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humain, parce que ces deux écrivains avoient sur Aristophane l'avantage d'un siècle de plus ; mais en général les auteurs se laissent aisément séduire daus les démocraties, par l'irrésistible attrait des applaudissemens populaires. C'est un écueil pour les pièces de théâtre des peuples libres, que les succès qu'on obtient, en mettant en scène des allusions aux affaires publiques. Je ne sais si de telles comédies sont un signe de liberté; mais elles sont nécessairement la perte de l'art dramatique.

Le peuple d'Athènes, comme je l'ai déjà dit, étoit extrêmement susceptible d'enthousiasme ; mais il n'en aimoit pas moins la satyre qui insultoit aux hommes supérieurs. Les comédies d'Athènes servoient, comme les journaux de France, au nivellement démocratique, avec cette différence, que la représentation d'une comédie remplie de personnalités contre un homme vivant, est un genre d'attaque, à laquelle de nos jours aucun nom considéré ne pourroit résister. Nous nous livrons trop peu à l'admiration, pour

n'avoir pas tout à craindre de la calomnie; les amis, en France, abandonnent trop facilement, pour qu'il ne soit pas nécessaire de mettre une borne à la violence des ennemis, A Athènes on

pouvoit se faire connoître, et se justifier sur la place publique au milieu de la nation entière; mais, dans nos associations nombreuses, on ne pourroit opposer que la lumière lente des écrits au ridicule animé du théâtre. Aucune réputation, aucune autorité politique ne sauroit soutenir cette lutte inégale.

La république d'Athènes elle-même a dû son asservissement à cet abus du genre comique, à ce goût désordonné pour les plaisanteries, qu'excitoit chaque jour le besoin de s'amuser, La comédie des Nuées prépara les esprits à l'accusation de Socrate. Démosthène, dans le siècle suivant, ne put arracher les Athéniens à leurs spectacles, à leurs occupations frivoles, pour les occuper de Philippe. Ce qu'on avoit toujours craint pour la république, c'étoit le trop grand ascendant que pourroit prendre sur elle un de ses grands hommes; ce qui la fit périr, ce fut son indifférence pour tous.

Après avoir sacrifié leur gloire pour conserver leurs amusemens, les Athéniens se virent enlever jusqu'à leur indépendance, et avec elle les plaisirs mêmes qu'ils avoient préférés à la défense de leur liberté.

CHAPITRE IV.

De la Philosophie et de l'Eloquence des Grecs.

La philosophie et l'éloquence étoient souvent réunies chez les Athéniens. Les systêmes métaphysiques et politiqués de Platon ont bien moins contribué à sa gloire, que la beauté de son langage et la noblesse de son style. Les philosophes grecs sont, pour la plupart, des orateurs éloquens sur des idées abstraites. Je dois cependant considérer d'abord la philosophie des Grecs séparément de leur éloquence: mon but est d'observer les progrès de l'esprit humain, et la philosophie peut seule les indiquer avec certitude.

L'éloquence, soit par ses rapports avec la poésie, soit par l'intérêt des discussions politiques dans un pays libre, avoit atteint chez les Grecs un degré de perfection, qui sert encore de modèle; mais la philosophie des Grecs me paroît fort au-dessous de celle de leurs imitateurs, les Romains; et la philosophic moderne a, sur celle des Grecs, la supériorité, que doivent assurer à la pensée de l'homme deux mille ans de méditation de plus.

sont

Les Grecs se sont perfectionnés eux-mêmes, d'une manière très-remarquable, pendant le cours de trois siècles. Dans le dernier, celui d'Alexandre, Ménandre, Théophraste, Euclide, Aristote, marquent sensiblement les pas faits dans divers genres. L'une des principales causes finales des grands événemens qui nous connus, c'est la civilisation du monde. Je développerai ailleurs cette assertion; ce qu'il m'importe d'observer maintenant, c'est combien les Grecs étoient propres à répandre les lumières, combien ils excitoient aux travaux nécessaires pour les acquérir. Les philosophes instituoient des sectes, moyen aussi utile alors qu'il seroit nuisible maintenant. Ils environnoient la recherche de la vérité de tout ce qui pouvoit frapper l'imagination; ces promenades où de jeunes disciples se réunissoient autour de leur maître, pour écouter de nobles pensées en présence d'un beau ciel; cette langue harmonieuse qui exaltoit l'ame par les sens avaneme que les idées eussent agi sur elle; le mystère qu'on apportoit à Eleusis dans la découverte, dans la communication de certains principes de morale, toutes ces choses ajoutoient à l'effet des leçons des philosophes. A l'aide du merveilleux my

thologique, on faisoit adopter des vérités à l'univers dans son enfance. L'on enflammoit de mille manières le goût de l'étude; et les éloges flatteurs qu'obtenoient les disciples de la philosophie, en augmentoient encore le nombre.

Ce qui contribue à nous donner une idée prodigieuse des anciens, ce sont les grands effets produits par leurs ouvrages; ce n'est pas néanmoins d'après cette règle qu'il faut les juger. Le petit nombre d'hommes éclairés qu'offroit la Grèce à l'admiration du reste du monde, la difficulté des voyages, l'ignorance où l'on étoit de la plupart des faits recueillis par les écrivains, la rareté de leurs manuscrits, tout contribuoit à inspirer la plus vive curiosité pour les ouvrages célèbres. Les témoignages multipliés de cet intérêt général excitoient les philosophes à franchir les grandes difficultés que présentoit l'étude, avant que la méthode et la généralisation en eussent abrégé la route. La gloire moderne n'eût pas suffi pour récompenser de tels efforts; il ne falloit pas moins que la gloire antique, pour donner la force de soulever de si grands obstacles. Les anciens philosophes ont obtenu, dans leur temps, une réputation beaucoup plus écla tante que celle des modernes; mais il n'est pas

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