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devoir, sur la menace d'une défaillance de l'amour du devoir.

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518. 2 subdivision du 4e système. MORALE : direction de l'intention.— DROIT: direction de l'action. - Nous trouvons, in terminis, cette formule, dans ces propositions de MM. Ahrens, Simon, Eschbach :

« La morale considère l'intention dans laquelle une « action est accomplie; le droit regarde l'action en « elle-même. — L'une envisage ainsi l'acte dans sa « source; l'autre plus dans ses effets1. »

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« La loi humaine regarde principalement l'action; << mais la loi divine ne regarde que l'intention2. » « Pour être parfaitement juste, il ne suffit pas d'at« tribuer à chacun ce qui lui est dû; mais il faut en« core le faire d'intention 3.

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« La morale a pour objet LE BON; le droit a pour « objet LE JUSTE 1. »

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519. Mais d'abord arrêtons-nous, pour critiquer la formule de ces propositions. Elle ne peut être ac

ceptée telle qu'on la doune.

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Une action ne peut être conforme à la morale ou au droit, que par l'effort honnête et sérieux d'obéir au devoir. Il n'y a point de devoir accompli, dans l'acte non libre du fou qui fait, sans conscience, une chose bonne en soi : il y a toujours devoir accompli, dans l'acte libre de l'homme sain d'esprit, qui fait

1 Ahrens, Cours de droit naturel, partie générale, chap. 1, § 4.

2 Jules Simon, Le Devoir.

3 Eschbach, Cours d'introduction, partie I, no 2, pag. 22.

Id., ibid., chap. 1, no 5, pag. 26.

5 Tom. I, nos 251 à 258.

scicmment et volontairement une chose bonne en soi. Que veulent donc dire les propositions que nous citons, si vraiment elles distinguent ce qu'on appelle l'action et l'intention?..... Rien qui puisse être approuvé par une méditation attentive.

Il faut, de toute nécessité, commencer par en modifier au moins la rédaction. J'ai grand peur, en effet, que cette rédaction ne tombe dans un grand vice de langage, en confondant l'intention et le mobile de l'intention. Je crois qu'on veut dire ce qui suit : « Il y a « action et intentior, et obéissance A LA MORALE, quand, « en accomplissant l'acte bon, on agit PAR JUSTICE OU « AMOUR DU DEVOIR; il y a action sans intention, et « obéissance AU DROIT seulement, quand, en accom« plissant l'acte bon, on agit PAR INTÉRÊT............. »

Acceptons cette traduction, pour bien déterminer la portée de ces propositions. Cela fait, n'en persistons pas moins à attaquer le fond des idées qu'elles contiennent... L'attaquer? A quoi bon? Nous l'avons déjà fait. Nous savons qu'un résultat juste en soi ne peut JAMAIS être produit par L'INTÉRÊT MAL ENTENDU (Voy. tome I, n° 274). La formule de la 2o subdivision du 4o système ne pourrait donc avoir un sens intellligible, qu'en la supposant conçue en ces termes MORALE règle de l'acte bon, accompli par JUSTICE. DROIT : règle de l'acte bon, accompli par INTÉRÈT BIEN ENTENDU..... Or, ce sens ne peut aucunement être accepté. En effet, nous croyons avoir démontré mathématiquement l'identité de LA JUSTICE et de L'INTÉRÊT BIEN ENTENDU (tome I, nos 241 à 244)..... Ainsi, la formule proposée, appuyée uniquement

sur une prétendue distinction qui n'existe pas, tombe par cela même en son entier!

520. 3e subdivision du 4e système. -MORALE: direction de la pensée. -DROIT: direction de l'action.

Si la pensée du mal n'est point coupable dans sa survenance, parfois involontaire et fatale, elle devient coupable, nous l'avons dit, lorsque, loin d'en combattre énergiquement la première invasion, on caresse complaisamment l'image qu'elle apporte. Eh bien! c'est en supposant la pensée devenue ainsi répréhensible, qu'on propose la troisième subdivision du 4o système.

Ceux qui admettent cette dernière subdivision, se placent, pour la formuler, en face du législateur. Ils lui recommandent d'abandonner la pensée coupable à la sanction intérieure de la conscience, sanction qui est du domaine de la morale; et de réserver seulement, contre l'action coupable, la sanction extérieure, sanction qui est du domaine du droit.

