux préjugés. Les gouvernemens, dans les pays devenus libres, ont besoin, pour détruire les antiques erreurs, du ridicule qui en éloigné les jeunes gens, de la conviction qui en détache l'âge mûr; ils ont besoin, pour fonder de nouveaux établissemens, d'exciter la curiosité, l'espérance, l'enthousiasme, les sentimens créateurs enfin, qui ont donné naissance à tout ce qui existe, à tout ce qui dure; et c'est dans l'art de parler et d'écrire que se trouvent les seuls moyens d'inspirer ces sentimens.

L'activité nécessaire à toutes les nations

libres, s'exerce par l'esprit de faction, si l'accroissement des lumières n'est pas l'objet de l'interêt universel, si cette occupation ne présente pas une carrière ouverte à tous, qui puisse exciter l'ambition générale. Il faut d'ailleurs une étude constante de l'histoire et de la philosophie, pour approfondir et pour répandre la connoissance des droits et des devoirs des peuples, et de leurs magistrats. La raison ne sert, dans les empires despotiques, qu'à la résignation individuelle; mais, dans les états libres, elle protège le repos et la liberté de tous.

Parmi les divers développemens de l'esprit humain, c'est la littérature philosophique, c'est l'éloquence et le raisonnement que je considère comme la véritable garantie de la liberté. Les sciences et les arts sont une partie trèsimportante des travaux intellectuels; mais leurs découvertes, mais leurs succès 'exercent point une influence immédiate sur cette opinion publique qui décide de la destinée des nations. Les géomètres, les physiciens, les peintres et les poètes recevroient des encouragemens sous le règue de rois tout-puissans, tandis que la philoSo hie politique et religieuse paroîtroit à de tels maitres la plus redoutable des insurrections.

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Ceux qui se livrent à l'étude des sciences positives, ne rencontrant point dans leur route. les passions des hommes, s'accoutument à ne compter que ce qui est susceptible d'une démonstration mathématique. Les savans classent presque toujours parmi les illusions, ce qui ne peut être soumis à la logique du calcul. Ils évaluent d'abord la force du gouvernement, quel qu'il soit ; et comme ils ne forment d'autre desir que de se livrer en paix à l'activité de leurs travaux, ils sont portés à l'obéissance envers l'autorité qui domine. La méditation profonde qu'exigent les combinaisons des sciences exactes, détourne les savans de s'intéresser aux événemens de la vie; et rien ne convient mieux aux monarques absolus, que des hommes si profondément occupés des loix physiques du monde, qu'ils en abandonnent l'ordre moral à qui voudra s'en saisir. Sans doute les découvertes des sciences doivent à la longue donner une nouvelle force à cette haute philosophie qui juge les peuples et les rois; mais cet avenir éloigné n'effraie point les tyrans; l'on en a vu plusieurs protéger les sciences et les arts; tous ont redouté les en

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