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Société, & qui feroient indignes même d'un homme du bon fens le plus fimple & de la probité la plus commune.

Que les fuppôts des religions factices prouvent donc avec la même évidence qu'ils font chargés des ordres de Dieu, & l'on s'y foumettra, quelqu'extraordinaires qu'ils paroiffent; l'incrédulité ne tombe point fur l'étendue du pouvoir de Dieu, ni fur la juftice de fes volontés, elle tombe fur les prétentions de ces hommes qui nous parlent de fa part, & l'on nie que les livres facrés qu'ils nous montrent foient les loix de la Divinité.

CHAPITRE VII
Cinquieme vérité,

C'est faire injure à Dieu & donner atteinte à l'idée de l'être infini ment parfait, que de calamnier ba la raifon de la repréfenter comme un guide incertain & trompeur.

T

out ce que veut un être infiniment fage & puiffant doit s'exécuter parfaitement. Pourquoi les hommes manquent-ils fi fouvent leur but? C'eft

qu'ils n'ont pas affez de fageffe pour voir tout ce qu'il faut pour y parvenir, ni affez de puiffance pour l'atteindre, quand même ils le connoîtroient.

On ne peut pas dire qu'un être veut une chofe, qu'il fait tout ce qu'il faut pour qu'elle fe faffe, qu'il eft tout-puisfant, tandis que cette chofe ne s'exécute. point.

Les hommes font l'ouvrage de Dieu, la raifon eft de leur effence, c'eft la lumiere qu'il leur a donnée pour fe conduire, elle eft une émanation de fa fuprême intelligence: il eft de l'effence de I'homme, c'est-à-dire de l'être intelligent & raifonnable, de connoître & de juger, comme il eft de l'effence d'un cercle que tous fes diametres foient égaux, ainfi que tous les rayons tirés de fon centre à fa circonférence.

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C'est donc une abfurdité & même un blafphême de dire que Dieu a créé des êtres modifiés de façon qu'ils voyent clairement les chofes autrement qu'elles ne font effectivement; j'entends quant aux effences métaphyfiques, & non quant aux figures & aux autres modes des êtres matériels, que les fens n'atteignent qu'imparfaitement: cette imperfection eft né-ceffaire & inhérente à leur nature & ne.

porte aucun préjudice aux befoins cor porels.

C'eft encore une plus grande abfurdité & un plus grand blafphême de dire que Dieu a créé des êtres intelligens pour leur ordonner de croire le contraire de ce qu'ils voyent diftinctement, furtout s'il n'attache point à ce ridicule commandement une marque qui prouve clairement qu'il vient de lui.

La moindre chofe que l'on puiffe demander c'eft de voir affez clairement que c'eft la volonté de Dieu, pour contrebalancer l'idée claire que nous avons qu'un être parfait ne peut avoir donné de pareils ordres. On peut bien exiger un certain dégré de croyance, mais eftil rien de plus étrange que de la demander contre les principes qu'on a établis foi-même ?

Un Aftronome exigera d'un payfan qu'il croye le Soleil plus grand que la Terre, mais lorsqu'il lui aura enfeigné les démonftrations fur lefquelles cette connoiffance eft indubitablement appuyée, il feroit méchant & infenfé de lui faire ordonner par un inconnu, à qui il ne donneroit aucune preuve certaine de fa miffion, de croire que le foleil n'eft pas plus grand qu'une affiette, & de le

maltraiter enfuite s'il fe refufoit à cette croyance parce qu'il s'en tiendroit aux démonstrations antérieures de l'Aftro

nome.

Etouffer la taifon humaine, la faire paffer pour aveugle & pour incapable de difcerer la vérité de l'illufion, c'eft avancer deux extravagances également dangereufes par leurs conféquences: 1°. c'eft fe fervir de la raifon pour prouver qu'il n'y a point de raifon, c'eft par conféquent fe jetter dans un cercle ridi cule; car fi l'on prouve par des raisonnemens que la raison eft fautive raifonnemens peuvent être faux & par conféquent ils ne prouvent rien; s'ils font concluans ils font preuve, la raison peut donc établir la certitude & décou vrir la vérité.

ces

2o. C'eft faire de Dieu un être impuiffant ou méchant, puifque c'eft foutenir indirectement qu'il n'a pu nous donner un guide plus für ou qu'il ne l'a point voulu. Deux propofitions égale ment impies & injurieufes à la Divinité.

Outre cela on tombe dans le Pyrrho nifme le plus outré & dans la néceffité de foutenir qu'un homme yvre, fol ou actuellement épileptique, eft auffi propre

à recevoir la Religion qu'un homme fage & dans fon bon fens; pefez bien cette conféquence, mon R. P., on ne la peut point éluder.

On prétend fe tirer d'affaire en difant que les myfteres ne font pas contre la raifon, mais qu'ils font au-deffus de la raifon: moyennant cette vaine & futile distinction l'on éblouit le vulgaire ignorant, & l'on croit fermer la bouche à tout le monde; mais il eft aisé de faire fentir le peu de folidité de cette prétendue folution.

Ce qui eft au-deffus de la raison, c'eft ce que l'on ne comprend point mais dont on ne voit pas l'impoffibilité; je ne comprends pas comment fe fait la circulation du fang dans les animaux, ni celle de la fève dans les plantes, mais je n'y vois point d'impoffibilité: cela eft, fi vous voulez, au-dessus de ma raifon, mais cela n'eft pas contre mà raifon; cela la furpaffe fans la choquer.

;

Dites à votre Fermier que par l'Algè bre on détermine tous les coups qui peuvent venir au piquet, & la façon de les jouer il fera très-furpris, mais il ne vous dira point que cela n'eft pas poffible; il n'ira pas chercher des moyens pour vous le prouver, comme fi vous

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