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Le roi étant arrivé vers les sept heures à l'église, et tout le monde ayant pris place, la Sainte-Ampoule ne tarda pas à arriver à la principale porte. Elle avait été apportée de l'abbaye de Saint-Remi par le grand-prieur, en chape d'étoffe d'or, et monté sur un cheval blanc de l'écurie du roi, couvert d'une housse d'étoffe d'argent, richement brodée, et conduit par les rênes tenues par deux maîtres palfreniers de la grande écurie. Le grand-prieur était sous un dais de pareille étoffe, porté par quatre barons, dits chevaliers de la Sainte-Ampoule, vêtus de satin blanc, d'un manteau de soię noire et d'une écharpe de velours blanc, garnie de franges d'argent dont Sa Majesté les avait honorés et gratifiés; ils portaient la croix de chevalier passée au col, et attachée à un ruban noir. Aux quatre coins du dais, on voyait à cheval les seigneurs nommés par le roi pour ôtages de la SainteAmpoule, et qui étaient précédés chacun de leur écuyer portant un guidon chargé, d'un côté des armes de France et de Navarre, et de l'autre de celle de leurs maisons. Les ôtages avaient prêté serment sur le livre des Évangiles, et juré entre les mains du prieur, en présence des officiers du bailliage de l'abbaye, qu'il ne serait fait aucun tort à la Sainte-Ampoule, pour la conservation de laquelle ils s'engagèrent à exposer leur vie ; et en même temps, ils s'étaient constitués pleiges, cautions solidaires, et avaient déclaré qu'ils demeureraient en ôtage jusqu'au retour de la Sainte-Ampoule. Par une suite de ce qui se pratique en pareilles circonstances, ils requirent néanmoins qu'il leur fût permis de l'accompagner, et pour grande sûreté et conservation d'icelle, sous le même cautionnement; ce qu'on leur avait accordé. - Toutes ces formalités sont si superflues qu'elles devenaient ridicules. La Sainte-Ampoule qui joue un si grand rôle dans le sacre de nos rois, est une espèce de petite bouteille remplie, dit-on, d'un baume miraculeux, ne diminuant jamais, qui servit à oindre Clovis. On prétend qu'elle fut envoyée du ciel et apportée par une colombe à saint Remi, mort vers l'an 533:

T. I.

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elle se conserve dans le tombeau même de cet ancien archevêque dont le corps est tout entier dans une châsse de l'abbaye qui porte son nom, et elle est renfermée dans un reliquaire de vermeil en or, enrichi de diamans et de pierres précieuses de différentes couleurs (1).

L'archevêque de Reims ayant été averti par le maître des cérémonies de l'arrivée de la Sainte-Ampoule, alla aussitôt la recevoir à la porte de l'église en la remettant entre ses mains, le grand-prieur, suivant l'usage, lui adressa ces paroles « Je vous confie, Monseigneur, ce précieux trésor » envoyé du ciel au grand saint Remi, pour le sacre de >> Clovis et des rois ses successeurs; mais je vous supplie, selon >> l'ancienne coutume, de vous obliger de me la remettre >> entre les mains, après le sacre de notre roi Louis XVI. » L'archevêque, conformément à la coutume, fait le serment exigé conçu en ces termes : « Je reçois avec respect >> cette Sainte-Ampoule, et vous promets, foi de prélat, de » la remettre entre vos mains, la cérémonie du sacre » achevée. » En disant ces mots le cardinal de La RocheAymon prit la merveilleuse fiole, rentra dans le chœur, et la déposa sur l'autel. Quelques instans après, il s'approcha du roi dont il reçut le serment, appelé de protection, pour toutes les églises sujettes de la couronne: promesse que Sa Majesté fit assise et couverte. « Je promets, dit le roi, d'empêcher » les personnes de tout rang de commettre des rapines et » des iniquités, de quelque nature qu'elles soient. Je jure » de m'appliquer sincèrement et de tout mon pouvoir, à » exterminer de toutes les terres soumises à ma domination

» les hérétiques nommément condamnés par l'Église. »

(1) Depuis, cette fiole fut brisée sur le pavé de l'abbaye par le conventionnel Ruhl en mission; la châsse et les reliquaires mis en pièces par son ordre, furent envoyés à la Monnaie.

(Note des édit.)

Après cette formule de şerment, deux pairs ecclésiastiques présentent le roi à l'assemblée et lui demandent si elle agrée Louis XVI pour roi de France. Un silence respectueux, disent les livres qui contiennent les détails de cette cérémonie, annonça le consentement général.

L'archevêque de Reims présenta au roi le livre des Évangiles, sur lequel Sa Majesté posant les mains fit serment de maintenir et conserver les ordres du Saint-Esprit et de SaintLouis, et de porter toujours la croix de ce dernier ordre, attachée à un ruban de soie, couleur de feu; de faire observer l'édit contre les duels, sans avoir jamais aucun égard aux représentations des princes ou seigneurs qui pourraient intercéder en faveur des coupables. La première partie de ce serment n'est guère importante et la seconde est enfreinte tous les jours.

