Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

promesse du concierge de Trianon de l'y faire entrer, aussitôt que la reine serait partie pour Versailles, et son éminence s'était engagée à rester dans le logement de ce concierge jusqu'à ce que toutes les voitures fussent sorties du château : il ne tint pas la parole qu'il avait donnée, et tandis que le concierge était occupé des fonctions de sa place dans l'intérieur, le cardinal, qui avait conservé ses bas

combien il serait aisé d'apaiser cette tempête, même sans renverser le verre.

>> Les fêtes données à M. le comte et à 'madame la comtesse du Nord, à Chantilly, ont été de la plus grande magnificence et du meilleur goût. Le divertissement en vaudeville qui terminait le spectacle parut fort agréable, au moins pour le moment.

» L'auteur, M. Laujon, désirait fort l'honneur d'être présenté au prince on le fit apercevoir à M. le comte, qui, après l'avoir remercié avec la bonté la plus affable, lui dit : M. Laujon, vos couplets sont charmans ; vous m'y faites dire de fort jolies choses (les illustres voyageurs paraissaient eux-mêmes dans le divertisse– ment sous des noms déguisés); mais il en est une essentielle que vous avez oubliée, oui, très-essentielle, et je ne m'en console point... On voyait à chaque mot l'inquiétude du poëte redoubler sensiblement après l'avoir laissé ainsi quelques momens dans un embarras fort pénible pour la timidité: Mais sans doute, lui dit-il, vous avez oublié de parler de ma reconnaissance, et c'est dans ce moment tout ce qui m'occupe.

» M. le comte du Nord ayant fait à M. D'Alembert l'honneur d'aller le voir chez lui, on n'a pas oublié que ce philosophe avait été appelé à Pétersbourg pour présider à son éducation; il lui dit d'une manière très-aimable, à la fin de leur entretien : Vous devez bien comprendre, Monsieur, tout le regret que j'ai aujourd'hui de ne vous avoir pas connu plus tôt. » (Correspondance de Grimm, tome Ter, p. 454.)

(Note des édit.)

rouges et seulement passé une redingote, descendit dans le jardin, et se rangea, avec un air mystérieux, dans deux endroits différens, pour voir défiler la famille royale et sa suite.

Sa Majesté fut vivement offensée de cette hardiesse, et ordonna le lendemain le renvoi de son concierge; on fut généralement révolté de la déloyauté du cardinal envers ce malheureux homme, et peiné de la perte qu'il faisait de sa place. Touchée de l'infortune d'un père de famille, ce fut moi qui obtins sa grâce; je me suis reproché, depuis, ce moment de sensibilité qui me fit agir. Le concierge de Trianon renvoyé avec éclat, l'humiliation qui en serait rejaillie sur le cardinal eût fait connaître plus publiquement encore les préventions de la reine contre lui; eût probablement empêché la honteuse et trop célèbre intrigue du collier; sans la manière astucieuse dont le cardinal s'était introduit dans les jardins de Trianon, sans l'air de mystère qu'il avait affecté toutes les fois que la reine l'y avait rencontré, il n'aurait pu se dire trompé par aucun intermédiaire, entre la reine et lui.

La reine fort prévenue contre le roi de Suède, le reçut avec beaucoup de froideur (1). Tout ce l'on disait sur les mœurs privées de ce souve

que

(1) Gustave III, roi de Suède, voyagea en France sous le titre de comte d'Haga. A son avénement à la couronne, il conduisit avec autant d'habileté que de sang-froid et de courage la révolu

