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ce qu'il eft jufte qu'il tienne fes enga gemens avec ceux qui ont intérêt qu'il les accompliffe, & qu'il doit avoir à cet âge affez de raifon pour n'être pas furpris. Mais dans les occafions où un homme feul eft intéreffé, on ne l'oblige point à effectuer fes promeffes, qui ne font alors que de fimples deffeins & des réfolutions conditionnelles; perfonne ne se plaindra de moi quand j'aurai dit que je veux pffer ma vie à Paris, fi après cela je vais demeurer en Languedoc dont je trouve l'air plus fain.

Je puis de même quitter ma Religion fi je la trouve mauvaise; 1o. parce qu'on m'y a engagé par furprife, & que lorsque j'ai fuivi à cet égard l'impulfion que mes parens m'ont donnée, j'étois hors d'état de juger & de refufer de me foumettre n'ayant ni difcernement ni liberté; 2°. parce que c'eft une affaire qui ne regarde que moi feul, & à laquel le perfonne n'a d'intérêt, ainfi je ne puis être ni blâmé ni juftement puni pour ce changement.

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Quant à ceux qui ont déjà changé de Religion, ils ont le même droit d'a bandonner la feconde qu'ils ont prife, que la premiere qu'ils ont quittée; on eft toujours bien fondé à examiner les (2)

raifons auxquelles on s'eft rendu, & à revenir fur fes pas quand on les trouve mauvaises.

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Argument démonftratif.

On n'a pas plus de droit de retenir qu'on n'en a eû de prendre une chose. La Religion nous a pris fans aucun droit.

Donc elle n'a pas droit de nous retenir.

La force & la furprise ne donnent point

de droit.

La Religion nous a pris par force & par furprife;

Donc elle nous a pris fans droit, donc nous pouvons l'abandonner.

Quand ce n'eft ni par force ni par fürprise qu'on a embraffé une Religion quelconque, on a cédé à des raifons qui font toujours fujettes à révifion, comme nous l'avons prouvé.

Quiconque s'apperçoit que dans une affaire de conféquence il a pris un mau vais parti, change fon erreur en crime ou en folie s'il fe fait un point d'honneur de la perfévérance; donc il eft en droit de quitter fon erreur quand il l'a reconnue & c'eft même un dévoir.

Dilême fans réplique.

Il faut examiner & juger la Religion dans laquelle on fe trouve engagé foit par choix foit par le hazard de la naisfance; ou bien il ne faut ni l'examiner ni en juger.

S'il ne faut ni l'examiner ni en juger, chacun reftera dans la fienne, le Juif reftera Juif & il en fera de même du Payen, du Mahométan, du Chrétien, du Papiste, du Proteftant, foit qu'il foit né dans fa Religion ou s'y foit engagé par la fuite.

Aucune Religion n'adoptera cette conféquence néceffaire qu'en fa propre faveur, ce qui eft le comble de l'injuftice & de la déraison.

S'il faut examiner, voici après de mûres réflexions le jugement que je porte de la Religion Chrétienne. Je la trouve abfurde, extravagante, injurieuse à Dieu, pernicieufe aux hommes, facilitant & même autorifant les rapines, les féductions, l'ambition, l'intérêt de fes Miniftres & la révélation des fecrets des familles; je la vois comme une fource intariffable de meurtres, de crimes & d'atrocités commifes fous fon nom; elle me femble un flambeau de difcorde, de

Avec

haine, de vengeance, & un mafque dont fe couvre l'Hypocrite pour tromper plus adroitement ceux dont la crédulité lui eft utile enfin j'y vois le bouclier de la tyrannie contre les peuples qu'elle oppri me, & la verge des bons Princes quand ils ne font point fuperftitieux. cette idée de votre Religion, outre le droit de l'abandonner, je fuis dans l'obligation la plus étroite d'y renoncer & de l'avoir en horreur, de plaindre ou de méprifer ceux qui la prêchent & de vouer à l'exécration publique ceux qui la fou-. tiennent par leurs violences & leurs perfécutions,

CHAPITRE X.

Huitieme vérité.

Aucune Religion ne peut établir fes faits avec certitude, pas méme avec vraisemblance.

D

ES faits ne peuvent s'établir que par des pieces recevables, par des témoignages autentiques & décififs; aucune Religion factice n'a de pieces ni de témoignages revêtus de la forme que la

raifon, l'expérience & les coutumes de toutes les nations exigent.

On peut regarder l'affaire de la Religion comme un procès où chaque Religion eft le demandeur, & toutes les autres ensemble le défendeur. Le Chriftianifme foutient qu'il a la vérité de fon côté, le Paganisme, le Judaïfme, le Mahométifme le nient; le Mahométifme prétend qu'il eft la bonne Religion, le Paganisme, le Judaïfme, le Chriftianisme le nient: il en eft de même des autres. Ou bien on peut regarder toutes ces Religions factices comme les demandeurs contre le bon fens; & la raison, le bon droit, & la liberté de tous les hommes, comme les défendeurs; cela eft incontestable. Dans tout procês quelconque le jugement dépend des pieces, qui font des écrits communs entre les parties, comme des contracts, des ordonnances des fupérieurs, des jugemens rendus, des arrêts &c. Dans l'affaire dont il s'agit où font les pieces? Chaque Religion a tout au plus une feule piece; où a-t-on vû juger un procès fur le feul mémoire d'une des parties? Qu'est-ce que l'Evangile, l'Alcoran, le Pentateuque, finon une allégation contre laquelle une fimple négation fuffit?

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