Non fans doute, ce n'eft pas Jéfus-Chrift qui a fondé la prétendue réforme : il n'eft pas defcendu de nouveau du ciel en terre pour cela; il n'a apparu, il n'a parlé à ce fujet à perfonne; il n'a pas plus fondé le lutheranisme & le calvinifme, qu'il n'avoit fondé auparavant l'arianisme, le neftorianisme, &c.; & toutes ces héréfies ont eu leurs chefs particuliers, dont elles portent le nom; elles font toutes nées dans le fein de l'églife catholique romaine; elles ont été par elle retranchées de fon fein aucune d'elles n'eft donc fondée par Jéfus-Chrift; le fait eft évident & net mérite aucune difcuffion. Mais fi la prétendue réforme n'a pas eu Jéfus-Chrift pour fondateur, il eft certain par-là même, qu'elle n'a point eu pour conducteurs des miniftres envoyés de fa part, & cette réflexion eft importante. Cette réforme étoit l'objet fur lequel ane miffion expreffe eût été la plus néceffaire cependant Luther, Calvin & leurs difciples n'ont point eu cette miffion, & par conféquent ce n'eft pas de la part de Jéfus-Chrift & en fon nom, que les égli fes réformées ont été fondées par eux, & conduites par leurs fucceffeurs. C'eft ce que je vais vous développer. I. Il falloit réformer l'églife de JéfusChrift, & en fonder une autre à sa place; car c'eft-là ce qu'ont fait Luther & Calvin. Oui, ils ont ofé entreprendre de réformer l'églife de Jéfus-Christ, car ils ont prétendu réformer l'églife catholique romaine, & cette églife romaine étoit l'églife de Jéfus-Chrift, puifqu'il n'y en avoit point d'autre fur la terre qui le fût : mais de leur part quelle audace! Au moins n'eût-il pas fallu, pour un tel projet, la miffion la plus précife & la plus éclatante? Quoi, il étoit defcendu du ciel ce Dieu fuprême, il avoit abrogé la loi de Moyfe, qui ne devoit durer qu'un certain tems, & qui portoit en elle-même la prédiction perpétuelle de fon abrogation; cependant pour l'abroger & lui fubftituer fa propre églife, fa chere églife, il avoit répandu fon fang adorable, il avoit donné enfuite à une multitude de difciples la miffion la plus authentique Comme mon pere m'a envoyé, leur avoit-il dit, je vous envoie (a), comme des brebis au milieu des loups (b) par le pouvoir que j'ai reçu du ciel, je vous l'ordonne, allez, enfeignez tous les hom mes (c); & pour leur fournir comme des lettres de créance, qui montraffent aux hommes qu'ils venoient de fa part, il leur (a) Jean 20. 21. avoit donné le pouvoir d'opérer les plus grands prodiges: Ceux qui auront cru, leur avoit-il dit, chafferont les démons en mon nom, ils parleront de nouvelles langues (a) ils prendront les ferpens avec les mains; s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal; ils impoferont les mains fur les malades & ils feront guéris. L'effet avoit fuivi la prédiction: Ils précherent, dit encore le texte facré, le Seigneur operant avec eux, & confirmant leurs difcours par une multitude de prodiges (b). Ces prodiges accompagnerent la prédica tion de l'évangile avec tant d'éclat & de furabondance , que la feule ombre de Pierre (c), les feuls linceuls de Paul guériffoient les maux les plus incurables, (d), &c. Voilà donc la miffion la plus expreffe, & pour la confirmer, les miracles les plus multipliés. Mais ici il eût fallu des actes de miffion encore bien plus manifeftes, des prodiges bien plus éclatans & en bien plus grand nombre il ne falloit pas feulement élever un autre édifice, mais renverfer celui qui étoit déja conftruit; & par qui conftruit? non feulement par Moyfe, qui avoit prédit que le fien devoit tomber, mais par Jéfus-Chrift, qui avoit affuré que celui-ci fubfifteroit toujours; quelle entreprise! Comment les prédicateurs précheront-ils, s'écrioit faint Paul dans fon épître aux Romains, s'ils ne font envoyés ( a ) ? Nul ne doit, ajoutoit-il dans fon épître aux Hébreux, s'attribuer à lui-même l'honneur, mais feulement celui qui y eft appellé de Dieu comme Aaron (b). Mais voici des hommes dans des principes bien différens ils prêchent & ils s'attribuent l'honneur fuprême de renverfer par leur voix & par leur fouffle, le trône de Pierre que Jéfus-Chrift avoit fondé de fes propres. mains, en affurant qu'il dureroit toujours; ils prétendent même d'en élever d'autres cependant qui le croiroit? ils ne font envoyés par perfonne. II. En effet ils n'ont aucune espece de miffion, & le fait eft inconteftable. Ce n'eft pas l'églife catholique, dans le fein de laquelle ils étoient nés, qui les a envoyés pour prêcher une doctrine oppofée à la fienne : au contraire, elle leur a dit, vous prêchez mal, & elle les a excommuniés. (a) Rom. 10. 15. En fortant de cette églife, ils ne fe font pas réunis à d'autres fociétés, pour remonter par elles plus haut qu'ils ne le pouvoient par eux-mêmes. Jésus-Chrift n'a apparu à aucun d'eux pour leur donner fa miffion, & ils ne s'en font pas même vantés. Ils n'ont fait aucune efpece de miracles. Comment pourroient-ils donc prouver que Dieu les a envovés? Ce font des hommes qui, parce qu'ils prétendent favoir bien le droit & les principes du gouvernement, veulent être les magiftrats du roi : que dis-je ? fes chanceliers, fes miniftres, & gouverner à leur gré fes états, en changer la conftitution, en bouleverfer toute l'administration, par leur propre & feule autorité, fans aucunes provifions du prince. III. Mais dès que Luther & Calvin n'ont eu aucune miffion de Dieu, ni par conféquent aucun droit de fonder la prétendue réforme, ceux qu'ils ont préposés après eux, n'ont eu aucun droit de la gouverner; Luther & Calvin n'ont pu leur tranfmettre une autorité, une miffion qu'ils n'avoient pas eux-mêmes. Il faut obferver que Luther n'étoit pas évêque, mais simple prêtre, & que cependant, suivant l'ordre hiérarchique établi par les apôtres & constamment fuivi |