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multipliées, l'histoire a plus à raconter que la logique n'a à raisonner à priori.

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Nous avons écarté le rêve du contrat social, imaginé par Rousseau. Nous laissons aux fatalistes l'orgueilleuse théorie du droit divin, marquant du sceau de la prédestination les familles appelées à gouverner.

Il est plus exact de reconnaître que le pouvoir constituant s'est montré, le plus souvent, par une usurpation, suivie d'une adhésion tacite. Nous appelons usurpation, suivie d'adhésion, dans le sens le plus large, toute initiative prise au sommet de la société, ou à sa base. - Tantôt c'est l'acte d'un dictateur habile et fort, adjugeant le pouvoir à son génie, puis le gardant par la reconnaissance ou l'habitude des gouvernés. Tantôt c'est l'émeute partielle, commencement d'une révolution que la généralité des citoyens accepte et achève.

Chez quelques peuples, on a parfois procédé dans un ordre prévu à l'avance. Des constitutions ont organisé, à côté du pouvoir constitué, un pouvoir constituant régulier; elles ont réglé la forme dans laquelle la nation serait consultée pour opérer un changement ultérieur dans son mécanisme politique1.

787. Qu'est-ce que le pouvoir constitué? C'est le pouvoir organisé par le pouvoir constituant.

Le pouvoir constitué, d'après une division généralement reçue (qui me paraît devoir se maintenir, malgré quelques attaques vainement essayées contre

Exemples: art. 3 de la constitution du 4 novembre 1848. - Art. 31 32 de la constitution du 22 janvier 1852.

elle), a trois fonctions différentes. En d'autres termes, les trois modes d'action qu'il emploie sont ainsi désignés pouvoir législatif; pouvoir exécutif; pouvoir judiciaire.

788. Le pouvoir législatif est chargé de poser les règles de la distinction du juste et de l'injuste: 1o en laissant subsister le droit non écrit, par cela seul qu'il ne lui oppose aucune loi écrite contraire; 2o en rédigeant le droit écrit.

789. Droit non écrit... droit écrit... C'est ainsi que le DROIT se divise, au point de vue de la manifestation qu'en fait le pouvoir législatif.

Il ne faut pas se tromper sur le sens de ces deux mots droit non écrit, droit écrit.

Au premier abord, ils sembleraient indiquer, l'un le droit qui se fait connaître par tout autre signe que l'écriture, l'autre le droit qui se fait connaître par l'écriture. Cette première supposition semblerait confirmée par les Institutes de Justinien, du moins dans le passage suivant, en ces termes : « Et non ineleganter in « duas species jus civile distributum esse videtur; nam « origo ejus ab institutis duarum civitatum, Athena«rum scilicet et Lacedæmoniorum, fluxisse videtur. « In his enim civitatibus ita agi solitum erat, ut Lace> dæmonii quidem magis ea quæ pro legibus observa« rent, memoria mandarent; Athenienses vero, ea quæ « in legibus scripta comprehendissent, custodirent1.» Mais il faut se garder d'entendre ainsi les mots droit non écrit, droit écrit.

§ 10, Instit., De jure nat., gent. et civ.

Un sens très différent leur a été donné par l'usage. Pour trouver ce sens, racontons les faits :

11 y a, dans une nation : 1o des règles qui ne sont point publiées par la déclaration expresse du peuple votant au forum, ou des mandataires délégués par lui. Mais l'existence de ces règles ne s'en montre pas moins d'une manière incontestable. Elles sont tacitement reconnues par l'usage constant et universel: << Inveterata consuetudo1, diuturna consuetudo2, diu<< turni mores, consensu utentium comprobati3; tacita «< civium conventio.» C'est, dit Roussel, «l'expression <<< tacitement conventionnelle de la raison publique. »

Il y a, dans une nation : 2o d'autres règles qui sont publiées par la déclaration expresse du peuple convoqué en assemblée, ou par la déclaration expresse des mandataires délégués par lui (suffragium 5).

Des locutions consacrées donnent: 1o au droit tacitement supposé par une application journalière, le nom de droit non écrit ; 2° au droit expressément publié par le pouvoir social, le nom de droit écrit.

790. Ces locutions sont vicieuses.-En effet, d'une part, le droit dont l'existence se montre seulement par une application journalière peut très bien, après sa formation, être constaté par des auteurs, dans des

Julianus, fr. 32, § 1, Dig., De legibus, I, 3.

