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cour,

Presque toutes les femmes agréables de Paris, toujours empressées de jouir de ces sortes de spectacles, avaient été placées sur les gradins qui environnaient l'enceinte du tournoi; cette réunion achevait de compléter la vérité de l'imitation. La reine, environnée de la famille royale et de toute la était placée sous un dais très-élevé. Un spectacle suivi d'un ballet-pantomime, et un bal, terminèrent la fête où ne manquèrent ni le feu d'artifice ni l'illumination. Enfin, un échafaudage d'une prodigieuse hauteur, placé dans un endroit trèsélevé, soutenait dans les airs, au milieu d'une nuit très-noire et par un temps très-calme, ces mots : Vive Louis, vive Marie-Antoinette.

A l'exception du roi, le plaisir seul occupait toute cette jeune famille; ce goût était excité sans cesse par cette foule de gens empressés qui, en prévenant les désirs et même les passions des princes, trouvent le moyen de montrer du zèle et l'espérance de s'attirer ou d'entretenir la faveur.

Qui aurait osé combattre par de froids ou solides raisonnemens les amusemens d'une reine vive, jeune et jolie? Une mère, un mari seuls en auraient eu le droit ; et le roi ne portait aucun obstacle aux volontés de Marie-Antoinette; sa longue indifférence avait été suivie d'un sentiment d'admiration et d'amour : il était esclave de tous les désirs de la reine qui, charmée du changement heureux qui s'était opéré dans le cœur du roi et dans ses habitudes, ne cachait point assez la satisfaction qu'elle

en éprouvait, ni l'ascendant qu'elle prenait sur lui. Le roi se couchait tous les soirs à onze heures précises; il était très-méthodique, et rien ne dérangeait ses habitudes. Il n'avait pas encore une fois cessé de venir partager le lit nuptial; mais le bruit que faisait involontairement la reine quand elle rentrait fort tard des soirées qu'elle passait chez la princesse de Guéménée, ou chez le duc de Duras, finit par importuner le roi; et sans humeur il fut convenu que la reine le préviendrait des jours où elle voulait veiller : alors le roi commença à coucher chez lui, ce qui n'était jamais arrivé depuis l'époque du mariage.

Pendant l'hiver les bals de l'Opéra faisaient passer beaucoup de nuits à la reine; elle s'y rendait avec une seule dame du palais, et y trouvait toujours Monsieur et M. le comte d'Artois; ses gens cachaient leur livrée sous des redingotes de drap gris. Elle croyait n'être jamais reconnue, et l'était par toute l'assemblée, dès le moment où elle entrait dans la salle feignant de ne pas la reconnaître, on établissait toujours quelque intrigue de bal pour lui procurer le plaisir de l'incognito.

Louis XVI voulut une fois aller avec la reine à un bal masqué; il fut convenu que le roi ferait non-seulement son coucher public, mais même son petit coucher. La reine se rendit chez lui par les corridors intérieurs du palais, suivie d'une de ses femmes qui portait un domino noir; elle aida à l'en revêtir, et ils furent seuls gagner la cour de

la chapelle où une voiture les attendait, avec le capitaine des gardes de quartier et une dame du palais. Le roi s'amusa peu, ne parla qu'à deux ou trois personnes qui le reconnurent à l'instant, et ne trouva d'aimable dans le bal que les pierrots et les arlequins; ce que la famille royale s'amusait souvent à lui reprocher.

Un événement, fort simple en lui-même, attira des soupçons fâcheux sur la conduite de la reine. Elle partit un soir avec la duchesse de Luynes, dame du palais sa voiture cassa à l'entrée de Paris; il fallut descendre; la duchesse la fit entrer dans une boutique, tandis qu'un valet-de-pied fit avancer un fiacre. On était masqué, et en sachant garder le silence, l'événement n'aurait pas même été connu ; mais aller en fiacre est pour une reine une aventure si bizarre, qu'à peine entrée dans la salle de l'Opéra, elle ne put s'empêcher de dire à quelques personnes qu'elle y rencontra : C'est moi en fiacre, n'est-ce pas bien plaisant? (1)

(1) Le divertissement des bals, le désir qu'éprouvait la reine d'y goûter au moins l'incognito sous le masque, devaient donner lieu à une foule de ces aventures qui sont un des plaisirs attachés aux travestissemens de ce genre, et que la présence d'un tiers rend toujours innocens. On lit l'anecdote suivante dans un écrit du temps.

