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Beaucoup de gens auraient voulu jouir de ce concert nocturne qui en effet fut très-agréable. Le petit nombre de personnes admises occasiona sans doute la jalousie, et fit naître des propos offensans, recueillis avec avidité dans le public. Il est trèsessentiel de savoir à quel point les démarches des grands méritent d'être calculées. Je ne prétends point ici faire l'apologie du genre d'amusement que la reine se permit tout cet été et l'été suivant; les conséquences en ont été si funestes, que la faute sans doute a été grave. Les suites vont le prouver: je ne les tairai point, mais on peut croire à la vérité de mes récits sur la nature de ces promenades.

Lorsque la saison des promenades du soir fut terminée, d'odieux couplets se répandirent dans Paris : la reine y était traitée de la manière la plus outrageante; sa grossesse avait rangé, parmi ses ennemis, des personnes attachées au prince qui seul, pendant plusieurs années, avait paru devoir donner des héritiers à la couronne. On osait se permettre

heureusement placé dans les bibliothèques, et surtout dans celles des étrangers*. (Note de madame Campan.)

* Nous nous imposcrons, pour ce passage, la même réserve que pour celui dont il est parlé plus haut. Les calomnies de l'abbé Soulavie contre la reine ne seront point citées dans cet ouvrage : ce qu'il s'est permis, tout écrivain qui se respecte se l'interdira. Quant aux étrangers qui placent sans discernement l'ouvrage de l'abbé Soulavie dans leurs bibliothèques, nous serons forcés de dire qu'ils ne sont alors ni d'un goût bien difficile, ni d'un esprit fort éclairé.

(Note des édit.)

les discours les plus inconsidérés; et ces propos se tenaient dans les sociétés où l'on aurait dû sentir le danger imminent de manquer, d'une manière aussi criminelle, à la vérité et au respect que l'on doit à ses souverains. Quelques jours avant l'accouchement de la reine, on jeta dans l'œil-de-bœuf un volume entier de chansons manuscrites sur elle et sur toutes les femmes remarquables par leur rang ou leurs places. Ce manuscrit fut à l'instant remis au roi qui en fut très-offensé, et dit qu'il avait été lui-même à ces promenades; qu'il n'y avait rien vu que de très - innocent; que de pareilles chansons. troubleraient l'union de vingt ménages de la cour et de la ville; que c'était un crime capital d'avoir osé en faire contre la reine elle-même, et qu'il voulait que l'auteur de ces infamies fût recherché, découvert et chàtié. Quinze jours après on savait publiquement que les couplets étaient de M. Champcenetz de Riquebourg (1), qui ne fut pas même inquiété.

J'eus, dans ce temps, la certitude que le roi parla en présence de deux de ses plus intimes serviteurs, à M. de Maurepas, du danger qu'il voyait pour la

(1) Ce monsieur Champcenetz de Riquebourg était connu par beaucoup de chansons dont quelques-unes sont très-bien faites; gai et naturellement satirique, il porta sa gaieté et son insouciance jusqu'au tribunal révolutionnaire, où, après avoir entendu lire sa condamnation, il demanda à ses juges si ce n'était pas là le cas de se faire remplacer.

(Note de madame Campan.)

reine dans ses promenades de nuit sur la terrasse de Versailles, le public se permettant de les blâmer hautement. Le vieux ministre eut la cruelle politique de répondre au roi, qu'il fallait la laisser faire; qu'elle avait de l'esprit, que ses amis avaient beaucoup d'ambition et désiraient la voir se mêler des affaires, et qu'il n'y avait pas de mal de lui laisser prendre un caractère de légèreté (1). M. de Vergennes était tout aussi opposé à l'influence de la reine que l'était M. de Maurepas. Il est donc trèsprésumable, lorsque le premier ministre avait osé trouver, en présence du roi, quelque avantage à laisser la reine se déconsidérer, que lui et M. de Vergennes se servaient de tous les moyens qui sont au pouvoir de ministres puissans, et profitaient des plus légères fautes de cette malheureuse princesse, pour la perdre dans l'opinion publique.

