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naturelles que l'on dit de la derniere importance.

Done il faut aux religions des preuves au deffus des forces de la nature, & qui foient de la derniere évidence.

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Mais dira-t-on, toutes les religions s'appuient fur un nombre prodigieux de miracles: oui, felon leurs livres, mais pour me les faire croire faites m'en voir un bien évident; vous ne le pouvez, & moi je ne puis rien croire. Où font, mon R. P., les hommes véritablement fenfés & dégagés d'efprit de parti qui aient vû des miracles? S'il y en a, qu'ils les croyent, mais les autres feroient infenfés d'y ajouter foi; perfonne ne pouvant être obligé de croire fur le rapport d'autrui les faits mêmes les plus vraisemblables.

D'ailleurs fi les miracles étoient un moyen raisonnable d'infpirer la foi, tous les hommes feroient expofés à l'erreur: combien de preftiges de l'art pafferoient pour des miracles dans les nations fauvages! En effet on voit des miracles à proportion qu'on eft moins inftruit qu'on ignore les fecrets de la médécinė, de la phyfique expérimentale, de la Chymie, des Mathématiques &c. à propor tion de l'ignorance où l'on eft des tours d'adreffe des jongleurs, des vertus & des

ou

propriétés de certains remedes, & des effets de certaines machines. Tout étoit plein d'efprits, de démons, de poffédés il y a deux fiecles. Des marionnettes parûrent aux Suiffes montagnards un effet de la magie. N'a-t-on pas vû en Amérique dix mille habitans du pays qui à la vue des terribles effets de la poudre à canon affuroient que les Caftillans faifoient des miracles, & qu'ils étoient dépofitaires des foudres de Dieu? Qu'un impofteur creufe des mines & qu'il ait des fufées de bombes qui brûlent quoiqu'on les plonge dans l'eau; qu'il tue les rebelles à fes volontés d'un coup de pistolet, faut-il pour cela que ces pauvres gens croient tous les dogmes qu'il leur annoncera, quelqu'abfurdes qu'ils foient ? il conduira quelques-uns des incrédules fur l'endroit où il aura placé fa mine, il les exhortera; s'il ne les perfuade pas', il s'écriera que le feu de l'enfer va le venger: alors ces malheureux fautant en l'air parmi le feu & la terre ne feront-ils pas un exemple pour les autres & un fpectacle très perfuafif? Ceux-ci n'auront-ils pas vû des miracles? ils feront donc dans l'obligation d'embraffer la doctrine de l'im pofteur & de faire tout ce qu'il voudra?· Avouez donc, mon R. P., que des ef

fets quelqu'extraordinaires & quelque miraculeux qu'ils nous paroiffent, ne peuvent rien prouver en faveur de la vérité d'une doctrine à laquelle on les fait fervir de base, ou que la foi des homines eft à la merci du premier fourbe adroit qui voudra les tromper. D'ailleurs toutes les Religions que vous regardez comme fauffes ont des miracles auffi bien établis que les vôtres; contenus de même dans des livres facrés, leur mémoire eft célébrée & perpétuée par des fêtes, par des temples & par des monumens. Je vais plus loin encore & je défie tous les Théologiens Chrétiens de foutenir les miracles de Moyfe & de Jéfus - Chrift par des raifons qui ne conviennent pas également & qui ne prouvent pas auffi fortement pour les miracles de Mahomet, de Sommonocodom, de Brama, &c. Je les défie de même de combattre les miracles de ces Légiflateurs célebres par des raifons qu'on ne puiffe employer avec autant d'avantage contre ceux de votre Religion.g

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CHAPITRE XII.

Dixieme vérité.

On court rifque d'être dans l'erreur quelque religion que l'on fuive.

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ES faits ne peuvent être établis avec une parfaite certitude; on a beau prendre toutes les mefures que la prudence & la fagacité peuvent fuggérer, on ne peut trouver que des vraisemblan-ces, qui ont quelquefois un haut dégré de probabilité & qui forment même, selon les circonftances, une espece de conviction; mais tout cela n'équivaut jamais à l'évidence parfaite & à la vérité claire & inconteftable.

La différence entre l'Hiftoire & la Fable ne confifte pas en ce que l'une eft vraye & l'autre fauffe, elle eft fondée fur ce que l'une peut être vraye & qu'il y a même apparence qu'elle l'eft, au moins en général, tandis que l'autre eft fûrement ou évidemment fauffe.

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Un juge qui a condamné un homme convaincu par des pieces & par des témoins, ne peut pas dire qu'il n'a pas condamné un innocent & le dire avec certi

tude, il peut affûrer qu'il l'a condamné innocemment.

Pour qu'un fait fût incontestable à notre égard, il faudroit qu'il fût impoffible que nos fens nous trompaffent, ou que notre imagination ne pût être frappée que d'objets préfens & tels qu'ils font réellement; en un mot que nous fuffions au deffus de toute illufion.

Pour qu'un fait fût prouvé invinciblement, il faudroit qu'il fût impoffible que les hommes mentiffent aux autres ou fe trompaffent eux-mêmes.

On ne peut donc établir des faits de. maniere à les mettre à l'abri de toute contradiction. Il n'y a que les vérités Métaphyfiques & Phyfiques qui foyent inconteftables, & qui arrachent un affentiment parfait & irrévocable. Il faut donc de néceffité confulter les vérités Métaphyfiques pour trouver une certitude abfolue.

Si dans les affaires de la vie on s'en raporte à des preuves de fait, c'est qu'on ne peut faire autrement; la vie n'eft qu'une fuite de faits matériels, il faut donc bien juger fur des faits matériels, mais en comptant fur ces preuves on ne prétend pas rendre un jugement exempt d'erreur, on prétend feulement rendre le meilleur

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