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« due. Tel fut, pour Galilée le résultat de son séjour à Rome pendant les six premiers mois de l'année 1616. On a de lui, dans cet intervalle de temps, une suite de lettres adressées au secrétaire du grand-duc de Toscane, Curzio Picchena, homme excellent et son intime ami, où il raconte ses tourments d'esprit et ses tristesses, sans oser lui confier par écrit les détails des intrigues qui les causent, et s'attachent partout à le décrier'.

Les difficultés dont il était alors enveloppé, sont représentées au vif, avec tous leurs périls, dans une lettre adressée le 4 mars 1616, au grand-duc Ferdinand II, par Pietro Guicciardini alors ambassadeur de ce prince près de la cour pontificale. Quoiqu'elle ne vienne pas d'une main amie, je la rapporte ici presque en entier, parce qu'elle fait voir parfaitement quelle était la position de Galilée à Rome, dans ce temps-là.

« Galilée a fait ici plus de cas de son opinion, que de celle de « ses amis. Le cardinal del Monte et moi, nous sommes joints à

plusieurs cardinaux du Saint-Office pour l'engager à se tran<quilliser et à ne pas irriter cette affaire; lui remontrant que s'il voulait tenir cette opinion, il fallait qu'il le fît paisiblement, sans déployer tant d'efforts pour amener, et tirer les autres, à << s'y rendre; parce que chacun de nous craint que sa présence <ici ne lui soit dangereuse et dommageable; de sorte qu'au lieu * d'y être venu pour se défendre et triompher de ses ennemis, il « n'y reçoive quelque affront. Lui, trouvant, à son idée, que l'on se << montre froid pour son intention et ses désirs, après en avoir << informé et fatigué plusieurs cardinaux, s'est jeté dans la faveur << du cardinal Orsino, pour lequel il s'est procuré de la part de « votre altesse une lettre de recommandation très-vive; par suite « de quoi mercredi dernier, dans le consistoire, ce cardinal ayant « parlé au pape en faveur de Galilée, je ne sais si avec assez d'à

1 F., t. VI, p. 211 à 237.

3 F., t. VI, p. 227.

<< propos et de prudence, Sa Sainteté lui dit: que Galilée ferait bien << d'abandonner cette opinion. Sur cela, Orsino ayant répondu << quelque chose de trop pressant, le pape coupa court à ses re<< présentations, en lui déclarant avoir renvoyé cette affaire aux << cardinaux du Saint-Office. Orsino parti, le pape fit appeler le << cardinal Bellarmino; et, après en avoir discouru avec lui, tous << deux s'accordèrent à conclure que cette opinion de Galilée est << fausse et hérétique. J'apprends, qu'avant hier, ils ont assemblé << à ce sujet une congrégation de cardinaux, pour la déclarer telle; << et Copernic, ainsi que tous les auteurs qui ont écrit dans son << sens, seront redressés, corrigés, ou prohibés. Toutefois, je pense << que Galilée n'aura pas à souffrir dans sa personne, parce que, <«< comme homme prudent, il voudra et croira, ce que veut et croit << la sainte Église. Mais il s'échauffe dans ses opinions, et il est pos<< sédé intérieurement d'une extrême passion, avec peu de force et << de prudence pour la savoir vaincre. Une telle irritabilité lui << rend très-périlleux le ciel de Rome, surtout dans ce siècle, où le << prince de céans (Paul V), abhorre les belles-lettres et les raison<< nements, ne peut souffrir cette nouveauté, ni ces subtilités poin<< tilleuses; et chacun tâche de s'accommoder, corps et âme, aux << façons ainsi qu'à l'esprit du maître. De sorte que ceux qui ont << quelques connaissances, et qui en sont curieux, s'ils ont du bon << sens, se montrent tout autres, pour ne pas se rendre suspects, << et s'éviter à eux-mêmes des désagréments. Galilée a ici contre <<< lui des moines, et d'autres personnes, qui lui veulent du mal et << le persécutent. Il n'est pas du tout dans une disposition d'es<< prit convenable à ce pays-ci, et il pourrait y mettre lui et d'au<< tres, dans des intrigues dangereuses. » Le reste de la lettre a pour but de représenter la présence de Galilée à Rome comme pouvant compromettre la cour de Toscane, et lui attirer de sérieuses difficultés avec le Saint-Siége. Toutefois cette insistance n'eut pas d'effet; et Galilée resta encore un mois de plus à Rome, sans être personnellement inquiété.

Pendant les derniers temps de ce séjour à Rome, le 8 janvier 1616, il avait adressé au cardinal Orsino, son protecteur, une dissertation sur le flux et le reflux de la mer, où il présente ce phénomène comme étant à la fois une conséquence, et un indice, du mouvement de rotation diurne de la terre, opinion qu'il a depuis reproduite dans la quatrième journée de ses dialogues'. C'était une erreur de mécanique excusable alors, surtout pour lui, qui cherchait, de tous côtés, des arguments pour sa défense. Mais, si l'état imparfait de cette science l'exposait ainsi à donner parfois de mauvaises raisons comme bonnes, il faut pardonner à ses adversaires de n'avoir pas pu toujours distinguer les bonnes des mauvaises. En général, les mouvements des corps terrestres ne présentant à l'observation immédiate que des déplacements relatifs, c'est une recherche très-subtile que d'y reconnaître des traces de mouvements absolus. Au temps de Galilée, et longtemps après encore, le mouvement propre de circulation et de rotation de la terre, n'a pu se conclure que d'inductions, à la vérité trèspuissantes; que le progrès des connaissances astronomiques a multipliées et fortifiées, au point de les rendre presque équivalentes à la certitude, en montrant que les lois de circulation des planètes autour du soleil, leur rotation sur elles-mêmes, leur puissance attractive, s'appliquent numériquement et physiquement à la terre, considérée comme un de ces astres. C'est seulement depuis peu d'années, qu'en étudiant dans leurs plus minutieux détails, les mouvements relatifs des corps autour de sa surface, on est parvenu à y prévoir et à y constater des indices physiques de sa rotation: par exemple leur déviation de la verticale vers l'Est quand ils tombent en chute libre d'une grande hauteur, déviation due à l'excès de leur vitesse de translation au point de départ; puis, et surtout, la déviation progressive du plan d'oscillation des pendules suspendus à un point fixe, dévia

