Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

n'y a rien de fi embarrasse, fi obscur, fi ambigu, fi tortueux dans Bucer même. (a) Calvin difoit encore que Mélanthon & Bucer compofoient fur la tranffubftantiation des formules de foi équivoques & trompeufes, pour voir s'ils pourroient contenter leurs adverfaires, en ne leur accordant rien. (k)

Mais les variations des prétendus réformés parurent fur-tout dans les actes publics & folemnels.

Charles V convoqua la fameufe diete de Hambourg pour remédier aux troubles que le nouvel évangile avoit excités dans toute l'Allemagne ; il s'y rendit le 15 juin 1730. Les réformés y préfenterent trois formules de foi différentes, celle d'Ausbourg, celle de Strasbourg, toutes deux Luthériennes, & celle de Zuingle facramentaire. On a aujourd'hui de celle d'Ausbourg quatre éditions fort différentes, fans qu'on puiffe favoir quelle eft la véritable & l'originale. Mélanethon en la compofant, écrivoit fouvent à Luther. Voici ce qu'il lui marque dans une de fes lettres: Il nous faut fouvent changer les articles de foi, & les accommoder aux circonflances. (1) Dans une autre il ajoute : Je changeois &

Epift. Calv. pag. 50.

b) Epift. Calv. pag. 118

rechangeois tous les jours quelque chofe; j'aurois changé beaucoup davantage, fi nos compagnons nous l'avoient permis; mais ils ne se mettent en peine de rien; auffi je fuis accablé de cruelles inquiétudes, de foins infinis & d'insupportables regrets. (a)

On fait que les variations du feul Mélancthon, dont M. Boffuet eft obligé de faire, dans fon cinquieme livre, un fi long détail, ont été perpétuelles, ainsi que celles des autres difciples de Luther ou de Calvin; delà vient que les fectes proteftantes fe font multipliées à l'infini.

LE PROTESTANT.

Je n'en fuis pas furpris. Dès qu'en fait de religion on n'a plus de point fixe, & que tout eft foumis à l'examen de chaque particulier, les variations doivent être inévitables, & alors il en eft de la croyance des dogmes comme des opinions des philofophes fur lesquelles on change, suivant que de nouvelles connoiffances y déterminent, que de nouvelles réflexions y engagent, ou que des motifs fecrets d'orgueil, d'intérêt, ou de quelque autre paffion y portent.

LE DOCTEUR.

Ah! Monfieur, je fuis enchanté de vous

(a) Lib. 4, Epift. 95.

entendre raisonner fi jufte. J'en bénis Dieu de tout mon cœur.

Discutons à préfent les articles fur lefquels les prétendus réformés ont paru abandonner la doctrine de leurs premiers fondateurs. Je vous en ai cité trois, la liberté de l'homme, la juftification, & le mérite des bonnes œuvres. Commençons par la liberté de l'homme.

On a peine à comprendre comment Luther, Calvin & leurs premiers difciples ont ofé avancer, contre la conviction la plus conftante du fens intime, qu'il n'y a en nous aticune liberté. Cependant Luther l'enfeigna ouvertement, & dans fon livre De fervo arbitrio, il entreprit de le prouver comme un des fondemens de fa doctrine. Il eft impoffible, difoit-il, qu'aucun autre que Dieu foit libre: fa prefcience & sa providence font que toutes chofes arrivent par une immuable, éternelle & inévitable volonté de Dieu, qui foudroie & met en pieces le libre arbitre. (a)

Il ajoute dans le même livre que le libre arbitre eft un vain titre fans réalité, & que Dieu fait en nous le mal comme le bien. (b)

Il prétend cependant que Dieu punit

[blocks in formation]

justement le mal que nous faifons ou plutôt qu'il fait en nous: La grande perfection de la foi, dit-il, eft de croire que Dieu eft jufte, quoiqu'il nous rende néceffairement damnables par fa volonté, enforte qu'il femble fe plaire au fupplice des malheureux.

Dieu nous plait, dit-il encore, quand il couronne des indignes, il ne doit pas nous déplaire quand il condamne des innocens.

En finiffant cet ouvrage contre le libre arbitre, il affure que tout ce qu'il a avancé, il la dit, non en examinant, mais en déterminant, n'entendant le foumettre au jugement de perfonne.

Ce ton de hauteur réuffiffoit à Luther. Sa doctrine fur ce point devint celle de tout fon parti. Mélanathon difoit après lui: La prefcience de Dieu rend le libre arbitre abfolument impoffible; Dieu n'eft pas moins caufe de la trahifon de Judas que de la converfion de S. Paul. (a)

Mais Calvin fur-tout s'attacha à foutenir ce point de la doctrine de Luther. Voici le titre qu'il met à la tête du fecond livre de fes inftitutions: L'homme eft à préfent dépouillé du libre arbitre, & captif fous une miférable fervitude. Pour le prouver il emploie quatre grands chapitres où il foutient, comme Luther, que le péché,

(a) Comment. in Epift. ad Rom.

quoique commis nécessairement, eft justement imputé à l'homme.

Vous comprenez, Monfieur , que ce prétendu défaut de liberté dans l'homme a un rapport effentiel avec fa juftification & le mérite de fes bonnes oeuvres. Auffi les patriarches de la réforme renverferentils toutes les notions qu'on avoit toujours eues dans l'églife fur ces deux derniers articles.

Mais avant de les examiner, je vous le demande, faviez-vous que les fondateurs des fociétés proteftantes avoient enfeigné que nous n'avions aucune liberté è

LE PROTESTANT.

Non, Monfieur, perfonne ne me l'avoit dit. J'avois bien entendu prêcher dans nos églifes que fans la grace de Dieu nous ne pouvions rien pour le falut éternel; mais en même tems nos prédicateurs nous exhortoient à correfpondre à la grace; ce qui fuppofe que nous fommes libres.

LE DOCTEUR.

Il faut bien qu'on prêche ainfi, puifqu'on fe propofe d'exciter les hommes à la pratique du bien & à la fuite du mal.

Si un prédicateur difoit à fon auditoire: << Mes freres, depuis le péché originel » l'homme n'a plus de liberté : toutes fes

« ZurückWeiter »