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péché mortel? Cette égalité entre deux ames fi différentes fera-t-elle mefurée fur les regles de la juftice exacte & rigoureuse que Dieu fuit à l'égard des hommes après leur mort?

Il faut donc néceffairement reconnoître une juste mesure de peines temporelles à acquitter en punition des péchés, après la mort, par ceux qui ne l'auront pas acquittée en cette vie.

LE PRO TESTA N T.

Je ne vois rien à répondre, Monfieur, à ce que vous venez de me développer; l'existence du purgatoire me paroît établie très-folidement par l'écriture, la tradition & la raison.

Mais c'eft fur le troisieme point, qui concerne les indulgences, que j'ai fur-tout besoin d'inftruction; j'en ai entendu parler quelquefois à nos miniftres avec mépris, & je n'ai pas trop compris ce qu'ils vouloient dire.

LE DOCTEUR.

Je vais vous expofer nettement à cet égard la doctrine catholique, & vous verrez que cette expofition fimple fuffira pour en montrer la vérité.

I. Il faut diftinguer quant au péché la coulpe & la peine, la coulpe du mot latin

culpá,

culpa, c'est le péché lui-même en tant qu'il rend l'ame coupable, qu'il la met dans la difgrace de Dieu & la retient habituellement dans cet état, jufqu'à ce qu'il lui foit remis. -La peine, c'eft la punition que le péché mérite: peine éternelle de l'enfer pour le péché mortel; peine temporelle, tant pour le péché mortel remis, que pour les péchés véniels, & cette peine eft plus ou moins forte, fuivant le nombre & l'énormité de ces péchés divers.

II. La rémiffion de la coulpe du péché & des peines éternelles s'appelle abfolution; elle eft donnée par le facrement de pénitence: la peine temporelle eft acquittée par les pénitences qu'impofent les ministres de ce facrement, par les prieres, les aumônes & les autres oeuvres fatisfactoires que font les pénitens, ou elle eft remise par les indulgences qu'accorde l'églife.

III. On appelle donc indulgence, la rémiffion faite par l'églife des peines qu'elle a impofées, ou qui font dues d'ailleurs à la justice de Dieu par les pécheurs; rémiffion que l'église ne leur accorde qu'en leur impofant certaines œuvres pieuses.

İV. Cette église a en effet reçu de JéfusChrift deux pouvoirs, l'un de remettre la coulpe du péché & fa peine éternelle, ainfi qu'on le voit par ces paroles de JéfusChrift, les péchés feront remis à ceux à qui

vous les remettrez; & l'autre, plus étendu, exprimé par ces autres paroles adreffées tant à S. Pierre en particulier, qu'enfuite aux apôtres réunis, tout ce que vous lierez fur la terre fera lié au ciel, & tout ce que vous délierez fur la terre, fera délié au ciel.

V. L'église ne peut pas favoir quelle eft la mesure des peines temporelles que la juftice de Dieu exige de chaque pécheur, attendu que cette mesure dépend de l'énormité de fes péchés, de l'ardeur de fa contrition, des œuvres fatisfactoires qu'il a déja accomplies & d'autres circonftances qui ne peuvent être connues que de Dieu feul; mais cette église a toujours impofé des pénitences à ceux dont elle a remis les péchés & fuivant la diverfité des tems: ces pénitences ont été très-différentes; c'est un point de difcipline qui ne touche point le dogme, mais d'ailleurs cette différence eft fondée fur des raisons évidentes qu'ici je vais vous développer.

La mesure des peines temporelles dues pour le péché eft fans doute très-forte, à en juger par la majefté infinie du Dieu qu'il offenfe, par la rigueur des pénitences qu'en ont fait d'eux-mêmes des pécheurs vraiment touchés de la grace, par les vengeances qu'exerçoit quelquefois le Seigneur fous l'ancienne alliance pour des fautes qui ne fembloient pas énormes; Oza, par

exemple, eft frappé de mort pour avoir touché l'arche du Seigneur, tant de Bethfamites font foudroyés de même pour l'avoir regardée, &c.

Il étoit donc très-convenable que dans la ferveur des premiers tems du chriftianifme l'église impofât aux pécheurs des pénitences féveres, longues, fouvent même publiques & jufqu'à la mort, pour leur faire mieux concevoir l'énormité du péché, pour les préferver plus efficacement contre les rechûtes, pour édifier les païens & fanctifier de plus en plus les fideles.

Mais il falloit auffi, dans les fiecles fuivans, quand cette primitive ferveur a été fi fort ralentie, adoucir cette ancienne rigueur, de peur que des pécheurs devenus plus audacieux ne s'affermiffent dans le péché par la crainte d'une trop rigoureuse pénitence.

Cette diverfité de difcipline quant à des pénitences plus ou moins fortes, ne dérogeoit point aux droits de Dieu, qui avoit bien toujours en main les moyens de faire fubir en l'autre vie les peines qui ne l'auroient pas été en celle-ci. Il valoit mieux fans doute arracher des pécheurs à l'enfer, en leur faifant faire ici-bas une moindre partie de leur pénitence & leur en laiffant une partie plus forte à remplir en purgatoire, que de les abandonner à la mort éternelle.

VI. Mais fi l'église imposoit ainfi d'abord de rigoureuses pénitences, elle les adouciffoit enfuite, elle les abrégeoit, fuivant les difpofitions des pénitens, leurs œuvres & bien d'autres circonftances; en un mot, elle ufoit à leur égard d'indulgence.

C'eft ainfi que S. Paul, après avoir excommunié l'inceftueux de Corinthe voyant combien il en avoit été frappé luimême & toute cette églife effrayée, fe hâta de le faire rentrer dans la communion des fideles (a).

L'églife ayant égard dans les premiers fiecles aux mérites des confeffeurs mis dans lès fers pour la foi de Jéfus-Chrift, & les appliquant à ceux qu'ils recommandoient, abrégeoit les pénitences qu'elle avoit impofées.

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VII. Ce qu'a fait enfuite dans tous les fiecles cette fainte église & jufqu'à présent, par le même droit, dans le même efprit avec la même utilité pour les fideles, c'est que pour les animer à certaines œuvres de religion, pour les faire accourir avec plus d'ardeur aux grandes folemnités, pour les rendre plus fideles à faire fouvent les principaux actes du chriftianifme, tels que ceux de for, d'efpérance & de charité, elle a attaché à tous ces exercices des in

(e) 1, Cor. 5, 5. 2, cor. 2, v. 6, 7, 8.

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