(1) Ce trait digne d'un vieux courtisan, d'un ministre qui sacrifiait, à la conservation de sa place, l'honneur même de son souverain, s'accorde bien avec le portrait que Marmontel a tracé du comte de Maurepas. Nous en citerons ici les passages qui ont le plus de rapport avec sa conduite dans la circonstance que madame Campan rapporte.

<< Une attention vigilante à conserver son ascendant sur l'esprit » du roi, et sa prédominance dans les conseils, le rendaient ja>> loux des choix mêmes qu'il avait faits; cette inquiétude était la >> seule passion qui, dans son ame, eût de l'activité. Du reste, » aucun ressort, aucune vigueur de courage, ni pour le bien, ni » pour le mal; de la faiblesse sans bonté, de la malice sans >> noirceur, des ressentimens sans colère, l'insouciance d'un ave» nir qui ne devait pas être le sien, peut-être assez sincèrement » la volonté du bien public, lorsqu'il le pouvait procurer sans

la

La reine avançait dans sa grossesse ; on faisait chanter des Te Deum en actions de grâces dans toutes les cathédrales. Enfin le 11 décembre 1778, reine sentit les premières douleurs. La famille royale, les princes du sang et les grandes charges passèrent la nuit dans les pièces qui tenaient à la chambre de la reine. Madame, fille du roi, vint au monde avant midi le 19 décembre. L'étiquette de laisser entrer indistinctement tout ce qui se présentait au moment de l'accouchement des reines, fut observée avec une telle exagération, qu'à l'instant où l'accoucheur Vermond dit à haute voix: La reine va accoucher, les flots de curieux qui se précipitèrent dans la chambre furent si nombreux et si tumul

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» risque pour lui-même; mais cette volonté aussitôt réfroidie, » dès qu'il y voyait compromis son crédit ou son repos : tel fut » jusqu'à la fin le vieillard qu'on avait donné pour guide et pour >> conseil au jeune roi. >>

On trouvera dans les éclaircissemens (lettre Q) la première partie de ce portrait aussi remarquable par sa ressemblance avec l'original que par le talent du peintre. Nous devons ajouter seulement dans cette note, que le jugement porté par madame Campan sur la coupable conduite du comte de Maurepas, se trouve confirmé par un écrivain, avec lequel, d'ailleurs, elle est bien rarement d'accord.

« On a su, dit Soulavie, qu'en 1774, 1775 et 1776, M. de Maurepas excitait, entre Louis XVI et son épouse, des rixes particulières qui avaient pour prétexte la conduite trop peu mesurée de la reine. M. de Maurepas avait le goût de se mêler des affaires de famille entre maris et femmes. Les intermédiaires dont il se servit portèrent à la reine le plus grand préjudice. »

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tueux, que ce mouvement pensa faire périr la reine. Le roi avait eu, dans la nuit, la précaution de faire attacher avec des cordes les immenses paravens de tapisserie qui environnaient le lit de Sa Majesté: sans cette précaution ils auraient à coup sûr été renversés sur elle. Il ne fut plus possible de remuer dans la chambre qui se trouva remplie d'une foule si mélangée, qu'on pouvait se croire dans une place publique. Deux savoyards montèrent sur des meubles pour voir plus à leur aise la reine placée en face de la cheminée, sur un lit dressé pour le moment de ses couches. Ce bruit, le sexe de l'enfant que la reine avait eu le temps de connaître par un signe convenu, dit-on, avec la princesse de Lamballe, ou une faute de l'accoucheur, supprimèrent à l'instant les suites naturelles de l'accouchement. Le sang se porta à la tête, la bouche se tourna, l'accoucheur cria: De l'air, de l'eau chaude, il faut une saignée au pied! Les fenêtres avaient été calfeutrées; le roi les ouvrit avec une force que sa tendresse pour la reine pouvait seule lui donner, ces fenêtres étant d'une très-grande hauteur, et collées avec des bandes de papier dans toute leur étendue. Le bassin d'eau chaude n'arrivant pas assez vite, l'accoucheur dit au premier chirurgien de la reine de piquer à sec; il le fit, le sang jaillit avec force, la reine ouvrit les yeux. On eut peine à retenir la joie qui succéda si rapidement aux plus vives alarmes. On avait emporté à travers la foule la princesse de Lamballe sans connaissance. Les

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