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TITRE III.

RAPPORTS SPÉCIAUX DE LA SCIENCE DU DEVOIR AVEC LA QUESTION DE LA SOCIABILITÉ DE L'HOMME.

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399. Rappel de la distinction des deux directions de la liberté : direction sociale, direction individuelle.

400. Critique des divers synonymes par lesquels on désigne la direction sociale et la direction individuelle.

401. Adoption des mots droit et morale, pour distinguer la direction sociale et la direction individuelle. 402. Explication du mot droit pris dans un sens objectif : Ensemble des devoirs et des droits sanctionnés par le pouvoir social. Explication du mot morale: Ensemble des devoirs et des droits non sanctionnés par le pouvoir social. 403. Adoption des mots obligation et devoir, de préférence aux mots obligation parfaite et obligation imparfaite. 404. Adoption des mots droit positif et droit naturel, pour indiquer les deux subdivisions du droit.

405. Question de la sociabilité de

l'homme, préjudicielle
toute science du devoir.

à

(BALLANCHE.)

Enumération des divers systèmes sur la solution de cette question.

406. 1er système : Croyance à la légitimité d'un état anté-social heureux. - Négation de l'utilité et de la légitimité de l'état social.

407. 2° système : Croyance à l'existence d'un état anté-social malheureux. Affirmation

de l'utilité de l'état social. 408. 3e système : Négation de l'existence d'un état anté-social.— Affirmation de la destination de l'homme à l'état social. Affirination de la destination de la société à diriger l'homme tout entier. 409. 4° système : Négation de l'existence d'un état anté-social.Affirmation de la destination de l'homme à l'état social.Négation, au moins provisoire, de la destination de la société à diriger l'homme tout entier.

410. La coexistence des mots morale et droit n'est possible que dans le 4e système.

399. Nous avons signalé, dans l'épilogue de notre troisième partie (nos 375 à 382), l'existence, en fait,

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de deux directions de l'homme, l'une sociale, l'autre individuelle. - Nous avons énuméré les diverses lo

cutions par lesquelles on les désigne. On emploie, comme synonymes du mot DIRECTION SOCIALE, les mots lois du for extérieur, lois humaines, lois arbitraires, lois politiques, droit : les devoirs qui résultent de ces lois sont appelés obligations proprement dites, ou obligations parfaites. On emploie, comme synonymes

du mot DIRECTION INDIVIDUELLE, les mots lois du for intérieur, lois divines, lois immuables, lois de l'équité, morale: les devoirs qui résultent de ces lois sont appelés devoirs proprement dits, ou obligations imparfaites.

400. Entre ces diverses expressions, quelles sont celles que nous choisirous comme les meilleures (ou, si l'on veut, comme les moins vicieuses)?

Et d'abord, évitons l'emploi des expressions lois du for intérieur, lois du for extérieur; elles sont aussi obscures que barbares.

N'acceptons pas davantage les mots lois divines et lois humaines. Le droit romain est coupable de leur introduction dans la science (comme nous le verrons coupable de bien des définitions inacceptables du mot droit naturel). On trouve le germe de cette antithèse dans un passage des Institutes, où, en regard des préceptes du droit positif, « quæ ipsa sibi quæque civitas constituit, » on met les préceptes du droit naturel, « divina quadam providentia constituta 1. » C'est supposer que l'homme privé et le législateur sont in

1 S 11, Instit., De jure naturali, gentium et civili, lib. I, tit. 1.

struits par des révélations différentes. Mais qu'est-ce à dire? Si l'homme privé reçoit immédiatement de Dieu les règles qu'il s'impose, est-ce donc d'un démon que le législateur reçoit les règles qu'il cherche pour le bonheur de la société ? De pareilles rêveries ne supportent pas l'analyse. Quiconque cherche consciencieusement la direction de la liberté, cherche en Dieu l'inspiration de sa pensée.

