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dont la reine se flattait, elle ne vit qu'une économie à obtenir, au lieu d'une augmentation de dépense. On supprimait par cet arrangement le gouvernement de Choisy, qu'avait le duc de Coigny, et celui de la Muette, qui était au maréchal de Soubise. On avait de même à supprimer les deux conciergeries et tous les serviteurs employés dans ces deux maisons royales; mais pendant qu'on traitait cette affaire, MM. de Breteuil et de Calonne cédèrent sur l'article des échanges, et plusieurs millions en numéraire remplacèrent la valeur de Choisy et de la Muette.

La reine conseilla au roi de lui donner SaintCloud, comme un moyen d'éviter d'y établir un gouverneur, son projet étant de n'y avoir qu'un simple concierge, ce qui épargnerait toutes les dépenses qu'amenaient les gouverneurs des châteaux. Le roi y consentit. Saint-Cloud fut acheté pour la reine : elle fit prendre sa livrée aux suisses des grilles, aux garçons du château, etc., comme à ceux de Trianon, où le concierge de cette maison avait fait afficher quelques règlemens de police intérieure, avec ces mots : De par la reine. Cet usage fut imité à Saint-Cloud. Cette livrée de la reine à la porte d'un palais où l'on ne croyait trouver que celle du roi, ces mots de par la reine, à la tête des imprimés collés auprès des grilles, firent une grande sensation et produisirent un effet très-fàcheux, non-seulement dans le peuple, mais parmi les gens d'une classe supé

T. I.

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rieure on y voyait une atteinte portée aux usages de la monarchie, et les usages tiennent de près aux lois. La reine en fut instruite et crut que sa dignité serait compromise, si elle faisait changer la forme de ces règlemens, qui même pouvait être supprimée sans inconvénient. « Mon nom n'est point déplacé, disait-elle, dans les jardins qui >>> m'appartiennent; je puis y donner des ordres >> sans porter atteinte aux droits de l'État. » Ce fut la seule réponse qu'elle fit aux représentations que quelques serviteurs fidèles crurent pouvoir se permettre de lui adresser à ce sujet. Le mécontentement que les Parisiens en manifestèrent porta sans doute M. d'Esprémenil, à l'époque des premiers troubles du parlement, à dire qu'il était également impolitique et immoral de voir des palais appartenir à une reine de France (1) ainsi, un

(1) La reine n'oublia jamais cette offense de M. d'Espremenil ; elle disait qu'ayant été faite dans un temps où l'ordre social n'était pas encore troublé, elle en avait éprouvé la peine la plus vive. Peu de temps avant la chute du trône, M. d'Espremenil ayant embrassé hautement le parti du roi, fut insulté, par les Jacobins, dans le jardin des Tuileries, et si maltraité qu'on le rapporta chez lui fort malade. A raison des opinions royalistes qu'il professait alors, quelqu'un invita la reine à envoyer savoir de ses nouvelles; elle répondit qu'elle était vraiment affligée de ce qui arrivait à M. d'Esprémenil, mais que la politique ne la mènerait jamais jusqu'à donner des preuves d'un intérêt particulier à l'homme qui, le premier, avait porté l'atteinte la plus outrageante à son carac

tère.

(Note de madame Campan.)

changement opéré par un motif d'économie, prit, aux yeux du public, un caractère tout différent. La reine fut très-mécontente de la manière dont cette affaire avait été traitée par M. de Calonne; l'abbé de Vermond, le plus actif et le plus persévérant des ennemis de ce ministre, voyait avec plaisir que les moyens des gens dont on pouvait espérer de nouvelles ressources, s'épuisaient successivement, parce que cela avançait l'époque où l'archevêque de Toulouse pourrait arriver au ministère des finances.

La marine royale avait repris une attitude imposante pendant la guerre pour l'indépendance de l'Amérique; une paix glorieuse avec l'Angleterre avait réparé, pour l'honneur français, les anciens outrages de nos ennemis; le trône était environné de nombreux héritiers: les finances seules pouvaient donner de l'inquiétude, mais cette inquiétude ne se portait que sur la manière dont elles étaient administrées. Enfin la France avait le sentiment intime de ses forces et de sa richesse, lorsque deux événemens qui ne semblent pas dignes de prendre place dans l'histoire, et qui cependant en ont une marquée dans celle de la révolution française, vinrent jeter, dans toutes les classes de la société, l'esprit de sarcasme et de dédain, non-seulement sur les rangs les plus élevés, mais sur les têtes les plus augustes; je veux parler d'une comédie et d'une grande escroquerie.

Depuis long-temps Beaumarchais était en pos

session d'occuper quelques cercles de Paris, par son esprit et ses talens en musique, et les théâtres, par des drames, plus ou moins médiocres, lorsque sa comédie du Barbier de Séville lui acquit des suffrages plus marqués sur la scène française. Ses mémoires contre M. Goësman avaient amusé Paris, par le ridicule qu'ils versaient sur un parlement mésestimé; et son admission dans l'intimité de M. de Maurepas lui procura de l'influence sur des affaires importantes. Dans cette position assez brillante, il ambitionna la funeste gloire de donner une impulsion générale aux esprits de la capitale, par une espèce de drame, où les mœurs et les usages les plus respectés étaient livrés à la dérision populaire et philosophique. Après plusieurs années d'une heureuse situation, critiquer et rire étaient devenus plus généralement la disposition de l'esprit français; et lorsque Beaumarchais eut terminé son monstrueux et plaisant Mariage de Figaro, tous les gens connus ambitionnèrent le bonheur d'en entendre une lecture, les censeurs de la police ayant prononcé que cette pièce ne pouvait être représentée. Ces lectures de Figaro se multiplièrent à tel point, par la complaisance calculée de l'auteur, que, chaque jour, on entendait dire: J'ai assisté ou j'assisterai à la lecture de la pièce de Beaumarchais. Le désir de la voir représenter devint universel ; une phrase qu'il avait eu l'adresse d'insérer dans son ouvrage, avait comme forcé le suffrage des grands seigneurs ou des gens puissans qui visaient à

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l'honneur d'être rangés parmi les esprits supérieurs: il faisait dire à son Figaro, qu'il n'y avait que les petits esprits qui craignissent les petits écrits. Le baron de Breteuil, et tous les hommes de la société de madame de Polignac, étaient rangés parmi les plus ardens protecteurs de cette comédie. Les sollicitations auprès du roi devenaient si pressantes, que Sa Majesté voulut juger elle-même un ouvrage qui occupait autant la société, et fit demander à M. Le Noir, lieutenant de police, le manuscrit du Mariage de Figaro. Je reçus, un matin, un billet de la reine qui m'ordonnait d'être chez elle à trois heures, et de ne point venir sans avoir dîné, parce qu'elle me garderait fort long-temps.

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Lorsque j'arrivai dans le cabinet intérieur de Sa Majesté, je la trouvai seule avec le roi ; un siége et une petite table étaient déjà placés en face d'eux et sur la table était posé un énorme manuscrit en plusieurs cahiers; le roi me dit : « C'est la comédie » de Beaumarchais, il faut que vous nous la lisiez ; il y aura des endroits bien difficiles à cause des >>ratures et des renvois; je l'ai déjà parcourue, » mais je veux que la reine connaisse cet ouvrage. >> Vous ne parlerez à personne de la lecture que » vous allez faire. »

>>

Je commençai. Le roi m'interrompait souvent par des exclamations toujours justes, soit pour louer, soit pour blâmer. Le plus souvent il se récriait : « C'est de » mauvais goût; cet homme ramène continuelle>>ment sur la scène l'habitude des Concetti italiens. »

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