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le production pour en payer l'ouvrier. 3. La fourberie de faire regarder comme des châtimens ou des récompenfes les événemens les plus communs, quand cela peut autorifer l'erreur, & favorifer la fuperftition comme fit Saint Bernard au retour de la croifade où il avoit promis la victoire aux croifés, qui furent battus & détruits, au moins pour la plus grande partie.

4°. L'impudence des Apologiftes Chrétiens qui ofent ériger en miracles tout le bien qui arrive à des fcélérats quand ils ont été favorables aux gens d'Eglife, & tous les malheurs qu'éprouvent les perfonnes du plus grand mérite, quand elles fe font oppofé aux actions mauvaises & aux ufurpations des infolens Miniftres de la Religion.

5. Ces Conciles dont les décifions font annoncées comme autant d'oracles du Saint-Esprit & qui n'ont d'autre avantage fur ceux qui ont décidé le contraire, que d'être les derniers, & d'avoir obtenu un arrêt de révifion par des intrigues de Cour, par des flatteries baffes & fouvent criminelles, ou par quelqu'autre voye également malhonnête & injufte.

6. Ces Sacremens dont on nous prê

che tant la néceffité, & qui n'ont ni ne peuvent avoir aucune efficacité.

7°. L'attention des Eccléfiaftiques à faire obferver leurs ridicules ordonnances, pendant qu'ils fe moquent de celles de Dieu & de la raifon: un pauvre malheureux qui a mangé de la viande en carême ou époufé une de fes parentes fans difpenfe, s'expofe à leur animadverfion, qui même dans le dernier cas a des effets civils, fouvent très - funeftes pour lui; mais ce même homme peut en toute fûreté négliger fa famille, maltraiter fa femme, laiffer périr un enfant de la nourriture & de l'éducation duquel il eft chargé, fans que l'Eglise lui dife un mot.

Enfin dans un âge plus mûr, la lecture de plufieurs ouvrages remplis de recherches hiftoriques & de remarques critiques auffi curieufes qu'inftructives m'a fait découvrir que dans les premiers fiecles de l'Eglife on a fupprimé & fuppofé un très-grand nombre de livres que ceux qui nous font parvenus & qui ont échappé à la fuperftition intéreffée des Prêtres & des Moines, ont été interpolés & altérés en une infinité d'endroits; en un mot qu'on n'a pas plus épargné les fraudes pieufes de toute es

pece, que les allégories & les explications détournées.

Ce fut alors que j'examinai le Chriftianifme, non en Hiftorien ni en Critique, mais en Philofophe & en homme qui voulant férieufement trouver la vérité, la cherche de bonne foi dans fa fource & dans les principes d'une faine logique, & non dans ces faits incertains & embrouillés, où la fuperftition & l'impofture font peintes des mêmes traits & des mêmes couleurs que la vérité; non dans ces prétendus livres facrés où l'on trouve également le pour & le contre, le oui & le non, & qu'un homme de fens ne peut regarder que comme un recueil de fables abfurdes & fouvent atroces; mais dans la droite raifon qui parle toujours clairement & uniformément, même aux hommes les plus fimples.

Les voyages que j'eus dans la fuite occafion de faire dans différentes parties du globe ne contribuerent pas peu à me défiller les yeux je vis de grands peuples plus fagement gouvernés que nous & peut-être mieux réglés dans leurs mœurs, également perfuadés de mille extravagances dont nous nous moquons, & porter de nos dogmes & de nos cérémonies le même jugement que nous portons des

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leurs. Après y avoir réfléchi, je trouvai qu'ils étoient auffi bien fondés à nous traiter d'abfurdes à cet égard, que nous le fommes à leur faire le même reproche. En effet est-il plus extravagant d'attendre refpectueufement toutes fortes de biens d'une figure à dix vifages avec cent bras, que d'une gauffre enchâffée dans un vase précieux & rayonnant de pierreries? De fe tenir dans une riviere pour retirer le Soleil de fon Eclipfe, que de jetter quelques goutes d'eau en l'air pour empêcher le tonnerre &c?

Il n'y a point d'impertinences dans le Paganifme le plus outré dont on ne trouve une fidelle copie dans notre religion; le paralelle n'eft pas difficile à faire: donnez, mon R. P. une lifte des extravagances payennes, & je me charge de produire la contre-partie. Nous avons même des chofes incomparablement plus choquantes, & plus dangereufes, telles que le Purgatoire, la Tranfubftantiation, la Prédeftination, la Confeffion, & tant d'autres abfurdités qu'il feroit trop long de rapporter.

Un moyen très-facile d'étouffer bien des difputes feroit de les réduire en faits, je veux dire de laiffer là les raisonnemens où les deux partis s'égarent & s'opiniâ

trent réciproquément, pour les mettre en état de difputer réellement, ou par fuppofitions; on découvriroit par là leurs véritables fentimens.

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Par exemple, je foutiens que Jupiter vaut encore mieux que le Dieu des Chré tiens ; vous n'en conviendrez pas, fans doute, & nous difputerons fans fin. Mais je vous demanderai, mori R. P., dans lequel de ces deux Royaumes vous aimeriez mieux habiter; dans l'un, le Roi eft un yvrogne, un volage, un débauché qui corrompt autant de femmes & de filles qu'il peut; dans l'autre, le Monarque eft chafte & fobre, mais il fait brûler vif prefque tous fes fujets par pur caprice fans égard à leur mérite, à leurs vices ou à leurs vertus, comme un potier fait un vafe honorable d'une partie de fa terre, & de l'autre en fait un vafe à déshonneur; fi vous ne voiez pas la conféquence, vous vous jetterez, fans doute, dans les Etats du premier Souverain, & voilà la question décidée; car ce premier eft Jupiter & le dernier eft le Dieu des Chrétiens avouez donc que le Paganifme étoit plus fupportable que le Chriftianifme, qui n'en peut avoir triomphé que par furpri fe en exagérant ce que celui-là avoit de

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