«< On chuchote une aventure arrivée au bal que le comte de Viry a donné ; la voici : après le banquet, la reine s'était retirée avec sa suite, et était rentrée, peu de temps après, masquée dans le bal. Sur les trois heures du matin, elle se promenait avec la

De ce moment tout Paris fut instruit de l'aventure du fiacre on dit que tout avait été mystère dans cette aventure de nuit; que la reine avait donné un rendez-vous, dans une maison particulière, à un seigneur honoré de ses bontés; on nommait hautement le duc de Coigny, à la vérité

très-bien vu à la cour, mais autant le roi que

par

par la reine. Une fois que ces idées de galanterie

:

par un

duchesse de La Vauguyon : ces deux masques furent acostés jeune seigneur étranger qui était démasqué, et qui leur parla longtemps, les prenant pour deux femmes de qualité de sa connaissance. La méprise donna lieu à une conversation singulière qui amusa d'autant plus Sa Majesté, que les propos furent légers, agréables, sans être indiscrets. Deux hommes masqués survinrent, se mirent de la partie; après avoir beaucoup ri on se sépara. Les deux dames témoignèrent le désir de se retirer; le baron allemand les conduisit ; un carrosse de remise fort simple se présenta : quand il fut question de monter, madame de La Vauguyon se démasqua. Jugez de la surprise de l'étranger, et comme elle augmenta quand, en se retournant, il reconnut également la personne qui venait de se démasquer le respect et une sorte de confusion succédèrent à la familiarité. L'affabilité de la charmante princesse rassura pourtant l'étranger qui, d'ailleurs, avait eu précédemment l'avantage de faire sa cour à Sa Majesté et d'en être connu. Les plaisanteries qu'il avait à se reprocher sont celles que le masque autorise, surtout en France. La reine le quitta en lui recommandant le secret. Il l'aura gardé sans doute, mais bien inutilement, puisque deux ou trois spectateurs qui se trouvaient là par hasard n'ont pas eu la même discrétion. Au reste, l'étranger, bien fait, aimable, d'une naissance élevée, méritait bien la faveur qu'il a reçue du sort. Quelques jours après, s'étant trouvé sur le passage de la reine, elle lui demanda s'il avait gardé son secret, d'un ton qui peut faire croire qu'elle n'y attachait pas la moindre importance.» (Corresp. secrète de la cour: Règne de Louis XVI.) (Note des édit.)

furent éveillées, il n'y eut plus de bornes à toutes les sottes préventions des agréables du jour, encore moins aux calomnies qui circulaient à Paris sur le compte de la reine: si elle avait parlé à la chasse ou au jeu, à MM. Édouard de Dillon, de Lambertye, ou à d'autres dont les noms ne me sont plus présens, c'étaient autant d'amans favorisés. Paris ignorait que tous ces jeunes gens n'étaient pas admis dans l'intérieur de la reine, et n'avaient pas même le droit de s'y présenter; mais la reine allait déguisée à Paris, elle s'y était servie d'un fiacre; une légèreté porte malheureusement à en soupçonner d'autres, et la méchanceté ne manque pas de supposer ce qui ne peut même avoir lieu. La reine, tranquillisée par l'innocence de sa conduite, et par la justice qu'elle savait bien que tout ce qui l'entourait devait rendre à sa vie privée, parlait avec dédain de ces faux bruits, et se contentait de supposer que quelque fatuité de la part des jeunes gens cités avait donné lieu à ces méchancetés. Elle cessait alors de leur adresser la parole, et même de les regarder. Leur vanité en était blessée, et le plaisir de la vengeance les portait à dire ou à laisser penser qu'ils avaient eu le malheur de cesser de plaire. D'autres jeunes fats avaient la présomption de croire qu'ils étaient remarqués par la reine, en se plaçant près de la loge grillée où Sa Majesté se rendait incognito, à la comédie de la ville de Versailles; et j'ai vu des prétentions s'établir uniquement parce que la reine avait prié un de ces Messieurs de s'in

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