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favans, & par conféquent le moyen de rendre leur foi certaine doit être à leur portée, & commun à tous; or la difcuffion de l'écriture ne l'eft pas, pour trois. raifons évidentes.

Tous ne favent pas lire; quand ils le fauroient, tous ne peuvent pas avoir le livre; quand ils l'auroient, tous ne feroient pas en état de le comprendre.

1o. Fous ne favent pas lire : que dis-je ? généralement parlant, jufqu'à ces trois. derniers fiecles, très-peu de perfonnes ont fu lire; ce n'eft que depuis ces trois fiecles que, par l'invention de l'Imprimerie, les livres fe font multipliés pendant les quinze premiers fiecles de l'églife, le plus grand nombre des fideles ne favoit pas lire.

2o. Tous ne peuvent pas avoir le livre : ce livre c'est tout le corps de l'ancien & du nouveau teftament; il faudroit que chacun l'eût dans fa langue, ou du moins dans une langue qu'il eût apprife: le trouve-t-on donc ainfi par-tout? tous. ont-ils les facultés néceffaires pour s'en pourvoir? quoi! dans tous les états, dans les villages, dans les campagnes écartées?

3°. Tous ne peuvent pas le comprendre : ou plutôt qui pourra s'en flatter? les faints peres, les favans, les commentateurs s'y perdent; les volumes d'interprétations

font fans nombre, & les opinions varient au point que fur tels textes, il y a vingt, trente, quarante fens différens, & précifément fur les plus effentiels, fur celuici par exemple, qui ne préfente que quatre mots, mais qui eft fi capital, ceci eft mon corps; & tous les payfans, les filles, les femmes, les idiots, tous, tous, oferont dire, pour moi j'entends bien l'écriture! quel paradoxe !

Mais je vais à préfent bien plus loin, & je dis ; la difcuffion de l'écriture qui feroit néceffaire pour rendre la foi de chaque particulier certaine, eft abfolument impoffible, non pas feulement aux fimples, mais aux plus favans, aux plus grands génies..

Car, remarquez-le, Monfieur, je vous prie : cette réflexion eft décifive.

Dès que ce ne feroit pas l'autorité de l'église qui détermineroit le fens de l'écri→ ture, ce ne feroit pas non plus l'autorité d'aucun autre corps, d'aucun autre homme. Vous Luther, vous n'avez aucune autorité fur la croyance de Calvin, ni vous Calvin, fur celle de Zuingle, ni aucun de vous, ni vous tous, fur la croyance d'aucun. homme, quel qu'il puiffe être. Il faut felon vous, par l'inftitution de JéfusChrist , que ce foit chaque fidele qui fafle lui-même, & pour le propre compte

de fon ame, la difcuffion de l'écriture, fur tous les articles dont la connoiffance eft néceffaire au falut.

Or je foutiens que cela eft abfolument impoffible, non pas feulement à tout fidele, mais à aucun fidele quel qu'il foit.

En effet il faudroit pour cela, 1°. que tout fidele connût avec certitude quelle eft la véritable écriture. 2°. Qu'il fût affuré de fon véritable fens.

Or l'un & l'autre eft impoffible.

I. I eft impoffible de s'affurer par la feule écriture, quels font les livres & les portions de livres qui la compofent.

,

Ce chef de difficultés en renferme trois. Le livre même, le texte particulier du livre, & fa traduction.

Un proteftant, qui en fuivant le fyftême de fes maîtres, s'occupe pour éclaircir fes doutes, de la difcuffion de l'écriture, trouve des textes relatifs à quelque point important de croyance, & pour favoir s'il peut fe fier à ces textes, il se fait néceffairement à lui-même ces trois quef tions fur chacun : « Le livre où je trouve » ce texte, eft-il du nombre des livres » facrés? le texte lui-même n'a-t-il point » été altéré? la traduction en eft-elle fi» delle ? » Car enfin le doute fur un feul

de ces trois points, fait évanouir toute l'autorité du texte.

Nulle difficulté à ces trois égards pour le catholique, [ qui d'ailleurs n'eft pas obligé de faire cette difcuffion de l'écriture ]; c'eft de l'églife qu'il tient les livres facrés, elle lui en fixe le nombre, elle lui en affure l'intégrité, & elle lui en défigne une traduction fidelle, qu'elle appelle la vulgate.

Mais le proteftant y eft néceffairement. fort embarraffé. D'abord fur l'intégrité des textes & la fidélité des verfions, il ne peut avoir que des préfomptions, parce que les langues originales ne font connues que de fort peu de savans.

Par où connoîtra-t-il d'ailleurs que les' textes n'ont pas été altérés? ce qui doit augmenter fes inquiétudes, c'eft que dans la plupart des textes il fe trouve aujourd'hui une multitude de variantes, c'est-àdire, de diverfes manieres dont ces textes" fe trouvent écrits dans les différens manufcrits ou les éditions précédentes.

Il n'aura garde de recourir à l'autorité de l'église romaine, de qui les fondateurs de la réforme ont reçu les livres faints, parce qu'on lui demanderoit pourquoi il ne reconnoît pas cette autorité à d'autres égards.

Mais la difficulté principale roule fur

les livres eux-mêmes: combien y en a-t-il de facrés, & quels font-ils ? à quoi peuton les connoître? Que peut-on répondre à ces queftions, quand on rejette l'autorité de l'églife? Car il eft conftant qu'il eft des livres, tant dans l'ancien que dans le nouveau teftament, qui n'ont pas été universellement reconnus pour canoniques dans tous les tems, & qui ne le font pas même aujourd'hui de toutes les fectes. féparées de l'églife catholique, tels que les livres de la fageffe & des Machabées, les épîtres de S. Jacques & de S. Jude.

Le miniftre Claude prétend, comme je vous l'ai déja dit, pour fe tirer ici d'affaire, que les livres facrés portent avec eux des rayons de divinité qui les font aifément difcerner (a).

Dans le corps de difcipline de la prétendue réforme, imprimé à Charenton en 1667, [ ouvrage bien médité fans doute] on lit à ce fujet : Nous le favons par le témoignage & la perfuafion du Saint Efprit, qui nous les font difcerner (b). Mais ces réponses ne font-elles pas évidemment frivoles.?

Si ces rayons du miniftre Claude étoient auffi brillans qu'il voudroit le faire croire,

Défenfe de la réforme, p. 190.

(b) Det. 1. & 5.

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