Images de page
PDF
ePub

gion en leur cachant celui de la nôtre; on fe rend recommandable par une fupério rité de fcience; on leur prouve l'unité de Dieu dans l'univers on leur débite les dogmes les moins rebutans, & les moins abfurdes du Chriftianifme, & on leur choifit ceux qui approchent le plus de leurs propres rêveries, enforte qu'il n'y a que le nom à changer. On ne parle point des fuites de cette Doctrine, point des dixmes, point des excommunications, point des interdits, point des tarifs d'impôts pour les mariages & les enterre

mens.

Que ne fera-t-on pas entrer dans la tête des hommes en s'y prenant ainfi ? Unc chofe de fait, c'eft que les Negres qui paffent en Turquie fe font Mahométans, & que ceux qui font élevés dans les Colonies Proteftantes, font ou Luthériens, ou Calviniftes, comme les nôtres font Catholiques Romains. Voilà ces ames gagnées à Jéfus-Chrift. Je n'en parle point fur des relations, j'ai tout vû par moi-même.fi

"

[ocr errors]
[ocr errors]

Les argumens les plus forts de ces noueaux Apôtres fe réduifent à ceci :,, nous fommes plus favans que vous, plus adroits, plus pénétrans, nous croyons telle chofe, donc vous devez la croire. Nous

"

[ocr errors]

دو

Nous venons ici fans aucune vue d'intérêt; croyez-vous que nous foyons des impofteurs qui veuillions vous trom» per, nous qui au mépris de mille dan,,gers divers & fans aucun profit traverfons les mers uniquement pour vous ,, éclairer, & vous guider dans la voye du falut?"

[ocr errors]

وو

Voilà les fophifmes de ces Prédicateurs qui paffent, parce qu'une partie de l'auditoire n'a ni le tems ni la capacité de les examiner, & ne fe doute pas des travaux que peut faire entreprendre le plaifir de dominer fur les efprits des hommes. Perfonne n'ofe donc ouvrir la bouche pour les contredire, voyons toutefois leur folidité.

Le premier de ces argumens ne prouve rien ; on peut être habile en mille chofes & fe tromper en un point; les Chinois bien plus favans que les Negres leur enfeigneroient-ils la bonne religion? Archimede, Euclide, Ariftote, Platon &c. étoient certainement beaucoup plus inftruits que la plupart des Chrétiens, & cependant ils étoient polythéiftes.

Le fecond argument eft une fauffeté manifefte, il n'eft pas vrai que ces Misfionnaires fi pieux s'expofent aux dangers d'une longue navigation fans aucun

[ocr errors]
[ocr errors]

intérêt il y en a parmi eux un très grand nombre qui font de groffes fortunes par le commerce & l'induftrie; d'ailleurs la curiofité, l'envie de voyager, le plaifir de fortir du couvent, le libertinage, l'ambition, ne font-ils pas des motifs très-preffans?

Je ne nie point qu'il ne puiffe y en avoir quelques-uns que le feul motif de la Religion engage, ce qui n'eft qu'un pur effet de l'opinion & de l'enthoufiafme; ils en feroient autant pour toute autre Religion s'ils y avoient été élevés. Mais quand bien même tous feroient guidés par ce motif, ce font des efprits fimples dont la Communauté profite, pour fai re des établissemens; ainfi la République monachale s'accroît & s'enrichit par le moyen de ces dupes.

J'ai vu les Jéfuites à Goa; quelle opu lence! qu'ils jouiffent bien du travail de leurs Miffionnaires! Le Gouverneur has bite une cabane de planches à Quebec l'Intendant y eft très à l'étroit. Les munitions néceffaires à la confervation de la Colonie font 'dehors, ou mal à couvert pendant que pour neuf Révérends Peres il y a des édifices à trois étages, batis de bonne pierre de taille, couverts d'ardoife de France, avec un bois renfermé au mi

lieu de trois Jardins; ils menent des fau vages dans un terrein, les engagent à le défricher: puis fous quelque prétexte ils les conduifent ailleurs, le terrein leur refte & fait une bonne métairie; le Séminaire de Saint Sulpice a gagné de la même maniere la Seigneurie de l'Ile de Montréal.

C'eft le zêle de la maison de Dieu qui les confume & qui les porte aux extrémités de la terre. Le même défintéreffement les engage à abufer de l'autorité & du crédit qu'ils ont auprès du Roi, pour s'introduire où l'on ne veut point d'eux; ils ont forcé les Nantois à les recevoir; Troyes les verra quelque jour établis dans fes murs malgré la réfiftance de fes citoyens, le zêle de ces bons Peres m'en fûr garant.

eft un

Il me paroit évident qu'on auroit les mêmes fuccès par-tout, prêchât-on les fables d'Efope; on obtient tout des hommes, en les prenant par leur foible; l'obfeffion, la force, la rufe, les récompenfes, les menaces, les punitions font des moyens efficaces dont les Miffionnaires fe fervent pour faire recevoir la doctrine qu'ils annoncentab

7

Argument démonftratif.

Toutes les religions fe contentent de demander qu'on croye, elles n'ofent demander rien de plus.

Croire, n'eft qu'un acquiefcement conditionnel qui fuppofe incertitude & doute, ce qui peut donner lieu au change

ment.

Donc toutes les Religions ne demandent qu'un acquiefcement conditionnel fuppofent incertitude, & laiffent lieu au changement.

Donc tout homme engagé dans une religion n'a aucune certitude parfaite fur fa religion, & fuppofe même qu'il n'en peut avoir, puifqu'il eft réduit à croire.

CHAPITRE XIV.

Douzieme vérité.

Aucune religion factice ne peut exiger une véritable croyance.

Cro

[ocr errors]

roire n'eft pas une chofe libre; la croyance eft néceffairement pro'portionnée aux raifons de croire, ou aux motifs de crédibilité.

Il en eft de la vérité comme du bien,

« PrécédentContinuer »