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avoir examinés, écrivait au bas de la dernière page: Vu bon Marie-Antoinette. Chacune des premières femmes emportait chez elle ce compte ainsi arrêté, après avoir laissé, dans le bureau qui était dans leur appartement du château, les quittances des pensions ou objets qu'elles avaient payés pendant leur mois de service. Dans ce même bureau était l'état des pensions. Il fut enlevé au 10 août, et probablement confondu avec un grand nombre d'effets transportés à la commune de Paris. L'Assemblée ayant décrété que les pensions de bienfaisance seraient conservées, n'en trouvant plus l'état, donna un autre décret qui autorisait les pensionnés à réclamer des certificats des chefs ou sous-chefs des chambres de la reine; comme il n'existait plus en France ni surintendante, ni dame d'honneur, les premières femmes, depuis la déchéance, ont été autorisées à donner ces certificats. Les fonds de la cassette étaient remis tous les premiers de chaque mois à la reine. M. Randon de la Tour lui présentait cette somme, à midi, heure de sa toilette; elle était toujours en or et contenue dans une bourse de peau blanche, doublée en taffetas et brodée en argent. Les fonds de la cassette étaient de 300,000 livres; les mois n'étaient point égaux; la bourse du mois de janvier était plus forte, celles qui correspondaient aux foires de Saint-Germain et de Saint-Laurent étaient aussi plus considérables. C'était une ancienne étiquette, qui venait de l'usage que les rois avaient de donner aux reines pour faire des acquisitions aux

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foires. Cette somme de trois cent mille livres n'était absolument que pour le jeu de la reine, ses actes de bienfaisance ou les présens qu'elle voulait faire. Sa toilette était payée à part, jusqu'à son rouge et à ses gants y étaient compris. La reine avait conservé toutes les anciennes pensionnaires de Marie Leckzinska, femme de Louis XV. Elle payait sur ses trois cent mille livres annuellement pour quatrevingt mille livres de pensions ou aumônes, et faisait des économies sur le reste : chaque mois la première femme serrait deux ou trois cents louis qui n'avaient pas été dépensés, dans un coffre-fort placé dans le cabinet intérieur de la reine. Sur ces économies, la reine avait payé, pendant l'espace de plusieurs années, quatre cent mille francs pour une paire de girandoles à poires égales et à un seul diamant, qu'elle avait achetée du jouaillier Boehmer, en 1774. Elles ne furent entièrement payées qu'en 1780. Boehmer ayant vu que la jeune reine avait pris ce temps pour acquitter, sur ses économies, un objet dont elle avait été tentée, et qu'elle ne voulut point faire payer par le Trésor public, aurait dû se refuser à l'idée que, huit ou dix ans après, elle ferait acheter, à l'insu du roi, une parure de quinze cent mille livres. Mais l'envie de se défaire d'un objet aussi cher que ce fameux collier dont l'histoire est si généralement et si mal connue, et l'espoir d'être payé de manière ou d'autre, le portèrent à croire ce qu'il ne devait pas juger vraisemblable. La reine avait encore plus de cent dix

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ÉCLAIRCIS. HISTOR. DE MAD. CAMPAN.

mille livres en or dans son appartement des Tuileries, peu de jours avant le 10 août ; trompée par un intrigant qui se disait l'ami de Pétion, et promettait de le rendre favorable au roi, en cas d'attaque des Tuileries, elle ne conserva que quinze cents louis en or qui furent portés à l'Assemblée, lors de la prise des Tuileries. Elle avait fait changer quatre-vingt et quelques mille livres en assignats, pour composer une somme de cent mille francs, qui devait être remise au maire. Un signe de convention, que Pétion devait faire en revoyant le roi, le 9 août, et qu'il ne fit pas, plus encore sa conduite dans la désastreuse journée du .10, firent juger que l'intermédiaire était tout simplement un filou.

