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verse en criant de toutes ses forces: Au secours ! Mon beau-père le releva, lui fit entendre sa voix, et lui enjoignit le plus profond silence sur ce qu'il avait vu. Cependant il crut devoir prévenir la dauphine de ce qui était arrivé; elle craignit que quelque autre événement de la même nature ne fît découvrir ces amusemens : ils furent abandonnés.

Cette princesse s'occupait beaucoup, dans son intérieur, de l'étude de la musique et de celle des rôles de comédie qu'elle avait à apprendre; ce dernier exercice avait eu au moins l'avantage de former sa mémoire et de lui rendre la langue française encore plus familière.

L'abbé de Vermond venait chez elle tous les jours, mais évitait de prendre le ton imposant d'un instituteur et ne voulait pas même, comme lecteur, conseiller l'utile lecture de l'histoire ; je crois qu'il n'en a pas lu un seul volume, dans toute sa vie, à son auguste élève; aussi n'a-t-il jamais existé de princesse qui eût un éloignement plus marqué pour toutes les lectures sérieuses.

Tant que dura le règne de Louis XV, les ennemis de Marie-Antoinette n'essayèrent pas de changer l'opinion publique sur son compte. Elle était toujours l'objet des voeux et de l'amour des Français en général, et particulièrement des habitans de Paris qui, privés de la posséder dans leur ville, venaient successivement à Versailles, la plupart attirés par le seul plaisir de la voir. Les courtisans ne partageaient pas entièrement cet enthousiasme vrai-..

ment populaire qu'avait inspiré madame la dauphine la disgrâce de M. le duc de Choiseul l'avait privée de son véritable appui, et le parti qui dominait à la cour, depuis l'exil de ce ministre, était, par les opinions politiques, aussi opposé à sa famille qu'à elle-même. La dauphine était donc à Versailles environnée d'ennemis.

Cependant tout le monde cherchait extérieurement à lui plaire : l'âge de Louis XV et le caractère du dauphin, avertissaient assez la prévoyante sagacité des courtisans, du rôle important qui était réservé à cette princesse, si, sous le règne suivant, le dauphin finissait par lui être attaché,

CHAPITRE IV.

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Maladie de Louis XV. - Tableau de la cour.r.—Renvoi de madame Du Barry. Bougie placée sur une fenêtre, et qu'on souffle au moment de la mort du roi. Les courtisans quittent son antichambre pour se précipiter dans les appartemens de Louis XVI. - Départ de la cour pour Choisy. - Terme de la douleur sur la mort du feu roi. M. de Maurepas, Entretien de ministre. la reine avec M. Campan au sujet du duc de Choiseul.- L'abbé de Vermond en prend ombrage. - Louis XVI l'aimait peu. — Influence de l'exemple sur les courtisans. Enthousiasme qu'inspire le nouveau règne. - Révérences de deuil à la Muette. -Anecdote à ce sujet.-On donne injustement à la reine le titre de moqueuse. Premiers couplets contre elle. Le roi et les princes ses frères se font inoculer. - Séjour à Marly. — La reine désire voir le lever de l'aurore. — Calomnies dont elle est l'objet. - Le joaillier Boehmer. Mademoiselle Bertin. - Changement dans les modes. Hauteur des coiffures. Étiquettes dont la reine ne peut supporter le joug. Repas publics servis par des femmes. - Contributions Simplicité de la cour de Vienne. levées d'une manière touchante par les princes de Lorraine. Sobriété, décence et modestie extrêmes de Marie-Antoinette.

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VERS les premiers jours de mai 1774, Louis XV, annonçant par la force de sa constitution une existence encore assez longue, fut attaqué d'une petite vérole confluente des plus funestes. Mesdames inspirèrent, à cette époque, à madame la dauphine un sentiment de respect et d'attachement, dont elle leur donna des preuves multipliées, lorsqu'elle fut

sur le trône. En effet, rien ne fut plus admirable et plus touchant que le courage avec lequel elles affrontèrent la maladie la plus horrible : l'air du palais était infecté; plus de cinquante personnes gagnèrent la petite vérole pour avoir seulement traversé la galerie de Versailles, et dix en moururent (1).

La fin de ce monarque approchait : son règne, assez paisible, avait conservé une force imprimée par la puissance de son prédécesseur; d'un autre côté, sa faiblesse avait de même préparé les malheurs de celui qui régnerait après lui. La scène allait changer l'espoir, l'ambition, la joie, la douleur, tous les sentimens qui s'emparaient diversement des cœurs des courtisans, se déguisaient vainement sous un extérieur uniforme. Il était aisé de démêler les différens motifs qui leur faisaient, à

(1) On lit, dans les Souvenirs de Félicie, les détails suivans sur la maladie du roi et sur le dévouement de Mesdames :

<< Le roi est à toute extrémité: outre la petite vérole, il a le pourpre; on ne peut entrer sans danger dans sa chambre. M. de Letorière est mort pour avoir entr'ouvert sa porte afin de le regarder deux minutes. Les médecins eux-mêmes prennent toutes sortes de précautions pour se préserver de la contagion de ce mal affreux, et Mesdames, qui n'ont jamais eu la petite vérole, qui ne sont plus jeunes, et dont la santé est naturellement mauvaise, sont toutes trois dans la chambre, assises près de son lit et sous ses rideaux; elles passent là le jour et la nuit. Tout le monde leur a fait à ce sujet les plus fortes représentations; on leur a dit que c'était plus que d'exposer leur vie, que c'était la sacrifier. Rien n'a les empêcher de remplir ce pieux devoir. »

pu

(Note des édit.)

chaque instant, répéter à tous cette phrase : « Comment va le roi? » Enfin, le 10 mai 1774, se termina la carrière de Louis XV (1).

La comtesse Du Barry s'était retirée depuis quelques jours à Ruelle, chez le duc d'Aiguillon; douze ou quinze personnes de la cour crurent devoir y aller lui faire des visites; leurs livrées furent remarquées; et ce fut pendant long-temps un motif de défaveur. J'ai entendu, plus de six ans après la mort du roi, dire, dans le cercle de la famille royale, en parlant d'une de ces personnes là: « C'était une des quinze >> voitures de Ruelle. »

Toute la cour se rendit au château; l'oeil-de-boeuf

(1) Louis XV, dès qu'il connut la maladie dont il était attaqué, désespéra de sa guérison. Je n'entends point, dit-il, qu'on renouvelle la scène de Metz, et il ordonna le renvoi de madame Du Barry. Mais les amis de la favorite n'avaient point encore abandonné la victoire. Les deux partis qui divisaient la cour s'attaquaient avec chaleur au pied du lit sur lequel était étendu Louis XV. On se disputait, pour ainsi dire, encore les derniers soupirs et les volontés incertaines d'un mourant. Louis XV avait à remplir des devoirs religieux. Ce moment, qu'un parti voulait hâter, et que l'autre avait intérêt de suspendre, occasiona les scènes les plus scandaleuses. Dans ce que l'abbé Soulavie en rapporte, tout n'est pas vrai sans doute. Il est difficile, par exemple, de supposer au sévère Christophe de Beaumont d'autres motifs que ses principes rigides, sa piété fervente, et le sentiment des obligations sacrées qu'il avaità remplir. Mais tout n'est pas faux non plus; et l'on ne peut douter que Soulavie n'ait rapporté un grand nombre de particularités exactes, quand on compare son récit que nous donnons dans les pièces (lettre F) avec le tableau des mêmes scènes, tracé par le baron de Besenyal dans ses Mémoires. (Note des édit.)

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