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uns de ses rayons fascinateurs; si un parti, formé au sein même de la cour, cherchait à faire tomber une princesse autrichienne, sans songer que les coups portés contre elle ébranlaient d'autant le trône, on pensera, je dois le dire, que c'était à cette princesse à veiller sur ses moindres démarches, à rendre sa conduite inattaquable; mais que l'on n'oublie pas sa jeunesse, son inexpérience, son isolement. Non, elle n'était pas coupable; l'abbé de Vermond était toujours le seul guide de la reine; en âge et en droit de lui représenter combien étaient graves les suites de ses moindres légèretés, il ne le fit pas; elle continua à chercher, sur le trône, les plaisirs de la société privée, et ce goût n'alla même qu'en augmentant.

Un an après la nomination de madame la princesse de Lamballe à la place de surintendante de la maison de la reine, les bals et les quadrilles amenèrent la liaison de la reine avec la comtesse Jules de Polignac. Elle inspira à Marie-Antoinette un véritable intérêt. La comtesse n'était pas riche, et vivait habituellement à sa terre de Claye. La reine s'étonna de ne l'avoir point vue plus tôt à la cour. L'aveu que son peu de fortune l'avait même privée de paraître aux fêtes des mariages des princes, vint encore ajouter à l'intérêt qu'elle inspira.

La reine était sensible et aimait à réparer les injustices du sort. La comtesse avait été attirée à la cour par la sœur de son mari, madame Diane de Polignac, qui avait été nommée dame de madame

la comtesse d'Artois. La comtesse Jules aimait véritablement la vie paisible; l'effet qu'elle produisit à la cour la toucha peu; elle ne fut sensible qu'à l'attachement que la reine lui témoignait. J'eus occasion de la voir dès le commencement de sa faveur; elle passa plusieurs fois des heures entières avec moi, en attendant la reine. Elle m'entretint avec franchise et ingénuité de tout ce qu'elle entrevoyait, d'honorable et de dangereux à la fois, dans les bontés dont elle était l'objet. La reine recherchait les douceurs de l'amitié; mais ce sentiment, déjà si rare, peut-il exister dans toute sa pureté entre une reine et une sujette, environnées d'ailleurs de piéges tendus par l'artifice des courtisans? Cette erreur bien pardonnable fut fatale au bonheur de Marie-Antoinette, parce que le bonheur ne se trouve point dans les chimères.

On ne peut parler trop favorablement du caractère modeste de la comtesse Jules, devenue duchesse de Polignac ; je l'ai toujours considérée personnellement comme la victime d'une élévation qu'elle n'avait point briguée : mais si son cœur était incapable de former des projets ambitieux, sa famille et ses amis virent leur propre fortune dans la sienne, et cherchèrent à fixer d'une manière invariable la faveur de la reine.

La comtesse Diane, sœur de M. de Polignac, le baron de Besenval et M. de Vaudreuil, amis particuliers de la famille Polignac, employèrent un moyen dont le succès était infaillible. Un de mes

amis qui avait leur secret ( le comte Demoustier), vint me raconter que madame de Polignac allait quitter Versailles subitement; qu'elle ne ferait d'adieux à la reine que par écrit; que la comtesse Diane et M. de Vaudreuil lui avaient dicté sa lettre, et que toute cette affaire était combinée dans l'intention d'exciter l'attachement jusqu'alors stérile de Marie-Antoinette. Le lendemain, quand je montai au château, je trouvai la reine tenant une lettre qu'elle lisait avec attendrissement; c'était la lettre de la comtesse Jules; la reine me la montra. La comtesse y témoignait sa douleur de s'éloigner d'une princesse qui l'avait comblée de ses bontés. La médiocrité de sa fortune lui en imposait la loi; mais bien plus encore la crainte que l'amitié de la reine, après lui avoir attiré de dangereux ennemis, ne la laissât livrée à leur haine, et au regret d'avoir perdu l'auguste bienveillance dont elle était l'objet.

