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que autant que de l'esprit; elle tient à la nature du climat et aux mœurs nationales: elle seroit tout-à-fait inimitable là où les mêmes causes ne la développeroient pas. Quelques écrits de Fielding et de Swift, Peregrine Pickle, Roderick Random, mais sur-tout les ouvrages de Sterne, donnent l'idée complète du genre appelé hu

mour.

Il y a de la morosité, je dirois presque de la tristesse, dans cette gaîté; celui qui vous fait rire n'éprouve pas le plaisir qu'il cause. L'on voit qu'il écrit dans une disposition sombre, et qu'il seroit presque irrité contre vous de ce qu'il Vous amuse. Comme les formes brusques donnent quelquefois plus de piquant à la louange, la gaîté de la plaisanterie ressort par la gravité de son auteur (*). Les Anglais ont très-rare

(*) Je suis entrée à Londres, une fois, dans un cabinet de physique amusante, et j'ai vu les tours les plus grotesques, à la bague, au sautoir, à l'escarpolette, exécutés par des hommes fort âgés, du maintien le plus roide et du sérieux le plus imperturbable. Ils se livroient à ces exercices pour leur santé, et n'avoient pas l'air de se douter que rien au monde n'étoit plus risible que le contraste de leur extérieur pédantesque et de leurs jeux enfantins.

ment admis sur la scène le genre d'esprit qu'ils nomment humour; son effet ne seroit point théâtral.

Il y a de la misanthropie dans la plaisanterie même des Anglais, et de la sociabilité dans celle des Français; l'une doit se lire quand on est seul, l'autre frappe d'autant plus qu'il y a plus d'auditeurs. Ce que les Anglais ont de gaîté, conduit presque toujours à un résultat philosophique ou moral; la gaîté des Français n'a souvent pour but que le plaisir même.

Ce que les Anglais peignent avec un grand talent, ce sont les caractères bizarres, parce qu'il en existe beaucoup parmi eux. La société efface les singularités, la vie de la campagne les conserve toutes.

L'imitation sied particulièrement mal aux Anglais; leurs essais dans le genre de grace et de gaîté qui caractérise la littérature française, manquent pour la plupart de finesse et d'agrément. Ils développent toutes les idées, ils exagèrent toutes les nuances, ils ne se croient cntendus que lorsqu'ils crient, et compris qu'en disant tout. Une remarque singulière, c'est que les peuples oisifs sont beaucoup plus difficiles sur l'emploi du temps qu'ils donnent à leurs

plaisirs, que les hommes occupés. Les hommes livrés aux affaires sont habitués aux longs développemens; les hommes livrés au plaisir se fatiguent bien plus promptement, et le goût très-exercé éprouve la satiété très-vîte.

Il y a rarement de la finesse dans les esprits qui s'appliquent toujours à des résultats positifs. Ce qui est vraiment utile est très-facile à comprendre, et l'on n'a pas besoin d'un regard perçant pour l'appercevoir. Un pays qui tend à l'égalité, est aussi moins sensible aux fautes de convenance. La nation étant plus une, l'écrivain prend l'habitude de s'adresser dans ses ouvrages au jugement et aux sentimens de toutes les classes; enfin les pays libres sont et doivent être sérieux.

Quand le gouvernement est fondé sur la force, il peut ne pas craindre le penchant de la nation vers la plaisanterie: mais lorsque l'autorité dépend de la confiance générale, lorsque l'esprit public en est le principal ressort, le talent et la gaîté qui font découvrir le ridicule et se plaire dans la moquerie, sont excessivement dangereux pour la liberté et l'égalité politique. Nous avons parlé des malheurs qui sont résultés pour les Athéniens de leur goût immodéré pour la

plaisanterie et la France nous fourniroit un grand exemple à l'appui de celui-là, si la puissance des événemens de la révolution avoit laissé les caractères à leur développement naturel.

CHAPITRE XV.

De l'Imagination des Anglais dans leurs
Poésies et leurs Romans.

L'INVENTION des faits, et la faculté de sentir et de peindre la nature sont deux genres d'imagination absolument distincts; l'une appartient plus particulièrement à la littérature du Midi, l'autre à celle du Nord. J'en ai développé les diverses causes. Ce qu'il me reste à examiner maintenant, c'est le caractère particulier à l'imagination poétique des Anglais.

Ils n'ont point été inventeurs de nouveaux sujets de poésie, comme le Tasse et l'Arioste. Les romans des Anglais ne sont point fondés sur des faits merveilleux, sur des événemens extraordinaires, tels que les co tes arabes ou persans ce qu'il leur reste de la religion du nord, ce sont quelques images, et non une mythologie brillante et variée, comme celle des Grecs mais leurs poètes sont inépuisables dans les idées et les sentimens que fait naître le spectacle de la nature. L'invention des faits sur

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