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ne lui avait répondu que par un haussement d'épaules. Il prit alors le parti d'écrire à Louis XVI, et lui manda qu'il devait son état à la cour uniquement à la confiance dont le feu roi l'avait honoré; et que les habitudes contractées pendant l'éducation de la reine, le plaçant sans cesse dans son intérieur le plus intime, il ne pouvait jouir de l'honneur de rester auprès de Sa Majesté, sans en avoir obtenu le consentement du roi. Louis XVI lui renvoya sa lettre, après y avoir écrit ces mots : Je consens à ce que l'abbé de Vermond continue ses fonctions auprès de la reine.

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Quoique Louis XVI, à l'époque de la mort de son aïeul, n'eût pas encore joui des droits d'époux, il commençait à être fort attaché à la reine. Les premiers temps d'un deuil si imposant ne permettant pas de prendre le délassement de la chasse, il lui proposa des promenades dans les jardins de Choisy ils sortirent maritalement, le jeune monarque donnant le bras à la reine, accompagnés d'une suite peu nombreuse. L'influence de l'exemple sur l'esprit des courtisans produisit un si grand effet, qu'on eut le plaisir de voir, dès le lendemain, plusieurs époux très-anciennement désunis, et pour de bonnes raisons, se promener sur la terrasse avec cette même intimité conjugale. Ils passaient ainsi des heures entières, bravant par flatterie l'insupportable ennui de leurs longs tête-à-tête.

Le dévouement de Mesdames pour le roi leur père, pendant son affreuse maladie, avait produit

sur leur santé l'effet généralement redouté. Le quatrième jour de leur arrivée à Choisy, les trois princesses furent saisies d'un violent mal de tête et d'un mal de cœur qui ne laissaient aucun doute sur leur état. Il fallut faire promptement partir la jeune famille royale; et le château de la Muette, dans le bois de Boulogne, fut choisi pour la recevoir. Cette habitation, fort rapprochée de Paris, attira dans les environs une affluence de monde si considérable, que dès la pointe du jour la foule était déjà établie aux grilles du château. Les cris de vive le roi! qui commençaient à six heures du matin, n'étaient presque point interrompus jusqu'après le coucher du soleil. L'espérance qui naît d'un règne nouveau, la défaveur que le feu roi s'était attirée pendant les dernières années du sien, occasionaient ces transports.

Un bijoutier à la mode fit une grande fortune, en vendant des tabatières de deuil où le portrait de la jeune reine, placé dans une boîte noire, faite de chagrin, amenait le calembourg suivant: La consolation dans le chagrin. Toutes les modes, toutes les coiffures prirent des noms analogues à l'esprit du moment. Les symboles de l'abondance furent partout représentés, et les coiffures des femmes étaient surchargées d'épis de blé. Les poëtes célébraient le nouveau monarque; tous les cœurs ou plutôt toutes les têtes françaises étaient remplies d'un enthousiasme sans exemple. Jamais commencement de règne n'excita des témoignages

d'amour et d'attachement plus unanimes. Il est à remarquer pourtant qu'au milieu de cette ivresse, le parti anti-autrichien ne perdait pas la jeune reine de vue, et guettait, avec la malicieuse envie de lui nuire, les fautes qui pourraient échapper à sa jeunesse et à son inexpérience.

On eut à recevoir à la Muette les révérences de deuil de toutes les dames présentées à la cour; aucune d'elles ne crut pouvoir se dispenser de rendre hommage aux nouveaux souverains. Les plus vieilles comme les plus jeunes dames accoururent pour se présenter dans ce jour de réception générale; les petits bonnets noirs à grands papillons, les vieilles têtes chancelantes, les révérences profondes et répondant au mouvement de la tête, rendirent, à la vérité, quelques vénérables douairières un peu grotesques; mais la reine, qui avait beaucoup de dignité et de respect pour les convenances, ne commit pas la faute grave de perdre le maintien qu'elle devait observer. Une plaisanterie indiscrète d'une des dames du palais lui en donna cependant le tort apparent. Madame la marquise de ClermontTonnerre, fatiguée de la longueur de cette séance, et forcée, par les fonctions de sa charge, de se tenir debout derrière la reine, trouva plus commode de s'asseoir à terre sur le parquet, en se cachant derrière l'espèce de muraille que formaient les paniers de la reine et des dames du palais. Là, voulant fixer l'attention et contrefaire la gaieté, elle tirait les jupes de ces dames, et faisait mille espiégleries.

Le contraste de ces enfantillages avec le sérieux de la représentation qui régnait dans toute la chambre de la reine, déconcerta Sa Majesté plusieurs fois elle porta son éventail devant son visage pour cacher un sourire involontaire, et l'aréopage sévère des vieilles dames prononça que la jeune reine s'était moquée de toutes les personnes respectables qui s'étaient empressées de lui rendre leurs devoirs; qu'elle n'aimait que la jeunesse ; qu'elle avait manqué à toutes les bienséances, et qu'aucune d'elles ne se présenterait plus à sa cour. Le titre de moqueuse lui fut généralement donné, et il n'en est point qui soit plus défavorablement accueilli dans le monde.

Le lendemain il circula une chanson fort méchante et où le cachet du parti auquel on pouvait l'attribuer se faisait aisément remarquer. Je ne me rappelle que le refrain suivant:

Petite reine de vingt ans,

Vous, qui traitez si mal les gens,

Vous repasserez la barrière

Laire, laire, laire lanlaire, laire lanla.

Les fautes des grands ou celles que la méchanceté leur attribue, circulent avec la plus grande rapidité dans le monde, et s'y conservent comme une espèce de tradition historique que le provincial le plus obscur aime à répéter. Plus de quinze ans après cet événement, j'entendais raconter à de vieilles dames, au fond de l'Auvergne, tous les

détails du jour des révérences pour le deuil du feu roi, où, disait-on, la reine avait indécemment éclaté de rire au nez des duchesses et des princesses sexagénaires qui avaient cru devoir paraître pour cette cérémonie.

Le roi et les princes ses frères s'étaient décidés à profiter des avantages de l'inoculation, pour se préserver de la funeste maladie qui venait de faire succomber leur aïeul; mais l'utilité de cette nouvelle découverte n'étant pas alors généralement reconnue en France, beaucoup de gens à Paris furent très-alarmés du parti que venaient de prendre les princes; ceux qui le blâmèrent hautement se plurent à en rejeter tout le tort sur la reine, qui seule avait pu, disait-on, se permettre de donner un conseil aussi téméraire, l'inoculation étant déjà établie dans les cours du nord. Celle du roi et de ses frères, faite par le docteur Jauberthou, eut heureusement un succès complet.

Le voyage de Marly, lorsque l'état de convalescence fut entièrement établi, devint assez gai. On fit beaucoup de parties de cheval et de calèche. La reine eut l'idée de se donner une jouissance fort innocente; jamais elle n'avait vu le lever de l'aurore: comme elle n'avait plus d'autre permission à obtenir que celle du roi, elle lui fit connaître son désir. Il consentit à ce qu'elle se rendit, à trois heures du matin, sur les hauteurs des jardins de Marly; et malheureusement, peu porté à partager ses plaisirs, il fut se coucher. La reine suivit donc son idée; mais

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