Cette mesure eut tout l'effet qu'on en avait attendu. Une reine jeune et vive ne supporte pas long-temps l'idée d'une contradiction. Elle s'occupa plus que jamais de fixer madame la comtesse Jules près d'elle, en lui faisant un sort qui pût la mettre à l'abri de toute inquiétude. Son caractère lui convenait; elle n'avait que de l'esprit naturel, point de prétentions, point de savoir affecté. Sa taille était moyenne, son teint d'une grande fraîcheur, ses yeux et ses cheveux très-bruns, ses dents superbes, son sourire ench:pteur, toute sa per

sonne était d'une grâce parfaite. Elle n'aimait pas la parure, on la voyait presque toujours dans un négligé, recherché seulement par la fraîcheur et le bon goût de ses vêtemens; rien n'avait l'air d'être placé sur elle avec apprêt, ni même avec soin. Je ne crois pas lui avoir vu une seule fois des diamans, même à l'époque de sa plus grande fortune, et quand elle eut à la cour le rang de duchesse ; j'ai toujours cru que son sincère attachement pour la reine, autant que son goût pour la simplicité, lui faisait éviter tout ce qui pouvait faire croire à la richesse d'une favorite. Elle n'avait aucun des défauts qui accompagnent presque toujours ce titre. Elle aimait les personnes que la reine affectionnait, et n'était susceptible d'aucune jalousie (1). Marie

(1) L'image de madame la duchesse de Polignac s'est souvent présentée à l'esprit de madame Campan, et toujours sous des traits aussi gracieux. Elle a plusieurs fois tracé son portrait d'une manière différente dans ses nombreux manuscrits. Une de ses esquisses nous a paru mériter qu'on la conservât, parce qu'elle a beaucoup de naturel et de simplicité, sans en avoir moins de charmes, et que par cela même elle se rapproche davantage du

modèle. Voici ce morceau.

« Mais revenons à des temps plus heureux. La danse fut le plaisir en vogue pendant l'hiver suivant; la reine arrangeait souvent des quadrilles et faisait le choix des danseurs. La richesse et la nouveauté de leurs habits formaient un spectacle brillant. Ces fêtes attirèrent à la cour la comtesse Jules de Polignac. La reine la remarqua, et lui témoigna son étonnement de ne l'avoir plus tôt. La comtesse lui répondit, sans affectation et sans honte, qu'elle était pauvre, qu'elle avait craint la dépense des fêtes des mariages. Cet aveu augmenta l'intérêt que la reine prenait à ma

pas vue

Antoinette se flattait que la comtesse Jules et la princesse de Lamballe seraient ses amies particulières, et qu'elle aurait une société choisie selon son goût. « Je la recevrai dans mes cabinets ou à » Trianon, disait-elle ; je jouirai des douceurs de » la vie privée, qui n'existent pas pour nous, si >> nous n'avons le bon esprit de nous les assurer. » Ma mémoire m'a rappelé fidèlement tout le charme qu'une illusion si douce faisait entrevoir à la reine, dans un projet dont elle ne pénétrait ni l'impossibilité ni les dangers. Le bonheur qu'elle

dame de Polignac ; elle la revit plusieurs fois, la reçut chez elle, et s'y attacha chaque jour davantage.

>>Madame de Polignac était plus reconnaissante qu'enorgueillie de l'amitié dont elle était l'objet. Dans le temps où elle commençait à venir le matin chez la reine, elle m'entretint plus d'une fois avec franchise de ce qu'elle voyait d'honorable et à la fois de dangereux dans les bontés de Marie-Antoinette. Tout ce que disait madame de Polignac était empreint d'un caractère séduisant de vérité. Sa personne était remplie du naturel qui charmait dans ses discours. Elle ne visait pas à l'esprit; elle n'était pas essentiellement belle, mais un sourire enchanteur, de beaux yeux bruns pleins de bienveillance, je ne sais quelle grâce négligée qui se cachait dans chacun de ses mouvemens, la faisaient remarquer au milieu des plus belles, et sa conversation naïve la faisait écouter de préférence à tous les efforts du bel esprit. Bonne, égale dans son humeur, inaccessible à la jalousie, dépourvue d'ambition, aimant tous ceux qu'aimait son auguste amie, madame de Polignac a joui de la plus haute faveur sans avoir jamais aucun des défauts des favoris. Ses amis l'ont, il est vrai, poussée plus d'une fois hors de son caractère, son élévation fut pour eux un moyen de fortune. Ce fut à eux qu'elle dut toutefois, dans ce premier moment, l'avantage de voir l'amitié de la reine confirmée par des bienfaits. » (Note des édit.)

et

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