La cassette de la reine aussi bien administrée, et ayant toujours surpassé ses besoins, la reine ayant même fait quelques placemens d'argent, il est facile de croire à une grande vérité, c'est que jamais elle n'avait tiré de somme extraordinaire sur le Trésor public. Elle en était cependant faussement accusée dans toutes les provinces, et même dans Paris, où les gens les plus distingués par leur éducation et leur rang adoptent et répètent, avec une légèreté inconcevable, les opinions défavorables aux grands.

FIN DES ÉCLAIRCISSEMENS RASSEMBLÉS PAR MAD. CAMPAN.

ET PIÈCES OFFICIELLES.

Note (A) page 34.

Le duc d'Aiguillon, petit-neveu du cardinal de Richelieu, était l'ami intime du dauphin; et ce que ce prince ne pouvait que penser, à cause de la discrétion nécessaire à l'héritier de la couronne, le duc d'Aiguillon l'exécutait. Choiseul, au contraire, né Lorrain, et fils d'un ambassadeur de l'époux de Marie-Thérèse, étranger à la France, sujet et parent de l'empereur, était tout dévoué aux intérêts de la cour de Vienne, fort de la puissance de madame de Pompadour que l'impératrice avait enivrée de gloire et de vanité, en lui donnant le titre de ma cousine et des cadeaux analogues; appuyé du crédit des parlemens dont il se disait le protecteur, ennemi déclaré des jésuites, depuis qu'il avait manifesté sa haine à leur général, à Rome.

Ces circonstances et sa vanité singulière, le rendaient peu soucieux de faire sa cour au dauphin qui professait, sur l'autorité du roi envers les parlemens, et sur la politique française, à l'égard de la maison d'Autriche, des principes absolument opposés. Audacieux et vain, cependant réfléchi et profond, avec beaucoup de suite et de ténacité dans ses plans, il avait toutes les qualités requises, dans un temps où le roi paraissait maîtrisé par la crainte, pour devenir en France, très-impunément, le premier commis de la cour de Vienne; pour resserrer les nœuds de l'alliance de 1756, éloigner l'abbé de Bernis d'un ministère où il n'avait pas

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assez fait pour la cour de Vienne, et détruire, à tout prix, les obstacles qui s'élèveraient à ses plans. Né avec une fortune au-dessous de la médiocre, et ayant peu à perdre, son système lui offrait la perspective de cette pompe et de cette puissance que nous lui avons vues. Pour s'y élever et s'y maintenir, il avait dans la légation de Vienne, dans madame de Grammont, sa sœur, femme profonde et hardie, et dans la favorite du roi, un conseil pourvu de moyens assez puissans pour arriver à ses fins.

Le duc d'Aiguillon, son ennemi, avait des principes bien différens. Toujours appuyé en secret du dauphin, pour toutes les oppositions contre la nouvelle politique, héritier des maximes de Richelieu, son grand-oncle, qui avait établi en France le despotisme, et qui était le fondateur de la haine des Bourbons contré la maison d'Autriche, il était peu capable d'administrer les affaires d'État, autrement qu'en suivant le système du gouvernement militaire : ami du dauphin, il gémissait chaque jour avec lui, mais en silence, de l'alliance autrichienne; il aimait les jésuites, il était l'ennemi secret des parlemens qui montraient une plus grande inclination pour la liberté. Il haïssait les philosophes novateurs, et il formait un parti puissant à la tête des jésuites de St.-Sulpice et des dévots de la cour. Le parti de Choiseul avait tout à craindre; le parti d'Aiguillon avait tout à espérer d'un changement de règne et de l'avénement du dauphin à la couronne. Tels étaient les deux personnages et les deux systèmes contradictoires du gouvernement, qui agitèrent la France vers la fin du règne de Louis XV.

D'un côté, le duc de Choiseul, avec son alliance autrichienne, ses jansénistes, ses parlemens et ses philosophes, attaque les jésuites dans l'intérieur, et sacrifie au-dehors la gloire et la prépondérance de la France, aux intérêts et à la vanité de la maison d'Autriche. D'un autre côté, le duc d'Aiguillon, s'unissant aux jésuites, soit pour les sauver,

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