1 F., t. II, p. 387.

tion soumise à des lois calculables, qu'un habile physicien de notre temps, M. Foucault, avait théoriquement prévues, avant de l'avoir rendue manifeste par l'expérience. Le premier de ces phénomènes, la déviation vers l'Est, a échappé à Galilée, quoiqu'il en ait été bien près, et que ses raisonnements eussent dû l'y conduire'. Quant à la déviation du plan des pendules, sa dépendance du mouvement rotatoire était trop cachée, pour qu'on pût alors la saisir; et la preuve c'est que les expérimentateurs de l'Académie del Cimento, Viviani lui-même, l'ont aperçue sans pouvoir l'interpréter.

Galilée resta dans cet état de suspicion avec Rome, depuis 1616 jusqu'à 1623, tant que dura le pontificat de Paul V et celui de son successeur Grégoire XV. Après la mort de ce dernier, il retrouva une lueur d'espérance. Le 6 août 1623, le cardinal Maffeo Barberino fut élevé au trône pontifical et prit le nom d'Urbain VIII. Celui-ci s'était montré toujours fort affectionné à Galilée. Il l'avait reçu à sa table, admis dans sa familiarité ; et même, le 28 août 1620, il lui avait adressé une lettre trèsflatteuse, accompagnée d'une pièce de vers latins, à la fois astronomique et morale, dont je rapporte ici quelques strophes en note 3. Devenu pape, il écrivit au grand-duc, le 8 juillet 1624, une lettre de compliment dans laquelle, en énumérant les gloires de l'Étrurie, il y comprenait celle que lui apportaient les décou

F., t. I, p. 190 et 191.

2 Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. XXXII, p. 635 et 636. Séance du 28 avril 1851.

3 V., t. II, p. 81.

Non semper extra quod radiat jubar
Splendescit intra: respicimus nigras
In sole (quis credat ?) asseclas
Arte tua, Galilæe, labes.

Seu scorpii cor, sive canis facem
Miratur alter, vel Jovis asseclas,
Patrisve Saturni repertas,

Docte tuo Galilæe vitro.

vertes astronomiques de Galilée. Celui-ci, comptant sur ces bonnes dispositions, s'était transporté à Rome, pour offrir ses félicitations au nouveau pontife, espérant s'en prévaloir pour obtenir la révocation de la sentence qui condamnait la doctrine de Copernic. Mais il s'aperçut que, dans cette cour, on n'aime pas à se dédire. Personnellement, Urbain VIII inclinait pour les péripatéticiens. «J'ai reçu ici, dit Galilée, dans une de ses lettres, toute < sorte d'accueils et de faveurs. J'ai eu jusqu'à six audiences du « pape, où je suis entré chaque fois avec lui dans de longs raison<< nements... On m'a gratifié d'un beau tableau, de deux médailles, < une d'argent, une d'or, avec force agnus Dei... » Quant à la prohibition qui lui tenait au cœur, il vit clairement qu'elle était considérée comme une mesure de prudence ecclésiastique, sur laquelle on n'était pas disposé à revenir. Les plus modérés lui accordaient que ces spéculations scientifiques ne doivent pas être mises en opposition avec l'Écriture; et, ajoute-t-il, «quant à cher

cher de quel côté est le vrai, et le non vrai, le P. Mostro (le « P. Prodige) n'adhère ni au système de Copernic, ni à celui de << Ptolémée; mais il se tranquillise par un procédé à lui, qui est <tout à fait commode: c'est de mettre des anges, qui sans au

1 Venturi, t. II, p. 89. Nuper autem dilectus filius Galilæus æthereas plagas ingressus, ignota sidera illuminavit, et planetarum penetralia reclusit. Quare, dum beneficum Jovis astrum micabit in cœlo quatuor novis asseclis comitatum, comitem ævi sui laudem Galilæi trahet. Nos tamen tantum virum, cujus fama in cœlo lucet, et terras peragrat, jamdiu paterna charitate complectimur.

2 Écrite de Rome le 8 juin 1624. F., t. VI, p. 298-296.

1 On appelait ainsi, communément, Nicolo Ricardi, dominicain. Ce surnom de Mostro lui avait été donné par le roi d'Espagne à cause de sa prodigieuse éloquence. F., t. VI, p. 296, note. Plus tard, il devint maître du sacré palais, et à ce titre réviseur des imprimés. Ce fut pendant qu'il occupait ce poste que Galilée eut l'adresse de se faire délivrer, par lui, la permission d'imprimer les Dialogues; permission dont il se prévalut pour les faire imprimer à Florence, quoiqu'elle ne fût légalement valable que pour Rome. Aussi, après le procès et la condamnation de Galilée en 1633, le bon P. Mostro fut-il rudement disgracié par Urbain VIII, pour s'être laissé ainsi surprendre.

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