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Imprimerie d'évERAT,

RUE DU CADRAN, N° 16.

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ESSAIS

DE MONTAIGNE.

L'AUCTEUR AU LECTEUR.

Edouard, prince de Galles, celuy qui re

C'est icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t'advertit dezgenta si longtemps nostre Guienne, personnage l'entrec, que ie ne m'y suis proposé aulcune fin, que domestique et privee: ie n'y ay eu nulle consideration de ton service, ny de ma gloire; mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. le l'ay voué à la commodité particuliere de mes parents et amis: à ce que m'ayants perdu (ce qu'ils ont à faire bientost), ils y puissent retrouver quelques traicts de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifve la cognoissance qu'ils ont euë de moy. Si c'eust esté pour rechercher la faveur du monde, ie me feusse paré de beautez empruntees: ie veulx

qu'on m'y veoye en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans estude et artifice; car c'est moy que ie peinds. Mes deffauts s'y liront au vif, mes imperfections et ma forme naïfve, autant que la reverence publique me l'a permis. Que si i'eusse esté parmy ces nations qu'on dict vivre encores soubs la doulce liberté des premieres loix de nature,

ie t'asseure que ie m'y feusse tresvolontiers peinct tout entier et tout nud. Ainsi, lecteur, ie suis moy mesme la matiere de mon livre: ce n'est pas raison que tu employes ton loisir en un subiect si frivole et si vain; adieu donc. De Montaigne, ce 12 de juin 1580.

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LIVRE PREMIER.

CHAPITRE PREMIER.

Par divers moyens on arrive à pareille fin. La plus commune façon d'amollir les cœurs de ceulx qu'on a offensez, lors qu'ayants la vengeance en main, ils nous tiennent à leur mercy, c'est de les esmouvoir, par soubmission, à commiseration et à pitié : toutesfois la braverie, la constance et la resolution, moyens tout contraires, ont quelquesfois servy à ce mesme effect.

duquel les conditions et la fortune ont beaucoup de notables parties de grandeur, ayant esté bien fort offensé par les Limosins, et prenant leur ville par force, ne peut estre arresté par les cris du peuple et des femmes et enfants abandonnez à la boucherie, luy criants mercy, et se iectants à ses pieds; iusqu'à ce que, passant tousiours oultre dans la ville, il apperceut trois gentilshommes françois qui, d'une hardiesse incroyable, soustenoient seuls l'effort de son armee victorieuse. La consideration et le respect d'une si notable vertu reboucha premierement la poincte de sa cholere; et commençea par ces trois à faire misericorde à touts les aultres habitants de la ville.

Scanderberch, prince de l'Epire, suyvant un soldat des siens pour le tuer, ce soldat, ayant essayé par toute espece d'humilitez et de supplications de l'appaiser, se resolut à toute extremité de l'attendre l'espee au poing: cette sienne resolution arresta sus bout la furie de son maistre, qui pour luy avoir veu prendre un si honnorable party, le receut en grace. Cet exemple pourra souffrir aultre interpretation de ceulx qui n'auront leu la prodigieuse force et vaillance de ce prince là.

L'empereur Conrad troisiesme, ayant assiege Guelphe, duc de Bavieres, ne voulut condescendre à plus doulces conditions, quel

le prince noir, fils d'Édouard III, roi d'Angleterre et père de ' Que les Anglois nomment communément the black prince, l'infortuné Richard II. Le trait suivant se trouve dans Frois

sart, vol. 4, chap. 289, pag. 368 et 369. C.

* En 1140, dans Weinsberg, ville de la Haute-Bavière. l ́oy, Calvisius, Opus chronologicum. C.

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