1

Repoussons encore la distinction des lois immuables et des lois arbitraires, n'en déplaise à Domat. Elle a d'abord l'inconvénient de mettre en regard deux mots qui ne sont pas la contrepartie l'un de l'autre. L'opposé de l'adjectif immuable serait l'adjectif commutable. L'opposé de l'adjectif arbitraire (c'est-àdire dépendant du caprice de la volonté) serait l'adjectif raisonnable (c'est-à-dire dépendant d'une volonté réfléchie). - A cette critique de la distinction dans sa forme, ajoutons une autre critique sur le fond de l'idée. Domat semble supposer, d'une part, que les lois positives sont l'œuvre du caprice des législateurs2; d'autre part, que les lois naturelles sont absolument incommutables. Ces points auront besoin d'être discutés. Ils seront plus ou moins contestés. Ne les préjugeons pas par le choix d'expressions imprudentes.

Enfin n'opposons pas, les unes aux autres, les lois politiques et les lois de la morale ou de l'équité. Il

1 Tel n'est pas du moins l'avis de Démosthènes, ni du jurisconsulte Marcien (fr. 2, Dig., De legib., lib. I, tit. 1), quand ils définissent la loi : « In« ventum ac munus Dei. »

2 Par cette supposition, le religieux Domat donne, dans la science du devoir, accès au scepticisme. Une fois maître de la moitié de la place, le scepticisme fera bien vite, et aisément, bon marché des lois immuables!

faut regretter de retrouver cette antithèse dans la dénomination donnée à l'une des classes du corps savant que l'Europe nous envie1. Le mot lois politiques ne peut convenir dans une division principale. Il doit être réservé pour une subdivision très secondaire des branches de la science. Quand même ce mot serait plus général, l'opposer au mot équité, c'est présenter les lois politiques sous un jour odieux. En effet, qu'est-ce que l'équité, d'après l'étymologie du mot? L'égalité. Or, l'égalité proportionnelle, nous le verrons, est une des bases proposées de la morale et du droit. Si l'on oppose les lois politiques aux lois de l'équité, veut-on donc faire entendre qu'elles sont les lois de l'inégalité? Ce serait u. accusation aussi grave qu'absurde2.

401. Après ces élagations, il nous reste les mots droit et morale. Ils laissent beaucoup à désirer: mais ils sont les plus usités. Nous les adopterons. Expliquons-les.

402. Nous avons vu (nos 188 à 194) apparaître, dans un sens subjectif, le mot droit. Notre analyse attentive n'a trouvé, dans le droit, que le devoir de faire respecter notre devoir; en d'autres termes une des espèces, un des modes d'application du devoir. Mais chacun est séduit par l'image d'une domination qui

Une des classes de l'Institut est désignée sous le nom de Classe des sciences morales et politiques.

2 Dans le vocabulaire français de MM. Nodier et Ackermann, on lit: ÉQUITÉ: justice, mais avec une modération et un adoucissement raison⚫nables.

Cela ne signifie absolument rien. L'économiste Proudhon réfute fort bien ce non-sens, en disant : « Si la loi doit se modérer, la modération est la loi de la loi. »

lui donne action sur la liberté d'autrui, bien plus que par l'image d'un esclavage qui restreint sa propre liberté. En conséquence, on s'est attaché au caractère actif et dominateur du devoir de faire respecter notre devoir, et l'on a cru y voir un phénomène distinct de celui du devoir lui-même. C'est ainsi qu'on a fait du droit, soit le corrélatif de tout devoir, soit plus spécialement le corrélatif du devoir sanctionné, sous le nom d'obligation, par le pouvoir social.

Il ne s'agit plus ici de ce sens subjectif (exact ou non) du mot droit. Ce mot nous apparaît, en ce moment, dans un sens objectif. Il signifie une collection de devoirs et de droits. Comment a-t-il pris cette extension? Bien aisément. On avait à choisir, ou de généraliser le mot devoir, ou de généraliser le mot droit. Le mieux eût été de généraliser le mot devoir. Mais toujours entraînés par ce qui flatte le plus leurs passions, les hommes ont généralisé, de préférence, le mot droit.

Ce parti étant pris, ils auraient pu du moins (comme nous l'avons dit') employer, dans le sens objectif, le mot droit, pour exprimer l'ensemble des devoirs et des droits enseignés soit par la direction sociale, soit par la direction individuelle... Mais un langage conventionnel a préféré mutiler le mot droit, en comprenant seulement, en lui, l'ensemble des devoirs et des droits sanctionnés par la direction sociale.

« NOUS ENTENDONS PAR DROIT, disent les jurisconsultes, UN ENSEMBLE DE PRÉCEPTES AUXQUELS LES

1 Voyez tom. I, no 10.

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