* Ulpianus, fr. 33, eodem.

3 S 9, Instit., De jure nat., gent. et civili, I, 2.

4 Hermog., fr. 35, Dig., De legibus, I, 3.

5 Julianus, fr. 32, Dig., eodem.

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<< Constat autem jus nostrum aut ex scripto, aut ex non scripto, ut, apud Græcos, twv vóμwv ol μèv ¤yypaçoɩ oì dè άypapoi.» (S 3, Instit., De jure nat., gent. et civili. Ulp., fr. 6, § 1., Dig., De justitia et jure, I, 1.)

recueils écrits: il n'en conserve pas moins la dénomination de droit non écrit.-Et, d'autre part, le droit expressément annoncé, sous une forme visible, par le pouvoir social, peut être manifesté par un moyen autre que l'écriture: il n'en conserve pas moins la dénomination de droit écrit.

Pour démontrer la première proposition, nous citerons le droit des provinces coutumières de notre ancienne France. Ce droit ne cessa pas de s'appeler droit non écrit, après l'apparition des compilations écrites que les jurisconsultes éditèrent.

Pour démontrer la seconde proposition, nous citerons le droit promulgué par le pouvoir social chez les Lacédémoniens (Voy. § 10, Instit., De jure nat., gent. et civili), et aussi le droit émané de l'autorité légale des Druides. L'un et l'autre doivent être désignés par le mot droit écrit, quoique, pour conserver ce droit écrit, le législateur ait préféré à l'écriture des récitations périodiques, ou des chants transmis à la mémoire des générations 1.

L'emploi de ces locutions se justifie toutefois en ce sens que l'écriture est le moyen le plus ordinaire et le plus commode de manifestation expresse; ainsi l'on est arrivé aisément à désigner, par le mot droit écrit, tout droit expressément manifesté.

791. En résumé, ces expressions devraient être

1 Marchangy, Gaule poétique.

L'écriture était, chez les Romains, le mode ordinaire de publication,

<< mais non l'unique; comme le montre l'expression d'edictum (ce qui est dit, prononcé ouvertement pour tous). »

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(FALCK, Cours d'introduction, introd., S 8.)

remplacées par celles-ci: droit coutumier; droit expressémemt promulgué1.

792. Coutumier, ou promulgué, le DROIT est toujours le DROIT.

Quid interest suffragio populus voluntatem suam « declaret? An rebus ipsis et factis 2 ? »

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Veut-on établir, entre ces deux manières de le manifester, une comparaison? Le jurisconsulte Paul fait remarquer que le premier degré d'autorité appartiendrait rationnellement au droit coutumier : « Imo magnæ « auctoritatis hoc jus habetur; quod in tantum proba« tum est, ut non fuerit necesse scripto id comprehen« dere 3. » En effet, la nation l'établit elle-même, sans recourir à ses mandataires; et ceux-ci le confirment, en ne promulguant rien de contraire. La force du droit coutumier réunit donc tous les éléments. La longueur de l'observation est le signe et non l'origine de cette force. Pindare appelle la coutume « la reine et emperière du monde 5.» «La coutume, disait Dion << Cassius, est semblable à un roi; la loi à un tyran. »>

α

1 Pomponius (fr. 2, § 3, Dig., De origine juris) oppose, dans ce sens, le mot lata lex aux mots incertum jus et consuetudo.

Le Principium, aux Institutes de Justinien, De adquis. per adrogationem, lib. III, tit. x, désigne le droit non écrit par les mots jus consensu receptum. Julien, fr. 32, Dig., De leg., lib. I, tit. III, l'appelle jus consuetudine inductum, moribus constitutum.

Nos anciens jurisconsultes ont adopté le mot droit coutumier.

Julien, fr. 32, § 1, Dig., De legibus, lib. I, tit. .

3 Paul, fr. 36, eodem.- Blackstone fait également observer que le droit non écrit a repose sur la libre volonté du peuple. »

Aj. Dion Chrysostôme, Orationes, t, II, pag. 410, édit. Reiske.

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• Parfois le droit écrit renvoie expressément au droit non écrit. — V. Cod. Nap., art. 590, 591, 593, 663, 671, 674, 1135, 1159, 1160, 1648, 1736, 1753, 1754, 1758, 1759, 1762. Aj. avis du Cons. d'État du 13 déc. 1811.

5 Montaigne, Essais, liv. I, chap. XXII.

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