Entendons-nous. Veut-on seulement exprimer une vérité de fait, savoir que la pensée est d'ordinaire, ́ quand elle le veut, impénétrable, si ce n'est à Dieu et à la conscience de celui qui pense1? et qu'ainsi le droit, impuissant à la surprendre, ne peut, pour la punir, que s'en rapporter au remords?..... Si c'est là tout ce que l'on veut dire, on fait seulement une observation puérile. De cette inutile remarque, quelle différence peut-il résulter entre la morale et le droit? Aucune.

Homo videt ea quæ parent; Dominus autem intuetur cor. »

(Les Rois, chap. XVI, § 1, vers. 7.)

En effet, l'impossibilité d'atteindre le mal inconnu est la même pour le droit, quand il s'agit du mal de l'action ignorée, aussi bien que quand il s'agit du mal de la pensée ignorée. Entre le pouvoir social et les méchants demeurés invisibles, comme entre le Cid et les Maures,

(.....

Le combat finit faute de combattants. >>

Hâtons-nous de rendre plus de justice aux partisans de la formule. Leur intention est d'exprimer une différence plus réelle entre le droit et la morale. Ils veulent poser cette règle: Le DROIT ne doit punir que l'ACTION, manifestant une pensée coupable'. LA PENSÉE COUPABLE, MAIS NON SUIVIE D'ACTION, quand même son existence serait, en fait, parfaitement connue, ou susceptible d'être connue, doit échapper au DROIT. Elle doit rester seulement soumise au blâme de la MORALE.

521. Nous répondons : Il est vrai, l'intervention du droit, contre la pensée coupable, devra être rare, infiniment rare, pour ne pas dégénérer en inquisition nuisible; mais pourtant cette intervention sera possible, et très raisonnablement, dans tels ou tels cas donnés, comme le fait observer fort bien Warnkoenig 3. Les lois qui règlent l'exercice de la religion, et qui organisent

1 « Les juges ne punissent que les pensées dans les actions. » (Leibnitz.) - Voyez, encore une fois, ce que nous avons dit sur l'obéissance et la désobéissance, tom. Ier, nos 257, 258.

2 Nous accordons à M. Eschbach (Cours d'introduction, partie I, S 1, pag. 20), qu'un législateur prudent ne chargera pas le ministère public de rechercher la violation du devoir « de ne pas souhaiter de mal à autrui. » 3 Lege alicujus populi statui potest, cogitationes esse ponderandas. ▾ (Doctrina juris philosophica, cap. ш, § 41.)

l'instruction publique, les articles de nos codes sur la puissance paternelle, et mille autres dispositions juridiques, sont des applications préventives du droit, contre les écarts de la pensée.

Le droit a aussi, à plus forte raison, contre la pensée, des lois répressives. Un mineur de seize ans est déclaré auteur d'un crime; mais il est acquitté, comme ayant agi sans discernement. Le tribunal ordonne, dans l'intérêt de ce mineur, qu'il sera retenu dans une maison de correction, jusqu'à sa majorité. En autorisant cela, sur quoi l'article 66 du Code pénal étend-il son empire? Est-ce sur l'action commise? Non. Elle a été déclarée innocente. C'est donc sur la pensée que cette action indique : sur la pensée, qui incline au mal, et qu'il faut essayer de réformer par une instruction salutaire.

Autre supposition. Un père, usant du droit que lui donne l'article 377 du Code Napoléon, demande au président du tribunal d'emprisonner, pendant six mois, son fils âgé de plus de seize ans. Il allègue, comme motifs graves, l'habitude qu'a son fils de s'abandonner à des projets vicieux, qu'il ne traduit pas encore en action, mais dont il ne repousse pas la conception. Ce père sera-t-il nécessairement repoussé par le juge? Je n'en crois rien 1. Et pourquoi le croirais je?

1 « On punit la tentative, dit M. Simon, quoique la société n'ait reçu • aucun dommage. » - S'il était vrai que la société n'ait reçu aucun dommage, que punirait-on alors dans la tentative? La pensée déclarée par cette tentative.

Du reste, il n'est pas vrai de dire que la société n'a reçu aucun dommage. Un de ses membres a employé son temps à corrompre, en lui, un des instruments du bonheur social.

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