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des qualités dignes d'obtenir la plus grande popularité. En douterait-on si, comme moi, on l'eût entendue raconter avec délices les détails des mœurs patriarchales de la maison de Lorraine? Elle disait qu'en les transportant en Autriche, ces princes y avaient fondé l'inattaquable popularité dont jouissait la famille impériale (1). Elle m'a souvent raconté de quelle manière touchante les ducs de Lorraine levaient les impôts. Le prince souverain se rendait à l'église, me disait-elle; après le prône il se levait, agitait son chapeau en l'air pour indiquer qu'il allait parler, et disait ensuite quelle était la somme dont il avait besoin. Tel était le zèle des bons Lorrains, qu'on avait vu des hommes dérober, à l'insu de leurs femmes, le linge ou quelques us-tensiles de ménage, et aller vendre ces objets pour augmenter la contribution; aussi arrivait-il souvent que le prince recevait plus d'argent qu'il n'en avait demandé, alors il le faisait rendre.

Tous ceux qui connurent les qualités privées de la reine, savent qu'elle méritait autant d'estime que d'attachement; bonne et patiente jusqu'à l'excès dans les détails de son service, elle appréciait avec indulgence toutes les personnes qui lui étaient attachées, s'occupait de leur sort et même de leurs plaisirs. Elle avait parmi ses femmes de jeunes

(1) Lisez dans les éclaircissemens historiques (lettre I) des particularités curieuses sur la simplicité de la cour de Vienne. (Note des édit.)

filles sorties de la maison de Saint-Cyr, et toutes fort bien nées; la reine leur interdisait le spectacle lorsque les pièces ne lui paraissaient pas d'une moralité convenable : quelquefois, lorsqu'on représentait d'anciennes comédies, sa mémoire se trouvant en défaut pour les juger, elle prenait la peine de les lire dans la matinée, et prononçait ensuite si les demoiselles pouvaient aller au spectacle, se regardant avec raison comme chargée de veiller aux mœurs et à la conduite de ces jeunes personnes.

Je trouve du plaisir à pouvoir consigner ici la vérité sur deux qualités estimables que la reine possédait aussi au plus haut degré, la sobriété et la décence. Elle ne mangeait habituellement que de la volaille rôtie ou bouillie, et ne buvait que de l'eau. Elle ne témoignait de goût particulier que pour son café du matin, et une sorte de pain auquel elle avait été accoutumée dans son enfance, à Vienne.

Sa modestie était extrême dans tous les détails de sa toilette intérieure; elle se baignait vêtue d'une longue robe de flanelle boutonnée jusqu'au col, et, tandis que ses deux baigneuses l'aidaient à sortir du bain, elle exigeait que l'on tînt devant elle un drap assez élevé pour empêcher ses femmes de l'apercevoir. Cependant un nommé Soulavie a osé écrire, dans le premier volume d'un ouvrage des plus scandaleux, que la reine était d'une effroyable immodestie; qu'elle se baignait nue, et qu'elle avait reçu dans cet état un ecclésiastique vénérable. Quel châtiment ne devrait-on pas infliger à des libellistes

qui osent vouloir donner à leurs perfides mensonle caractère de Mémoires historiques (1)!

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(1) On partage l'indignation qu'éprouve madame Campan, quand on a lu, dans l'abbé Soulavie, les détails qu'elle dément avec une honorable vivacité. Comment un historien, qui devait avoir quelque critique, a-t-il pu accueillir des assertions aussi mensongères? Comment un homme qui a quelque pudeur, comment un prêtre a-t-il osé les écrire? On conçoit, après avoir lu ce passage de ses Mémoires historiques, pourquoi l'on hésite à les consulter, et comment de pareilles assertions jettent du discrédit sur les choses très-vraies qu'il a pu dire dans le même ouvrage.

(Note des édit.)

CHAPITRE V.

Révision des papiers de Louis XV par Louis XVI. Homme au masque de fer. - Intérêts qu'avait le feu roi dans des compagnies de finances. — Son égoïsme. -Représentation d'Iphigénie en Aulide à laquelle assiste Marie-Antoinette. - Ivresse générale. Le roi donne le petit Trianon à la reine. - Plaisir qu'elle trouve à y vivre simplement. - Reproches sur sa prodigalité: combien ils sont injustes. Ses ennemis font courir le bruit qu'elle a donné le nom de Schoenbrunn ou de petit Vienne à Trianon : elle en est indignée. — Voyage de l'archiduc Maximilien en France. Questions de préséances.

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venture de l'archiduc. Couches de madame la comtesse d'Artois. Les poissardes crient à la reine de donner des héritiers au trône. Sa douleur. - Petit villageois recueilli par elle. Mort du duc de La Vauguyon. Anecdote. - Portrait de Louis XVI. — De M. le comte de Provence.

De M. le comte d'Artois. - Scènes d'intérieur. - Aiguille d'une pendule avancée chez la reine : à quelle occasion. Réflexions.

Louis XVI, pendant les premiers mois de son règne, avait séjourné à la Muette, à Marly, à Compiègne. Lorsqu'il fut fixé à Versailles, il travailla à la révision générale des papiers de son aïeul. Il avait promis à la reine de lui communiquer ce qu'il découvrirait, relativement à l'histoire de l'homme au masque de fer: il pensait, d'après ce qu'il en avait entendu dire, que ce masque de fer n'était devenu un sujet si inépuisable de conjec

tures , que par l'intérêt que la plume d'un écrivain célèbre avait fait naître sur la détention d'un prisonnier d'État qui n'avait que des goûts et des ha

bitudes bizarres.

J'étais auprès de la reine lorsque le roi, ayant terminé ses recherches, lui dit qu'il n'avait rien trouvé dans les papiers secrets d'analogue à l'existence de ce prisonnier; qu'il en avait parlé à M. de Maurepas, rapproché, par son âge, du temps où cette anecdote aurait dû être connue des ministres, et que M. de Maurepas l'avait assuré que c'était simplement un prisonnier d'un caractère très-dangereux par son esprit d'intrigue, et sujet du duc de Mantoue. On l'attira sur la frontière, on l'y arrêta, et on le garda prisonnier, d'abord à Pignerol, puis à la Bastille. Ce transfert d'une prison à l'autre eut lieu parce que le gouverneur de la première fut nommé gouverneur de la seconde. Il connaissait les ruses de son prisonnier, et le prisonnier suivit le geôlier; et de peur que celui-ci ne profitât de l'inexpérience d'un gouverneur novice, le gouverneur de Pignerol vint à la Bastille.

Telle est effectivement la véritable aventure de l'homme auquel on s'est amusé à mettre un masque de fer. C'est ainsi qu'elle a été écrite et publiée par M. ***, il y a une vingtaine d'années. Il avait fait des recherches dans le dépôt des affaires étrangères, et il y avait trouvé la vérité: il la fit connaître au public; mais le public, attaché à une version qui lui offrait l'attrait du merveilleux, n'a

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