rain, ses relations avec le comte de Vergennes, depuis la révolution de Suède en 1772, le caractère de son favori Armsfeld, les préventions de ce monarque contre les Suédois bien vus à la cour de Versailles, formaient les bases de cet éloignement. Il vint un jour demander à dîner à la reine sans être prié, et sans avoir fait connaître son projet. La reine le reçut dans le petit cabinet, et me fit demander de suite. Alors elle m'ordonna de faire à l'instant appeler le contrôleur de sa bouche; de s'informer si elle avait un dîner suffisant pour l'offrir à M. le comte d'Haga, et de le faire augmenter si cela était nécessaire. Le roi de Suède l'assurait qu'il y aurait toujours assez pour lui; et moi, pensant à l'étendue du menu du dîner du roi et de la reine, dont plus de la moitié ne paraissait pas, quand ils dînaient dans les cabinets, je souriais involontairement. La reine me fit, des yeux, un signe imposant, et je sortis. Le soir, la reine me demanda pourquoi j'avais paru si ébahie, quand elle m'avait donné ordre de faire augmenter son dîner; que j'aurais dû juger de suite la leçon qu'elle donnait au roi de Suède, pour sa trop grande confiance. Je lui avouai que la scène m'avait paru si bourgeoise, qu'involontairement j'avais pensé aux cotelettes sur le gril, et à l'omelette qui, dans les

tion qui abaissa l'autorité du Sénat. On sait qu'il périt en 1792, assassiné dans un bal masqué, par Ankastroem. (Note des édit.)

petits menages, viennent augmenter un trop mince ordinaire. Elle s'amusa beaucoup de ma réponse, et la conta au roi qui en rit à son tour.

La paix, faite avec l'Angleterre, avait satisfait toutes les classes de la société occupées de l'honneur national. Le départ du commissaire anglais établi à Dunkerque, depuis la honteuse paix de 1763, comme inspecteur de notre marine, causa des transports de joie. Le gouvernement avait eu la prudence de faire notifier à cet Anglais l'ordre de son départ, avant que le traité fût rendu public. Sans cette précaution, le peuple se serait porté à des excès, pour faire éprouver à l'agent de la puissance anglaise, les effets d'un long ressentiment causé par son séjour dans ce port. Le commerce seul fut mécontent du traité de 1783. L'article qui permettait la libre entrée des marchandises anglaises, vint tout-à-coup anéantir le commerce de la ville de Rouen et des autres villes manufacturières du royaume. L'industrie française s'est vengée depuis de cette supériorité qui assurait à l'Angleterre le commerce exclusif du monde entier. Les Anglais abondèrent à Paris. Il y en eut un grand nombre de présentés à la cour. La reine affectait de les traiter avec des égards particuliers; elle voulait sans doute leur faire distinguer l'estime qu'elle portait à leur noble nation, des vues politiques du gouvernement dans l'appui qu'il avait donné aux Américains. Il y eut quelques mécontentemens, fortement articulés à la cour, sur les marques d'intérêt données par la

reine aux seigneurs anglais; on traitait ces attentions d'engouement. On était injuste; et la reine se plaignait avec raison de cette ridicule jalousie.

Le voyage de Fontainebleau, et l'hiver à Paris et à la cour furent brillans. Le printemps ramena les plaisirs que la reine commençait à préférer à l'éclat des fêtes. L'union la plus intime régnait entre le roi et la reine, et je n'ai jamais vu s'élever, entre cet auguste couple, qu'un nuage promptement dissipé, et dont la cause m'est restée parfaitement inconnue.

Mon beau-père, dont je révérais l'esprit et l'expérience, m'avait recommandé, lorsqu'il me vit placée au service d'une jeune reine, d'éviter toute espèce de confidence. « Elles n'attirent, m'avait-il dit, qu'une >> faveur passagère et dangereuse: servez avec zèle, » avec toute votre intelligence, et ne faites jamais » qu'obéir. Loin d'employer votre adresse à savoir » pourquoi un ordre, une commission, qui peu>> vent paraître importans, vous sont donnés, met» tez-la à vous garantir d'en être instruite. » J'eus à employer cette sage et utile leçon. J'entrai un matin à Trianon, dans la chambre de la reine; elle était couchée, avait des lettres sur son lit, pleurait abondamment; ses larmes étaient entremêlées de sanglots, interrompus par ces mots : Ah! je voudrais mourir. Ah! les méchans, les monstres!..... Que leur ai-je fait ?..... Je lui offris de l'eau de fleur d'orange, de l'éther..... Laissezmoi, me dit-elle, si vous m'aimez: il vaudrait mieux

[ocr errors]
« ZurückWeiter »