Lorsque le roi eut reçu, pour la seconde fois, l'épée de Charlemagne, il la déposa entre les mains du maréchal de Clermont-Tonnerre, faisant les fonctions de connétable, qui la tint la pointe levée pendant la cérémonie du sacre et du couronnement, ainsi qu'au festin royal. Pendant que le roi recevait et remettait cette épée de Charlemagne, on récita plusieurs oraisons. Dans l'une on demandait à Dieu que les saints monastères se ressentissent des libéralités du roi; que ses grâces se répandissent sur les grands du royaume; que la rosée du ciel et la graisse de la terre procurassent dans ses États une abondance intarissable de blé, de vin, d'huile et de toutes sortes de fruits, afin que sous son règne les peuples pussent jouir d'une santé constante, etc.

Quand ces prières furent finies, le prélat officiant ouvrit la Sainte-Ampoule, en fit tomber un peu d'huile qu'il délaya avec l'huile bénite, appelée saint-crême. Le roi se prosterna devant l'autel sur un grand carreau de velours violet, semé de fleurs de lis d'or, ayant le vieil archevêque, duc de Reims, aussi prosterné à sa droite, et resta dans cette humble posture jusqu'à la fin des litanies chantées par

quatre évêques, alternativement avec le chœur. On trouve dans ces litanies le verset suivant :

Ut dominum Apostolicum et omnes gradus Ecclesiæ in sancta religione conservare digneris. ( Que vous daigniez conserver dans votre sainte religion le souverain pontife et tous les ordres de l'Église. )

A la fin des litanies, l'archevêque de Reims se plaça sur son fauteuil, et le roi s'étant allé mettre à genoux devant lui, reçut les onctions sur le sommet de la tête, sur la poitrine, entre les deux épaules, sur l'épaule droite, sur la gauche, à la jointure du bras droit, à celle du bras gauche; dans le même temps ce prélat récitait quelques oraisons dont voici la substance : « Qu'il réprime les orgueilleux ; qu'il soit une leçon pour les riches; qu'il soit charitable » envers les pauvres et le pacificateur des nations. » Un peu plus bas on remarque parmi ces oraisons, les paroles suivantes : « Qu'il n'abandonne point ses droits sur les royau>> mes des Saxons, des Merciens, des peuples du Nord et des >> Cimbres. >>

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Un auteur anonyme dit que par les Cimbres on entend le royaume d'Angleterre, sur lequel nos rois se réservent expressément leurs droits incontestables, depuis Louis VIII, auquel il fut conféré par la libre élection du peuple qui avait chassé Jean-Sans-Terre.

Aprés les sept onctions l'archevêque de Reims, aidé des évêques de Laon et de Beauvais, referma avec des lacets d'or les ouvertures de la chemise et de la camisole du roi, qui, s'étant levé, fut revêtu par le grand-chambellan de la tunique, de la dalmatique, et du manteau royal fourré et bordé d'hermine: ces vêtemens sont de velours violet, semés de fleurs de lis et broderies d'or, et représentent les habits de sous-diacre, de diacre et de prêtre : symbole par lequel le clergé cherche, sans doute, à prouver qu'il est uni à la puissance royale. Le roi se remit ensuite à genoux devant l'archevêque officiant qui lui fit la

huitième onction sur la paume de la main droite, et la neuvième et dernière sur celle de la main gauche; puis il mit un anneau au quatrième doigt de la main droite, comme signe représentatif de la toute-puissance et de l'union intime qui régnera désormais entre le roi et son peuple. L'archevêque prit alors sur l'autel le sceptre royal, et le mit dans la main droite du roi, et ensuite la main de justice qu'il lui mit dans la main gauche. Le sceptre est d'or émaillé, garni de perles orientales; il peut avoir six pieds de haut. Charlemagne est représenté en relief, le globe en main, assis sur une chaire ornée de deux lions et de deux aigles. La main de justice est un bâton d'or massif, haut seulement d'un pied et demi, garni de rubis et de perles, et terminé par une main d'ivoire, ou plutôt de corne de licorne; il y a de distance en distance trois cercles à feuillage tout brillans de perles, de grenats, et d'autres pierres précieuses.

Voici cependant un moment où le clergé cesse de s'arroger le droit de conférer au roi la toute-puissance. M. le garde-des-sceaux de France, faisant les fonctions de chancelier, monta à l'autel, et s'étant placé du côté de l'Évangile, le visage tourné vers le choeur, il appela les pairs, pour le couronnement, de la manière suivante: «< Monsieur, qui

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représentez le duc de Bourgogne, présentez-vous à cet » acte, etc., etc. » Les pairs s'étant approchés du roi, l'archevêque de Reims prit sur l'autel la couronne de Charlemagne, apportée de Saint-Denis, et la posa sur la tête du roi aussitôt les pairs ecclésiastiques et laïcs y portèrent la main pour la soutenir allégorie vraiment noble et expressive, mais qui serait bien plus juste, si des délégués du peuple soutenaient aussi cette couronne, par le même esprit allégorique; on emploie, dans l'une des oraisons récitées en cet instant, une expression orientale, qui a beaucoup d'énergie: «Que le roi, dit-on, ait la force du rhinocéros, et qu'il chasse devant lui, comme un vent impétueux, les

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