il déclara à tous les hommes, que tous ceuxlà feroient fauvez qui croiroient que cette Perfonne extraordinaire étoit le Sauveur qu'il avoit promis d'envoyer, & qui le reconnoîtroient pour leur Roi & leur Conducteur, à prefent que reffufcité d'entre les Morts, il eft établi Seigneur & Juge de tous les Hommes. C'eft là une Propofition fimple & aisée à entendre: de forte qu'il femble qu'en ceci Dieu qui eft la Bonté même, a eu en vue le bien des Pauvres, & de la plus grande partie des Hommes. Ce font des Articles , que des gens de travail & fans lettres peuvent comprendre. Une telle Religion eft.à la portée des Efprits les plus vulgaires, & adaptée à l'état des hommes, que leur condition dans ce Monde deftine à paffer leur vie dans le travail. Je fai bien que les Controverfistes, & ceux qui écrivent fur la Religion, la rempliffent de vaines fubtilitez & de penfées chimeriques, dont ils font autant de Points néceffaires &. fondamentaux du Chriftianifme, comme fi on ne pouvoit entrer dans l'Eglife qu'en paffant par l'Academie, ou par le Lycée, ou, pour m'exprimer plus clairement, comme fi on ne pouvoit être Chrétien, fans apprendre la Philofophie d'Ariftote, de Platon ou de quelque autre Philofophe. Mais qui ne voit

que

que le commun des hommes n'a pas le loifir de s'appliquer à l'étude, d'apprendre la Logique, & toutes ces diftinctions fubtiles qu'on débite dans les Ecoles? Celui qui n'eft accoûtumé qu'à manier la charrue & la beche, a rarement l'Esprit propre à recevoir des idées fublimes, ou à pénetrer dans des raifonnemens myfterieux & embarrassez. C'est beaucoup fi des hommes de ce rang (pour ne rien dire de l'autre fexe) peuvent comprendre des propofitions fimples, & un raifonnement court fur des chofes qui leur font familiéres, & qui ont du rapport à ce qui fe paffe tous les jours à leurs yeux. Allez au delà, vous déconcertez la plus grande partie du Genre Humain. Il vaut autant que vous parliez Arabe à un pauvre homme de journée, que de lui propofer les idées & les termes dont on a rempli les Livres & les Difputes de Religion: il vous entendra, tout auffi bien. dicateurs des Affemblées Non-conformistes, fuppofent que leur Peuple eft beaucoup mieux inftruit dans les matiéres de Foi, & qu'il entend bien mieux la Religion Chrétienne que le commun des Conformistes,qu'ils taxent d'une grande ignorance, fic'eft avec raifon c'eft ce que je ne déterminerai point ici. Mais je voudrois bien prier ces Prédicateurs de me dire ferieufement, fi la moi

Les Pré

tié de leur Peuple a le loifir d'étudier; où même fi de dix perfonnes qui frequentent leurs Affemblées, fuppofé qu'ils euffent le temps d'étudier les Controverfes qu'on y traite, il y en a une qui entende ou qui puiffe entendre les Difputes qu'ils agitent préfentement avec tant de chaleur fur la Juftification, qui fait le sujet de cet Ouvrage. Pour moi j'ai parlé à quelques-uns de ces Miniftres, qui m'ont avoué qu'ils n'entendoient pas eux-mêmes la difpute qu'il y a entr'eux fur cet article. Cependant ils font regarder les Points particuliers pour lefquels ils fe font déclarez, comme des Articles d'une fi grande importance, fi effentiels, & fi fondamentaux dans la Religion, qu'ils en prennent occafion de fe feparer en différentes Sociétez. Si Dieu avoit voulu que perfonne ne dût être Chrétien, ou avoir part au Salut que les Docteurs, les Scribes, les Sages & les Difputeurs de ce Siécle, en ce cas-là il leur auroit donné une Religion proportionnée à leur genie, pleine de fpeculations, de fubtilitez, de termes obfcurs & abftraits. Mais St. Paul nous affûre pofitivement (1 Cor. I.) que l'Evangile n'a point été donné pour des perfonnes doûées de femblables qualitez, que la Doctrine fimple qu'il renferme n'eft pas pour eux, mais plûtôt pour ces gens pauvres, ignorans & fans lettres, Qui écouterent & crurent

les

les promeffes que Dieu leur faifoit de leur envoyer un Liberateur, Qui crurent que Jefus étoit ce Liberateur, Qui pouvoient concevoir un homme qui avoit été mort & étoit revenu en vie, & ne faifoient pas difficulté de croire qu'il reviendroit à la fin du Monde pour juger tous les Hommes felon leurs œuvres. Il eft fivrai que c'eft aux Pauvrès que l'Evangile a été prêché, què JesusChrift fait de cette circonftance une preuve auffi bien qu'un point capital de fa Miffion, Matth. XI.5. Orfi l'Evangile a été annoncé aux Pauvres, c'étoit fans doute un Evangile que les Pauvres pouvoient comprendre, c'està-dire un Evangile fimple & intelligible, &, comme nous l'avons vû, il étoit tel effectivement dans les Prédications de JesusChrift & de fes Apôtres.

FIN.

DISSER

DISSERTATION

Où fur les Principes du CHRISTIANISME RAISONNABLE on établit le vrai & l'unique Moyen de reünir tous les Chrétiens, malgré la difference de leurs Senti

mens.

I

Ļ eft certain que tout le monde ne découvrit pas d'abord le def fein & les principes du Chriftianifme Raisonnable. Mais il n'y a plus perfonne, à mon avis, qui n'en comprenne exactement la Doctrine, depuis la publication de ce que j'ai nommé Seconde Partie de cet Ouvrage, où j'ai donné un Extrait fidelle de tout ce qui a été écrit en Anglois pour le défendre contre les Objections de quelques perfonnes qui avoient entrepris de le décrier comme un Livre très-dangereux. M. Locke a pris tant de foin d'étendre & de développer fes pensées dans ces Eclairciffemens, qu'après les avoir lus on ne fauroit éviter de voir ce qu'il a prétendu prouver dans le Chriftianifme RaiJonnable: & tout ce qu'il dit, eft appuyé fur de fi bonnes raifons que ceux qui enten

dront