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Les crimes inouis dont l'empire romain a été le théâtre, sont l'une des principales causes de sa décadence. La désorganisation de l'opinion publique pouvoit seule permettre de tels excès. Si l'on en excepte les années de la terreur en France, l'atrocité n'est pas dans la nature des mœurs européennes de ce siècle. L'esclavage qui mettoit une classe d'hommes hors des devoirs de la morale, le petit nombre des moyens qui pouvoient servir à l'instruction générale, la diversité des sectes philosophiques qui jetoit dans les esprits de l'incertitude sur le juste et T'injuste, l'indifférence pour la mort, indifférence qui commence par le courage, et finit par tarir 'les sources naturelles de la sympathie; tels étoient les divers principes de la cruauté sauvage qui a existé parmi les Romains.

Une corruption dégoûtante, et qui fait autant frémir la nature que la morale, acheva de dégrader ce peuple jadis si grand. Les nations du midi tombèrent dans l'avilissement, et cet avilissement prépara le triomphe des peuples du nord. La civilisation de l'Europe, l'établissement de la religion chrétienne, les découvertes des sciences, la publicité des lumières, ont posé de nouvelles barrières à la dépravation, et détruit

d'anciennes causes de barbarie.

Ainsi donc la

décadence des nations, et par conséquent celle des lettres, est maintenant beaucoup moins à craindre. C'est ce que le chapitre suivant achéwera, je crois, de démontrer.

CHAPITRE VIII.

De l'invasion des Peuples du Nord, de l'établissement de la Religion Chrétienne, et de la renaissance des Lettres.

ON compte dans l'histoire plus de dix siècles, pendant lesquels l'on croit assez généralement que l'esprit humain a rétrogradé. Ce seroit une forte objection contre le systême de progression dans les lumières, qu'un si long cours d'années, qu'une portion si considérable des temps qui nous sont connus, pendant lesquels le grand œuvre de la perfectibilité sembleroit avoir reculé; mais cette objection, que je regarderois comme toute-puissante si elle étoit fondée, je la réfute d'une manière simple. Je ne pense pas que l'espèce humaine ait rétrogadé pendant cette époque; je crois, au contraire, que des pas immenses ont été faits dans le cours de ces dix siècles, et pour la propagation des lumières, et pour le développement des facultés intellectuelles.

En étudiant l'histoire, il me semble qu'on

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acquiert la conviction, que tous les événemens principaux tendent au même but, la civilisation universelle. L'on voit que, dans chaque siècle, de nouveaux peuples ont été admis au bienfait de l'ordre social, et que la guerre, malgré tous ses désastres, a souvent étendu l'empire des lumières. Les Romains ont civilisé le monde qu'ils avoient soumis. Il falloit que d'abord la lumière partît d'un point brillant, d'un pays de peu d'étendue, comme la Grèce; il falloit que, peu de siècles après, un peuple de guerriers réunît sous les mêmes loix une partie du monde pour la civiliser, en la conquérant. Les nations du.nord, en faisant disparoître pendant quelque temps les lettres et les arts qui régnoient dans le midi, acquirent néanmoins quelques-unes des connoissances, que possédoient les vaincus; et les habitans de plus de la moitié, de l'Europe, étrangers jusqu'alors à la société civilisée, participèrent à ses avantages. Ainsi le temps nous découvre un dessein, dans la suite d'événemens qui sembloient n'être que le pur effet du hasard; et l'on voit surgir une pensée, toujours la même, de l'abime des faits et des siècles.

L'invasion des barbares fut sans doute un grand malheur, pour les nations contemporaines

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de cette révolution; mais les lumières se propagèrent par cet événement même. Les habitans énervés du midi, se mêlant avec les hommes du nord, empruntèrent d'eux une sorte d'énergie, et leur donnèrent une sorte de souplesse, qui devoit servir à compléter les facultés intellectuelles. La guerre, pour de simples intérêts politiques, entre des peuples également éclairés, est le plus funeste fléau que les pas-sions humaines aient produit; mais la guerre, mais la leçon éclatante des événemens peut quelquefois faire adopter de certaines idées par la rapide autorité de la puissance.

*Plusieurs écrivains ont avancé que la religion chrétienne étoit la cause de la dégradation des lettres et de la philosophie; je suis convaincue que la religion chrétienne, à l'époque de son établissement, étoit indispensablement récessaire à la civilisation et au mélange de l'esprit du nord avec les mœurs du midi. Je crois de plus que les méditations religieuses du christianisme, à quelque objet qu'elles aient été appliquées, ont développé les facultés de l'esprit pour les sciences, la métaphysique et la morale. Je vais chercher à prouver ces assertions sous des rapports purement philosophiques.

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