Images de page
PDF
ePub

lui difiez que vous pouvez faire enforte qu'il ait quatorze de Rois, & fon adverfaire une tierce majeure.

La Trinité & la Transfubftantiation font d'une pareille impoffibilité; ces deux dogmes ou plutôt ces deux extrémités de la démence humaine, répugnent également à la raifon & confondent les notions les plus claires qui foient dans notre efprit.

Je finis, mon R. P., en vous défiant vous ainfi que tous les Théologiens de tourner les chofes de façon à recufer abfolument la raifon; après bien des rufes, bien des détours & des fubtilités, il faudra que chaque Religion vienne plaider fa caufe au tribunal de la raifon.

Argument démonftratif.

Tout ce que fait un être infiniment puiffant & infiniment fage eft parfait par rapport à fa fin.

L'être infiniment fage & infiniment puiffant nous a donné la raifon pour distinguer la vérité de l'erreur.

Donc la raifon eft capable de nous faire diftinguer la vérité de l'erreur.

Si l'on me nie la mineure je dirai qu'on n'eft pas fincere avec foi-même, ou qu'on a l'efprit aliéné, & je nierai

à mon tour que Dieu nous ait donné des yeux pour voir, la voix pour parler, les oreilles pour entendre, les pieds pour marcher, &c.

VIII. TAYLOR

CHAPITRE VIII.

Sixieme vérité.

Dieu nous a inftruit clairement de fes volontés; il ne peut punir que des crimes libres; il n'a point d'interprêtes ou de Miniftres; aucun livre n'eft fon Ouvrage.

Ο

N doit en toutes rencontres préférer l'évident à l'incertain, ce qui eft clair à ce qui eft obfcur; cela eft inconteftable.

On ne doit pas éteindre les lumieres de fa raifon pour croire des chofes abfurdes & pernicieufes, à moins que ceux qui les propofent ne les prouvent clairement, ou ne montrent, avec cette même clarté, l'ordre & la miffion qu'ils ont reçus de l'être à qui je dois obéir.

Eft-il auffi clair, auffi évident, auffi fûr, auffi certain que tel livre eft l'ouvrage de Dieu, qu'il eft clair & évident

ORD

que la raifon eft un préfem de fa toutepuiffance?

Eft-il auffi fûr & auffi certain qu'un tel homme eft le Miniftre de Dieu, qui l'a chargé de me commander de fa part des chofes auxquelles ma raifon s'oppofe, qu'il eft certain que la raison est la lumiere que Dieu m'a donnée pour examiner toutes chofes & pour en juger? Or cette raison me répete fans ceffe ces prétendus Miniftres font ou des infenfés où des menteurs.

que

Vous allégueriez en vain que ces livres & ces prétendus Miniftres du Ciel ne prêchent rien contre la raison, mais feulement des chofes au-deffus de la raifon.

1°. Cette distinction a été déjà détruíte précédemment.

2o. Cela ne fait rien à l'affaire; il nous faut toujours de l'autorité pour les croire quand même ce qu'ils prêchent ne blefferoit pas la raífon.

3°. Je foutiens que tout dogme particulier à quelque Religion que ce foit eft directement oppofé à la raifon, & qu'on ne peut y donner fon affentiment qu'en renonçant à ce guide, fi utile & fi nécesfaire dans la conduite de la vie: chacun l'avoue de la Religion de fon voifin,

Difons-nous que les myfteres des anciens Payens, des Indiens, des Amériquains &c. font des chofes au-deffus de la raifon? Les Payens regarderoient-ils la Transfubftantiation, la Grace, la Trinité, &c. comme des chofes au-dessus de la raison? Toutes les différentes Sectes ne traitent-elles pas leurs opinions réciproques de chofes contraires au bon fens & à la raifon?

Il s'enfuit de là que tout homme fans prévention regarde tous ces myiteres comme autant d'impoftures plus ou moins groffieres & dangereufes.

Il eft donc évident qu'il faut écouter notre raison préférablement à qui que će foit; or en consultant notre raison, notre confcience & les idées que nous avons de l'être fuprême, nous voyons que tous les autres êtres raisonnables ont les mêmes idées, qui nous venant naturellement, ne peuvent nous venir que de Dieu.

Nous voyons que Dieu doit être juste de la juftice que nous connoiffons, de la justice qui traite chacun fuivant fes méri tes, de la juftice qui fait des loix praticables pour ceux qui y font foumis; de la juftice qui fait connoître fes loix: nierez-vous plutôt, mon R. P., cès fentimens de ma raison, & prétendrez - vous

qu'ils font moins inconteftables que les Métamorphofes, le Pentateuque, l'Evan gile ou l'Alcoran? eft-il plus évident que ces livres font l'ouvrage immédiat de Dieu, qu'il n'eft évident que les fentimens que je viens d'expofer me viennent de cet être éternel & infini?

Croyez-vous auffi fûr que Dieu ait appellé David un homme felon fon cœur, qu'il eft fûr qu'un homme tel que David ne pouvoit point être un homme felon le cœur d'un Dieu jufte & bon? Eft-il auffi évident que Jupiter eft le Pere d'Hercule, qu'il eft évident que Dieu n'eft point fenfible aux plaifirs de la chair? Eft-il auffi évident que des femmelettes & des pêcheurs groffiers & ignorans font incapables de menfonge ou d'illufion, qu'il eft évident qu'un homme mort en croix ne peut ni parler ni agir trois jours après fa mort? Eft-il auffi évident qu'un homme ait mis la moitié de la lune dans fa manche, qu'il eft évident que toutes les manches du monde ne la contiendroient pas ? Les livres qu'on nous donne pour divins ne contiennent rien que chacun ne puifle dire s'il veut fe livrer à l'impulfion de fon imagination échauffée, & débiter obfcurément toutes les extravagances & les abfurdités qui

« PrécédentContinuer »